Elections et débat national

Santé et Présidentielle : penser autrement pour agir plus efficacement

La campagne présidentielle a commencé et, après la crise de l’hôpital et la pandémie Covid-19, ce doit aussi être un temps d’échange sur les projets de la Santé. Nous avons interrogé les candidats et des représentants de la société civile pour avoir leurs propositions. Aujourd’hui, le texte du Pr Guy Vallancien, membre de l'Académie de médecine

  • sefa ozel/istock
  • 13 Mar 2022
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    Le Pr Guy Vallancien est ancien chef de service d'urologie, membre de l'Académie de médecine et président de CHAM, le Think tank qui réfléchit sur la santé du futur avec les acteurs de tous bords. Voici son texte pour soutenir la réflexion sur la nécessaire réforme de la Santé en France :

    Réviser le rôle des établissements de soins publics et privés, trop nombreux à assurer les mêmes prestations dans les mêmes villes, tel est le véritable enjeu de prochaines années.

    Créer un Service National de Santé (SNS), en mutation de la Fonction Publique Hospitalière (FHF), embarquant par contrat, dans une même dynamique d'accès à la prévention, aux soins et à la réhabilitation, les établissements publics et privés, et dont les signataires respecteront une charte commune, sans discrimination d'accès, de personnes ni de moyens, est l’objectif majeur des prochaines années… sans oublier d’évaluer la pertinence et la qualité des actes de prévention, de soins et de réhabilitation.

    Restructurer un tiers des hôpitaux et cliniques en Cités-Santé

    Au moins un tiers des établissements de soins actuels seront à transformer en pôles sanitaires de premier recours, de véritables « Cités-Santé », intégrant une maison de santé avec ses médecins et ses professionnels soignants à responsabilité accrue par leur formation complémentaire en pratique avancée. Des sages-femmes, des pharmaciens, dentistes, kinésithérapeutes, orthoptistes, psychologues et autres spécialistes, ainsi que les personnels de soins de suite et médico-sociaux, y exerceront dans une collaboration affirmée sans hiérarchie dépassée, au prix d’une écoute mutuelle et d’un partage des actes, sans discrimination.

    A ce noyau professionnel s’adosseront un Ehpad et un petit service de soins palliatifs. Pour compléter la panoplie de moyens diagnostiques et thérapeutiques, dans une vision « One Health » de santé globale, ces Cités-Santé pourront héberger une clinique vétérinaire pour les animaux domestiques et un cabinet de réhabilitation des plantes malades, car ces domaines ne sont pas sans incidence sur la santé humaine.  Enfin un espace de réunion et d’échanges pour les associations de patients complétera l’architecture du lieu.

    Depuis la base que représente la Cité-Santé, les professionnels soignants se rendront dans les communes alentour à tour de rôle, chaque semaine, accueillis dans la mairie, ou un bâtiment annexe, pour prodiguer des soins et surveiller leur efficacité. Les Maisons de Santé Pluri-professionnelles, qui existent déjà sur le territoire, rejoindront la Cité-Santé dans une communauté renforcée par la télémédecine, sous sa double version de téléconsultation et de télé-expertise.

    Des équipes mobiles, comprenant un infirmier et un ambulancier répondront également aux soins non programmés et aux petites urgences en se rendant au domicile, à l’usine, à l’entreprise, au commerce, à l’administration, l’école ou au stade du coin.

    Les bâtiments et les personnels des petits hôpitaux et cliniques, retenus pour être transformés en Cité-Santé, seront reconvertis à cette permanence sanitaire de proximité. Les médicaments et les dispositifs médicaux et autres matériels sanitaires seront délivrés à domicile par des chaînes de distribution qui contracteront avec les pharmacies locales.

    Télétransmettre entre Cités-Santé et établissements spécialisés

    Ces 1000 à 1500 Cités-Santé couvriront la totalité du territoire national, prenant en charge une population de 30 à 50.000 personnes, hommes, femmes et enfants, malades ou blessés, ainsi que les animaux de compagnie suivis par des vétérinaires. Un service d'évaluation de la protection de l'environnement et une unité écoresponsable de traitement des déchets sanitaires y seront rattachés.

    La Cité-Santé sera reliée par télétransmission aux experts des hôpitaux et cliniques spécialisés s'intégrant dans les Communautés Professionnelles de Territoires de Santé (CPTS), dont deux cents existent déjà. Les Groupes Hospitaliers de Territoire (GHT), qui dysfonctionnent, ne réunissant malheureusement que les hôpitaux publics, assureront en partenariat avec les cliniques le second recours, pour la production des soins plus complexes. Enfin, les Centres Hospitaliers Universitaires développeront en troisième recours la recherche, tout en assurant les soins ultra-complexes. Ils partageront l'enseignement au plus près de la réalité quotidienne avec les Cités-Santé.

    Sachant qu’on ne peut soigner correctement qu'à la condition d'assurer un volume suffisant d'actes par an, force est de constater, qu’aujourd'hui encore en cancérologie, des hôpitaux et des cliniques prennent en charge un nombre de patients inférieur au seuil minimal exigé par l'Institut National du Cancer, au prétexte fallacieux du maintien à un accès de proximité. On accepte en France de voir perdurer des pratiques qui n’atteignent pas la qualité requise, au nom de la conservation d’une dangereuse proximité, notamment en chirurgie, sous la pression de la surenchère des élus locaux qui refusent la transformation de leur petit hôpital en Cité-Santé. Cela doit cesser.

    Évaluer la pertinence et la qualité des actes médicaux et infirmiers

    Le deuxième grand chantier concerne l'évaluation de la prise en charge des patients grâce aux données informatisées transmises aux organismes sanitaires. Cette évaluation permettra d'analyser la pertinence et la qualité de la production des établissements et des professionnels, reposant sur des critères objectifs de bonne pratique, ajoutés aux critères subjectifs renseignés par les patients.

    Objectif : éviter le gâchis des prescriptions d’actes inutiles et la malfaçon. Nous savons qu'au minimum 20% des actes de soins, depuis les transports ambulanciers jusqu’aux arrêts de travail en passant par les bilans et certains actes médicaux, sont non pertinents (source OCDE). Le résultat, c’est environ 40 milliards d'euros à redistribuer, soit largement de quoi transformer les petits établissements hospitaliers publics et privés en Cités-Santé, tout en payant mieux les professionnels qui y exerce et sans augmenter la dépense globale.

    Ouvrir 1 500 Cités-Santé, voilà le projet majeur de restructuration de l’offre sanitaire qui demandera une véritable volonté politique, faisant fi des corporatismes multiples, en promouvant un projet global innovant, en lieu et place des propositions électoralistes insignifiantes dont le seul but semble de ne fâcher personne. Faire perdurer un système de plus en plus dispendieux et de moins en moins efficient serait une atteinte grave à la prise en charge sanitaire des populations.

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    JDF