"Mystère"

Elle a l’accent anglais en se réveillant d’une opération, quel est ce syndrome ?

Après une intervention chirurgicale des amygdales, une Sarthoise a développé le syndrome de l’accent étranger, un phénomène médical rare et inexpliqué.

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  • 19 Mai 2025
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    En juin 2024, Laetitia se fait opérer des amygdales au Mans. "Mes trois enfants ont été opérés avant moi et par le même chirurgien. À leur réveil, ils parlaient de façon nasillarde. Je me suis dit que moi aussi, j'allais parler de cette façon. Quand je me suis réveillée, j’avais cet accent", a confié, au Petit Courrier, la femme qui habite près de Montval-sur-Loir, dans le sud de la Sarthe. L’accent en question est anglais.

    Syndrome de l’accent étranger : "Vous êtes un mystère pour la science"

    À la suite de cette chirurgie, le spécialiste n’a pas mentionné de problème spécifique. Trois semaines plus tard, la patiente, aujourd’hui âgée de 47 ans, retourne le voir pour faire un bilan. "Il m’a dit : 'Tout va bien, tout est OK.' Je lui ai demandé quand j’allais retrouver ma voix. Il m’a répondu : 'Il faut être patiente.' J’ai donc attendu." Après trois mois d’attente, elle lui signale qu’elle n’a toujours pas retrouvé sa voix. "Il y a eu un blanc, il ne comprenait pas et m’a demandé : 'Elle a quoi votre voix ?' J’ai insisté en disant que je voulais retrouver ma voix d’avant l’opération. Il m’a dit : 'Vous n’êtes pas anglo-saxonne ?' Je lui ai dit : 'Non, pas du tout.' À l’auscultation, tout est normal. Je ne sais pas quoi vous dire, vous êtes un mystère pour la science."

    "Apparemment, on hérite de l’accent d’une langue déjà apprise"

    À l’issue de ce rendez-vous, elle comprend qu’elle souffre du syndrome de l’accent étranger. Il s’agit d’un trouble rare, qui n’aurait été diagnostiqué qu’une soixantaine de fois depuis sa découverte en 1907. "Apparemment, on hérite de l’accent d’une langue déjà apprise. J’ai fait anglais et espagnol à l’école. Donc ça aurait pu être espagnol. Après, pourquoi cet accent… Je n’en sais rien." N’ayant eu aucune réponse à ces questions, la mère de famille a consulté un ORL, qui ne l’a pas pris au sérieux. "Il ne m’a pas cru, m’a dit que j’étais folle, et j’ai quitté l’hôpital en pleurs. (…) J’ai demandé et obtenu mon dossier médical. Des recherches ont été faites pour connaître l’origine de ce qui m’est arrivé. Il semblerait que quelque chose se soit produit durant l’anesthésie : une zone moins bien irriguée au niveau du cerveau. Généralement, ce syndrome apparaît suite à un accident, un AVC, ou une opération, comme moi."

    Parler avec un accent anglais, "c’est quelque chose qui fait partie de moi"

    Pour que sa pathologie soit prise en charge, l’hôtesse de caisse s’est tournée vers des orthophonistes et des ORL. "Ils m’ont répondu qu’ils ne pouvaient rien pour moi." Depuis plus de 10 ans, elle vit donc avec cet accent. "Maintenant, je n’y prête plus attention. C’est quelque chose qui fait partie de moi. En revanche, j’ai eu plus de mal lorsqu’il y a eu le Covid. À un moment, il y avait plusieurs clusters en Angleterre et les Anglais ne pouvaient pas venir en France. Partout où j’allais, on me regardait comme si je n’avais pas le droit d’être ici, chez moi. C’est le seul moment où ça a été compliqué pour moi, je ne me sentais pas à ma place et je devais justifier d’être légitime dans mon pays. C’est ce qui me fait peur, être étrangère dans mon pays."

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    JDF