Hématologie
Leucémie lymphoïde chronique : venetoclax en vie réelle après les inhibiteurs de BTK
Les thérapies ciblées inhibant la tyrosine kinase de Bruton (BTK) et BCL2 ont révolutionné le paysage thérapeutique des patients atteints de leucémie lymphoïde chronique (LLC) ou de lymphome lymphocytique (LL). Cependant, l’efficacité à long terme des inhibiteurs covalents de BTK (cBTKi) est limitée par les résistances acquises et les effets indésirables induits. Les thérapies à base de vénétoclax, en particulier dans des combinaisons à durée fixe, ont démontré une efficacité durable et une tolérance supérieures par rapport à la chimiothérapie traditionnelle dans les essais cliniques, bien que les données sur leur efficacité après échec des cBTKis soient encore limitées. Les auteurs de cette étude ont évalué l’efficacité et la tolérance de ces stratégies après exposition aux cBTKi chez des patients atteints de LLC ou de LL en rechute.
- Nemes Laszlo/istock
Les traitements par inhibiteurs de BTK et de BCL2 ont aujourd’hui remplacé les stratégies d’immunochimiothérapie dans le traitement des patients atteints de LLC/LL 1,2. Ainsi, le Venetoclax, mimétique des BH3 inhibant la signalisation BCL2 et entraînant la mort cellulaire des cellules de LLC, a permis par association aux anticorps monoclonaux anti-CD20 d’obtenir des maladies résiduelles (MRD) indétectables et des bénéfices significatifs de survie sans-progression chez les patients âgés et/ou comorbides et/ou en situation de rechute 2,3.
Alors que les données sur son efficacité après exposition aux cBTKi soient initialement limitées, les auteurs de cette étude ont évalué l’efficacité et la tolérance de ce traitement après exposition aux cBTKi chez des patients atteints de LLC ou de LL en rechute 4.
Une étude multicentrique de vie réelle
Entre Janvier 2018 et Décembre 2023, 2293 patients ont été inclus dans l’étude CORE (Collaborative Study of Real-World Evidence) et ont permis d’évaluer l’efficacité des thérapies à base de vénétoclax après l’arrêt des cBTKis pour intolérance ou progression de la maladie. Au total, 205 patients ont reçu du vénétoclax après un traitement par cBTKi : 123 patients ont initié une monothérapie à base de vénétoclax (60,0%), 64 une thérapie par Rituximab et Venetoclax (31,2%) et 18 une thérapie par Obinutuzumab et Venetoclax (8,8%).
Soixante et onze patients (34,6%) ont initié une stratégie à base de vénétoclax en deuxième ligne, tandis que 73 patients (35,6%) l'ont fait en troisième ligne et que les 61 patients restants ont initié le vénétoclax en quatrième ligne ou au-delà. L'âge médian des patients à l’inititation du traitement par vénétoclax était de 68,7 (62,2-76,4) ans et 68,8% étaient des hommes. En termes de risque, 69,6% des patients (48/69) présentaient un statut IGHV non-muté et 24,2% (30/124) présentaient une délétion 17p ou une mutation TP53 à l’initiation du traitement par vénétoclax.
Une efficacité impressionnante du venetoclax
La durée médiane de traitement par le vénétoclax est de 14,4 mois et la durée médiane de traitement par les cBTKi est de 20,2 mois. Les raisons les plus courantes de l'arrêt du traitement sont l'intolérance (42,9%) et la progression de la maladie (37,1). Les diffèrents traitements cBTKi utilisés sont l'ibrutinib (85,4%), l'acalabrutinib (6,8%) et l'assication ibrutinib + rituximab (2,9%). Le taux de réponse globale des patients traités par le venetoclax est de 80% et la survie sans-progression est dépendant de son utilisation : 43,2 mois en L2, 44,3 mois en L3 et 44,1 mois en cas d’exposition antérieure à l’immunochimiothérapie.
Ces résultats montrent une efficacité supérieure des données de vie réelle en comparaison aux données des essais cliniques menés sur des populations lourdement prétraitées. Par ailleurs, les traitements associant le Rituximab au Venetoclax permettent d’obtenir les résultats les plus prometteurs, avec une durée de réponse durable et un schéma posologique fixe avantageux.
Conclusion
Cette étude multicentrique internationale confirme l’efficacité des thérapies à base de vénétoclax, y compris après traitement par cBTKis, et même en cas d’exposition antérieure à une immunochimiothérapie. Les patients arrêtant les cBTKis pour une intolérance présentaient de meilleurs résultats à ceux arrêtant pour progression de la maladie, soulignant l’importance de l’adaptation thérapeutique. Les données de vie réelle complètent donc les résultats des essais cliniques, offrant aux cliniciens des preuves concrètes pour optimiser la prise en charge des patients atteints de LLC/SLL.
Références
- Burger JA, Barr PM, Robak T, et al. Long-term efficacy and safety of first-line ibrutinib treatment for patients with CLL/SLL: 5 years of follow-up from the phase 3 RESONATE-2 study. Leukemia 2020;34:787-98.
- Seymour JF, Kipps TJ, Eichhorst BF, et al. Enduring undetectable MRD and updated outcomes in relapsed/refractory CLL after fixed-duration venetoclax-rituximab. Blood 2022;140:839-50.
- Fischer K, Al-Sawaf O, Bahlo J, et al. Venetoclax and Obinutuzumab in Patients with CLL and Coexisting Conditions. N Engl J Med 2019;380:2225-36.
- Ghosh N, Eyre TA, Brown JR, et al. Treatment Effectiveness of Venetoclax-Based Therapy After Bruton Tyrosine Kinase Inhibitors in Chronic Lymphocytic Leukemia: An International Real-World Study. Am J Hematol 2024.











