Rhumatologie

Polyarthrite rhumatoïde : faut-il une corticothérapie courte ou prolongée ?

Chez les patients âgés atteints de polyarthrite rhumatoïde traitée, l'ajout d'une faible dose de prednisolone a des bénéfices radio-cliniques sur 2 ans. La contrepartie est une augmentation de 24% du nombre de patients avec des effets indésirables, y compris infectieux, certes modéré à ce terme.

  • Fahroni/istock
  • 09 Jun 2022
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    Alors que la plupart des recommandations actuelles dans la polyarthrite rhumatoïde conseillent une corticothérapie initiale de « bridging », c’est-à-dire une corticothérapie courte, le temps d’obtenir le plein effet du traitement standard, par le méthotrexate associé ou non à une autre molécule, une large étude randomisée et multicentrique, présentée au congrès 2022 de l’Eular, vient remettre en cause ce postulat, au moins chez des patients âgés.

    Dans l'essai randomisé et multicentrique GLORIA, les polyarthrites rhumatoïdes, âgées de 65 ans et plus, qui ont reçu de la prednisolone à faible dose (5 mg/jour) pendant deux ans obtiennent des réductions significativement plus importantes de l'activité de leur maladie (critères DAS28 et ACR), que ceux qui avec un placebo en add-on du traitement standard. Ce bénéfice est cependant obtenu au prix d’une augmentation de 24% du nombre de patients avec des effets indésirables, principalement légers à modérés, à une exception près : les infections.

    Un bénéfice radio-clinique significatif

    Dans cette étude prospective de 2 ans, 451 polyarthrites rhumatoïdes, âgées en moyenne de 72 ans et avec un DAS28 moyen de 4,5, ont été randomisées en 2 groupes : prednisolone à 5 mg/j ou placebo, en sus de leur traitement standard. Environ 80% des patients prenaient des traitements de fond standard, principalement du méthotrexate, et environ 15% avaient une biothérapie. Un quart d'entre eux prenaient également des anti-inflammatoires non stéroïdiens.

    Les scores DAS28 et ACR ont diminué de façon marquée en quelques mois dans les groupes prednisolone et placebo, mais l'ampleur de la réduction a été plus importante dans le groupe prednisolone et l’est restée pendant les deux années de l'essai. Lors du suivi final, le DAS28 est inférieur de 0,37 point dans le groupe prednisolone par rapport au groupe placebo (p<0,0001).

    Le groupe prednisolone a également un pincement articulaire moindre au cours de l'essai (moyenne de 0,2 contre 1,2 points selon le score de Sharp/van der Heijde), ainsi que moins d'érosions (moyenne de 0,1 contre 0,7) (p=0,003).

    Des effets secondaires non-négligeables à 2 ans

    Des événements indésirables graves sont survenus chez 25 patients de chaque groupe, sachant qu’un suivi particulier de certains événements indésirables en rapport avec un traitement corticoïde prolongé a été réalisé : tout événement conduisant à l'arrêt du traitement, les événements cardiovasculaires, les infections et les fractures osseuses, ainsi que de l'apparition d'une hypertension artérielle, d'un diabète ou d'un problème oculaire. Aucune différence n'a été observée pour tous ces évènements, à l'exception des infections. Celles-ci sont survenues à des taux de 42 pour 100 patients-années avec la prednisolone contre 30 pour le placebo.

    Sous prednisolone, il a également été observé une diminution moyenne de 0,01 g/cm3 de la DMO au rachs lombaire, alors que le groupe placebo a eu parallèlement une augmentation de 0,03 g/cm3 (p<0,001), mais aucune différence significative entre les groupes n’a été observée pour la DMO à l’ESF totale. Les taux de fractures sont similaires, avec 12 et 10 fractures ostéoporotiques dans les groupes prednisolone et placebo, respectivement.

    Une large étude multicentrique randomisé

    Cette étude randomisée, prospective, multicentrique a recruté 451 polyarthrite rhumatoïdes âgées dont le DAS28 était d'au moins 2,60 (activité plus que minimale de la maladie) et qui ne présentaient pas d'affections susceptibles d'être aggravées par la prednisolone à faible dose. Les patients ont été randomisés entre prednisolone et placebo, en sus des autres traitements de la PR que leurs médecins jugeaient appropriés.

    Les évaluations comprenaient le DAS28 (le critère principal) ainsi que les taux de réponse ACR20/50/70 (réduction des symptômes de 20%, 50% et 70%, respectivement) et les mesures radiographiques des lésions articulaires.

    La corticothérapie est souvent à long terme

    Malgré les recommandations de l'ACR et de l'EULAR concernant le traitement corticoïde, qui doit être le plus court possible dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde, celui-ci est régulièrement prescrit, à faible ou très faible dose, parce que le contrôle de la maladie ou le confort du malade sont meilleurs.

    Pourtant, de nombreuses études de suivi de cohorte ou de registre, montrent bien le caractère délétère à très long terme d’une faible corticothérapie sur le système cardiovasculaire et le risque infectieux, d’une part, mais également sur le risque métabolique, osseux et ophtalmologique. Ce mouvement médical de réduction de la corticothérapie orale ne touche pas que la rhumatologie, mais aussi la médecine interne avec les connectivites, la gastro-entérologie avec les MICI, la neurologie avec la SEP et la pneumologie avec l’asthme sévère, toutes maladies où de nouveaux traitements permettent d’envisager de se passer des corticoïdes.

    En pratique

    Il est certes vrai que ces recommandations ACR et Eular sont basées sur des études de faible niveau de preuve (cohortes et registres) et que l'étude GLORIA est le premier essai randomisé et contrôlé versus placebo suffisamment puissant pour évaluer l’impact de la corticothérapie.

    Mais bien que les résultats de GLORIA démontrent des effets intéressant de la corticothérapie à 2 ans sur l’activité radio-clinique, il n’est pas possible d’ignorer le risque infectieux, qui est ici confirmé à moyen terme. De plus, on ne dispose pas encore des données de suivi concernant le risque des autres effets indésirables (qui apparaissent souvent à plus long terme), au-delà de 2 ans de corticothérapie.

    Il n’est donc pas du tout certain que le rapport bénéfice-risque, que les auteurs de GLORIA estiment favorable à 2 ans, le reste à plus long terme, y compris et surtout chez les personnes âgées. Les stratégies de traitement « Treat-to-Target », basées sur des associations de traitements de fond sont à réaliser pour améliorer le contrôle de la maladie, et plutôt sans une corticothérapie orale sur le long terme.

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    JDF