Neurologie
Douleur neuropathique : nombreux inconvénients à long terme des opioïdes
Au cours des polyneuropathies, un traitement par opioïde fort est associé à une augmentation du risque de chronicité du traitement sans bénéfice évident.
- Hriana/epictura
Dans un nouvel article paru dans JAMA Neurology, une équipe de la Mayo Clinic montre que dans une population souffrant de polyneuropathie, et en particulier chez les personnes âgées, un traitement prolongé par opioïde fort est secondairement associé à une probabilité accrue de traitement à long terme par un opioïde fort (90 jours ou plus), parallèlement à une absence d’amélioration du statut fonctionnel, et une augmentation du risque d’effets indésirables et de décès.
Une étude prospective
Il s’agit d’une étude de cohorte rétrospective basée sur la population de l’Olmsted County à partir des ordonnances prescrites en ambulatoire aux patients atteints de polyneuropathie et à des contrôles entre le 1er janvier 2006 et le 31 décembre 2010 afin de déterminer l'exposition à long terme à l'utilisation des opioïdes.
Elle est basée sur la comparaison des données de 2892 patients atteints de polyneuropathie qui recevaient opioïde fort (1364 femmes et 1528 hommes, âge moyen 67,5 ans [16, 6]) et un groupe de 14435 témoins du même âge (6827 femmes et 7608 hommes, âge moyen 67,5 ans [16, 5]).
Effet nettement défavorable à long terme des opioïdes forts
Dans cette série américaine, les patients souffrant de polyneuropathie prennent plus souvent des opioïdes forts de façon chronique (90 jours ou plus) que les témoins (545 [18,8%] vs 780 [5,4%]).
Ceux qui reçoivent des opioïdes sur le long terme ont des marqueurs du statut fonctionnel plus médiocres que les témoins, même après ajustement sur les comorbidités médicales, y compris une aide à la marche (OR ajusté 1,9 ; IC 95% 1,4-2,6). Aucun marqueur de l'état fonctionnel n’est amélioré par l'utilisation prolongée des opioïdes.
Les effets indésirables sont plus fréquents chez les malades souffrant de polyneuropathie recevant des opioïdes sur le long terme, avec en particulier une plus grande fréquence de la dépression (RR ajusté 1,53 ; IC 95% 1,29-1,82), de la dépendance aux opioïdes (RR ajusté 2,85 ; IC 95% 1,54-5,47) et des overdoses aux opioïdes (RR ajusté 5,12 ; IC 95% 1,63-19,62).
En pratique
La polynévrite est l'une des maladies douloureuses chroniques les plus courantes, en particulier chez les personnes âgées. Aux USA, la douleur neuropathique conduit fréquemment à des prescriptions opioïdes sur le long long terme, ce qui n’est heureusement pas le cas en France.
Dans cette série rétrospective bien contrôlée de la Mayo Clinic, la polyneuropathie est associée à une augmentation du risque de traitement opioïde fort sur le long terme (90 jours ou plus). Les patients souffrant de cette affection et recevant un traitement sur le long terme par opioïde fort sont par ailleurs plus souvent susceptibles d’avoir également une dépression, une dépendance aux opioïdes ou un surdosage d'opioïde (overdose) alors que les mesures auto-déclarées de l'état fonctionnel ne sont pas améliorées, voire sont plus mauvaises.
Une des limites de l'étude est qu’elle est basée sur l’analyse des ordonnances sans vérification de la délivrance et de la prise des ces opioïdes. Cependant, cette étude recoupe d’autres études qui montrent que les opioïdes, s’ils peuvent avoir un intérêt sur le court terme, n’ont qu’un intérêt modéré à long terme sur le soulagement de la douleur neuropathique chronique. Certaines études ont même montré que les opioïdes sur le long terme pouvaient aggraver paradoxalement la douleur neuropathique sur le long terme. Avec cette étude, il est confirmé qu’il vaut mieux ne pas le faire.








