Oncologie
Cancer colorectal : les métastases se disséminent le plus souvent dès le début de la maladie
Contrairement à ce que l'on pensait, les métastases commencent à se disséminer bien avant que la tumeur cancéreuse ne soit cliniquement détectable dans 80% des cancers colorectaux métastasés. Et cela est lié à certaines mutations.
- Mohammed Haneefa Nizamudeen / istock.
Jusqu'à 80% des cancers colorectaux métastatiques sont susceptibles de s'être disséminés avant même que la tumeur initiale n'ait dépassé la taille d'une graine de pavot, selon une nouvelle étude menée sur plus de 3000 malades par des chercheurs de la Stanford University School of Medicine.
L'identification de ces patients à risque en raison d'une mutation sur certains gènes (PTPRT) permettrait de mieux ajuster les traitements précoces, comme la chimiothérapie ou des traitements ciblés sur la mutation ou les protéines qui sont activée par cette mutation (STAT3), pour tuer les cellules cancéreuses qui se cachent loin de la localisation initiale de la tumeur.
"Cette découverte est assez surprenante"
"Cette découverte est assez surprenante", constate Christina Curtis, professeure de médecine et de génétique à Stanford. "Dans la majorité des cas de cancer colorectal métastatique analysés dans cette étude, les cellules cancéreuses s'étaient déjà propagées et avaient commencé à croître bien avant que la tumeur primaire ne soit cliniquement détectable. Cela indique que la compétence à se métastaser a été atteinte très tôt après la naissance du cancer. Cela va à l'encontre de l'hypothèse prédominante selon laquelle la métastase se produit tardivement".
Les chercheurs supposent que les cancers acquièrent la capacité de se métastaser grâce à l'accumulation graduelle de changements moléculaires au fil du temps. Ces changements permettent aux cellules cancéreuses de s'échapper des tissus environnants, d'entrer dans la circulation sanguine et de s'établir dans de nouveaux endroits.
Un profil de mutation génétique particulier
En étudiant les biopsies tumorales, les chercheurs ont comparé les profils de mutations génétiques dans les tumeurs primaires de 23 patients avec ceux des métastases dans leur foie ou leur cerveau chez une même personne. Ils ont ensuite utilisé ces modèles pour créer une sorte d'arbre évolutif du cancer de chaque patient, semblable à celui qu'un biologiste pourrait créer pour retracer l'évolution d'une espèce animale à partir d'un seul ancêtre.
Les arbres évolutifs que les chercheurs ont reconstitués ont indiqué que chez 17 des 21 patients (deux des patients initiaux ont été exclus de l'analyse), les tumeurs métastatiques ont été déclenchées par une seule cellule, ou un petit groupe de cellules génétiquement similaires, qui se sont détachées de la tumeur primaire au début de son développement.
Une mutation du gène PTPRP
Curtis et ses collègues ont ensuite appliqué cette découverte à 938 personnes atteintes d'un cancer colorectal métastatique et à 1 813 personnes atteintes d'un cancer colorectal non métastatique dont les antécédents médicaux étaient connus et dont les tumeurs primaires avaient fait l'objet d'un profil génétique pour identifier les changements génétiques dans des gènes connus associés au cancer.
"Nous avons découvert que des combinaisons spécifiques de mutations étaient très prédictives des métastases, a dit M. Curtis. Par exemple, des mutations dans un gène appelé PTPRT, en combinaison avec des mutations dans les gènes drivers classiques du cancer colorectal, ont été observées presque exclusivement chez des patients atteints de cancer métastatique.
Des études antérieures avaient montré que la perte de la fonction PTPRT augmente l'activité d'une protéine appelée STAT3, qui améliore la survie cellulaire. Les chercheurs pensent que l'inhibition du STAT3 pourrait entraver la croissance tumorale et la formation de métastases.
17 000 décès
En France, le dépistage du cancer colorectal est encore très insuffisant, selon Santé Publique France. Les dernières données pour la période 2017-2018 montrent que seuls 32,1% des hommes et des femmes de 50 à 74 ans qui devraient faire cette démarche y participent. Le taux de participation était de 33,5 % pour la période 2016-2017 et de l’ordre de 31-32% pour les périodes antérieures, des chiffres très inférieurs au repère européen de 45%.
Le cancer colorectal est l’un des cancers les plus fréquents et les plus meurtriers. En 2018, cette pathologie a touché environ 43 000 Français (23 000 hommes et 20 000 femmes) et provoqué 17 000 décès (9 000 hommes et 8 000 femmes). Alors que détecté tôt, le cancer colorectal peut être guéri dans 9 cas sur 10.








