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Santé et Présidentielle : les propositions d’Anne Hidalgo

La campagne présidentielle a commencé et, après la crise de l’hôpital et la pandémie Covid-19, nous avons interrogé les candidats et des représentants de la société civile sur leurs propositions de réforme de la Santé. Aujourd’hui, l’interview du Pr Antoine Pelissolo, un des référents santé d’Anne Hidalgo.

  • Niyazz/istock
  • 28 Mar 2022
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    Le Pr Antoine Pelissolo est psychiatre et chef de service au CHU Henri-Mondor à Créteil. Il est également Secrétaire national adjoint au Parti socialiste, Premier adjoint au Maire de Créteil et référent santé pour Anne Hidalgo.

      

    Dans la santé, ces dernières années, on a eu crise sur crise, avec celle de la Covid-19 en plus. La réforme est désormais indispensable. Quelle est la philosophie de la réforme que vous proposez ?

    L’objectif que se donne Anne Hidalgo est de faciliter l’accès aux soins partout où cela est nécessaire, pour réduire les inégalités de santé qui sont nombreuses en France. Ceci suppose de renforcer les réseaux de soins mais aussi d’améliorer les conditions d’exercice des professionnels, en particulier des médecins, facteur essentiel de l’attractivité de ces métiers.

    La mesure socle de son programme est de changer radicalement de perspective en matière de financements, en basant les dépenses non pas sur des objectifs comptables fixés en dehors de toute concertation comme c’est le cas aujourd’hui dans la définition de l’ONDAM mais sur des Objectifs Nationaux de Santé Publique, établis et débattus dans les territoires puis au Parlement avant le vote du budget de la sécurité sociale.

    Ceci permettra de soutenir tous les besoins de soins et de prévention de manière volontariste, et de construire un système de santé adapté aux défis à venir, aussi bien pour la pratique de ville que pour les hôpitaux. A propos des hôpitaux, nous souhaitons revoir également leur gouvernance et les modes de financement, pour redonner du sens et des moyens aux médecins et aux soignants.

    Comment aider les médecins en zone sous-dotée en 2022 ?

    Il faut au plus vite réduire les déserts médicaux et refaire de la santé un secteur attractif, avec des mesures de court terme et d’autres à plus long terme.

    À court terme, Anne Hidalgo propose de faire de la quatrième année d’internat de médecine générale une véritable année de professionnalisation lors de laquelle les internes en fin de formation exerceront dans les zones sous-dotées. Ils seront encadrés par des médecins installés acceptant la mission revalorisée de maitre de stage, et ils seront accompagnés matériellement par les Conseils Départementaux, notamment pour les questions de logement et de déplacement. Et ils auront une rémunération à la hauteur de cette tâche essentielle. Dès 2023, ce sont ainsi 4 000 médecins qui exerceront dans ces territoires, avec l’objectif qu’une part importante d’entre eux puissent développer ainsi sur place leur projet professionnel.

    L’année de professionnalisation des médecins généralistes dans les déserts médicaux s’intègrera dans un contrat entre l’État et les départements. A plus long terme, Anne Hidalgo prévoit une augmentation forte du nombre d’étudiants en médecine, qu’il faudra porter à 15000 par an en créant en parallèle des postes de Professeurs dans toutes les disciplines et de maitre de stages parmi les praticiens de ville.

    Comment améliorer les relations ville-hôpital ?

    Anne Hidalgo souhaite établir des partenariats resserrés et efficaces entre les établissements de santé et les praticiens de ville, en s’appuyant surtout sur les CPTS dont la place dans les territoires doit être renforcée. Leurs représentants doivent notamment siéger dans les instances territoriales, comme les Contrats locaux de santé, mais aussi dans les conseils des groupes hospitaliers.

    Ces partenariats renforcés permettront de bâtir des parcours de soin plus lisibles et plus pérennes, basés sur des coopérations médicales et des échanges d’informations améliorés par des supports informatiques plus efficients et sécurisés. Il faut également développer encore les liens entre les hôpitaux et les médecins de ville au travers d’une augmentation du nombre de postes partagés et de consultations avancées.

    Quelles sont vos propositions pour gérer la crise des urgences ?

