Pneumologie
Covid-19 : l’utilisation des corticoïdes chez les personnes âgées reste à discuter
L'usage des corticoïdes doit rester prudent chez les patients âgés souffrant de COVID 19 sévères car ils aggraveraient le pronostic et augmenteraient la mortalité. Les résultats des études ne sont pas toujours extrapolables à a population particulière que représentent les personnes âgées. D’après un entretien avec Bertrand GUIDET.
Une étude européenne, dont les résultats sont parus en juin 2021 dans l’European Respiratory Journal, a fait le point sur l’utilisation systématique des corticoïdes chez les personnes âgées hospitalisées en réanimation pour une infection sévère par COVID-19. Il s’agit d’une étude prospective au cours de laquelle les patients ont été inclus à partir d’un réseau européen de services de réanimation. Au total, 3082 patients ont été inclus. Ils avaient tous au moins 70 ans, l’âge moyen était de 75 ans. Parmi eux 2115 ont reçu es corticoïdes lors de leur hospitalisation pour CVD-19 et 967 patients n’en ont pas bénéficié. Les taux de mortalité à un mois et à 6 mois ont ensuite été analysés.
Une revisite des recommandations pour les personnes âgées en réanimation
Le professeur Bertrand GUIDET, chef du service de réanimation de l’Hôpital Saint-Antoine à Paris, explique que ce travail a été simplifié et a pu être rapidement mené car il existe déjà un réseau européen de réanimateurs qui s’intéressent aux personnes âgées hospitalisées en réanimation. Les éléments étaient déjà en place avec un réanimateur référent par pays, une statisticienne et une logistique, ce qui explique la réactivité pour mener à bien ce travail. Bertrand GUIDET précise qu’une réflexion générale sur les personnes âgées en réanimation est nécessaire et déjà engagée car les recommandations qui sont appliquées en réanimation ne sont pas extrapolables aux personnes âgées. On ne peut pas sevrer de la ventilation mécanique une personne de 85 ans de la même manière qu’ne personne de 65 ans. Pour lui, il est donc nécessaire de revisiter les recommandations pour les personnes âgées. Les résultats des études ne sont pas toujours extrapolables à une population qui n’est pas celle de l’étude et il est nécessaire de s’interroger sur la généralisation des résultats obtenus chez des patients plus jeunes. Bertrand GUIDET rappelle, en effet, que la corticothérapie au cours de l’infection par COVID-19 est issue de l’étude anglaise RICOVERY, dont les résultats ont été pris comme standards des recommandations avec la prescription systématique de 6 mg par jour de dexaméthasone (quel que soit le poids du patient). Or, si on observe précisément les données il n’y a aucun bénéficie de la corticothérapie chez les sujets de plus de 70 ans.
COVID-19, personnes âgées et corticoïdes : ne pas associer…
Bertrand GUIDET explique, que lors de l’épidémie de COVID-19, les pratiques de prescriptions des corticoïdes ont été différentes sur l’ensemble des deux premières vagues. Il rappelle, qu’au cours de la première période, seulement 30% des atteints ont bénéficié de corticothérapie versus 100% au cours de la seconde vague. Les auteurs de ce travail ont donc pu comparer les résultats, en ajustant avec le score de défaillance d’organe « SOFA », qui correspond à une échelle de fragilité, facteur indépendant du pronostic de l’infection par COVID-19. Les auteurs ont donc observé une surmortalité chez ls patients de plus de 70 ans ayant été traités par corticoïdes au cours de leur infection sévère par COVID-19, résultat encore plus marqué à 6 mois qu’à un mois. Bertrand GUIDET précise que le groupe de travail s’est posé la question de savoir qu’il existait des sous-groupes de patients au sein de cette population : patents ayant eu une ventilation mécanique invasive, patients ayant eu un état de choc, patients atteints de formes rapidement progressives… La surmortalité a été confirmée dans l’ensemble de ces sous-groupes. Les auteurs ont donc émis des hypothèses pour expliquer ce phénomène. Les corticoïdes pourraient exposer à plus de surinfections respiratoires et notamment aspergillaires. Ils sont également, entre autres, responsables de plus de neuropathies de réanimation qui compliquent le sevrage de la ventilation mécanique par la fatigue musculaire et de déséquilibre d’un éventuel diabète.
En conclusion, on ne peut pas extrapoler des résultats d’études à une population âgée, notamment ceux de l’étude RICOVERY qui doit être remise en cause pour les patients de plus de 70 ans. Il est nécessaire d’intervenir sur la réponse immuno-inflammatoire des personnes âgées par d’autres modalités de traitement.