    Il est indispensable d’augmenter le nombre de praticiens aux urgences, de même que le nombre d’infirmiers, et d’améliorer l’attractivité de ces postes en renforçant les structures d’aval immédiat (lits au sein des urgences) et d’aval spécialisé (moratoire sur les fermetures de lits, notamment dans les disciplines répondant aux urgences comme la gériatrie).

    Une meilleure gestion territoriale des parcours et des soins non programmés, associant tous les partenaires de l’hôpital et de la ville, est également essentielle pour assurer une permanence des soins plus efficace. La télémédecine peut également améliorer en partie la réponse aux urgences, mais en veillant à ne pas dégrader la qualité des soins et à ne pas créer une médecine à deux vitesses, les uns bénéficiant de soins en présentiels et les autres devant se limiter à des suivis en téléconsultation.

    Dans votre domaine d’expertise, quelle est votre proposition concernant la psychiatrie, qui est sinistrée ?

    Anne Hidalgo a choisi de faire de la psychiatrie et de la santé mentale la grande cause de son quinquennat, ayant constaté à la fois l’état catastrophique de ce secteur en France et l’augmentation criante des besoins depuis la crise sanitaire, mais c’était déjà le cas auparavant.

    Nous avons élaboré un programme très complet de mesures structurelles (loi cadre de programmation pluriannuelle, délégation interministérielle, augmentation forte des financements) ainsi que des mesures ciblées pour répondre aux très nombreuses défaillances de notre système de soins psychiatriques et des accompagnements dans le secteur médico-social.

    Pour illustrations, Anne Hidalgo propose de nous fixer collectivement l’objectif de réduire de 20% le nombre de suicides par an et de pouvoir proposer des rendez-vous de consultation dans des délais de moins de 15 jours partout en France (ainsi que des intervalles entre deux consultations de moins de 4 semaines).

    Pour y parvenir, son programme inclut par exemple la création de 5000 postes de psychologues, le remboursement des thérapies et des accompagnements pour les personnes autistes adultes ou enfants, ou encore l’ouverture de 20000 places dans le secteur médico-social. Nous prévoyons également le doublement des budgets de la pédopsychiatrie, particulièrement en crise.

    Quel rôle pour les ARS dans l’organisation de la santé ?

    La santé sous toutes ses formes, incluant le soin, la prévention et l’accompagnement des handicaps, est une mission régalienne qui doit rester une compétence nationale pour garantir l’excellence et l’égalité dans l’ensemble de la France, avec des relais régionaux au travers des ARS. Mais l’échelon territorial (départements et communes) est le meilleur pour évaluer les besoins et mettre en œuvre les politiques les plus adaptées aux particularités locales.

    Nous souhaitons donc accroitre les compétences des Conseils départementaux en matière de santé, et donner plus de poids aux délégations départementales des ARS, en lien avec les professionnels de santé, les élus politiques, les facultés de médecine et les usagers.

    En conclusion, sur quels points de votre programme souhaitez-vous insister ?

    Je voudrais insister à nouveau sur le changement de modèle que propose Anne Hidalgo, en bâtissant une véritable politique de santé publique, dont on a vu qu’elle faisait défaut à l’occasion de la crise sanitaire.

    Cette perspective inclut la prévention, encore négligée malgré toutes les incantations. Notre pays régresse, par rapport aux pays comparables, en matière d’espérance de vie en bonne santé ou en taux de mortalité évitables. Nous proposons d’investir beaucoup plus dans les programmes de prévention organisés, et de fixer des objectifs précis ambitieux, assortis de mesures fortes pour les atteindre. Par exemple, réduire de 20% la prévalence du surpoids et de l’obésité, en améliorant les repas dans les écoles, en favorisant l’activité physique dès l’enfance, et en remboursant le sport sur ordonnance. Ou encore atteindre un taux de fumeurs de 10%, comme dans les pays du nord de l’Europe en prenant finançant les programmes d’arrêt du tabac, en poursuivant l’augmentation du prix des cigarettes et promouvant l’usage de la cigarette électronique.

    Tous ces objectifs de santé publique nécessiteront l’implication de tous les professionnels de santé, en premier lieu les médecins que nous accompagnerons au mieux dans leurs conditions d’exercice.

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    JDF