Pédiatrie
Valproate : la prise chez le père augmente le risque de troubles neurodéveloppementaux de l’enfant.
Le père ne transmet pas seulement la moitié de son ADN à son enfant mais, dans certains cas, les effets secondaires d’un médicament prescrit. La prise de valproate pendant la spermatogenèse augmente ainsi le risque de survenue des troubles neuro-développementaux (TND) chez l’enfant à naître comme le démontre pour la première fois une étude française.
- Bacsica/istock
Certes, le valproate et ses dérivés, indiqués dans le traitement de l’épilepsie et des troubles bipolaires sont contre-indiqués pendant la grossesse sauf en cas d’inefficacité ou d’intolérance aux alternatives médicamenteuses. Mais chez le père, le doute sur les éventuels dangers du valproate administré pendant la spermatogénèse n’avait pas encore été confirmé. Les chercheurs disposaient pourtant de certains indices, à savoir des données chez l’animal qui suggéraient un lien entre exposition chez le mâle au valproate et troubles neurodéveloppementaux chez l’enfant.
En revanche, les résultats étaient discordants lorsque cette association était recherchée dans l’espèce humaine. Une étude non publiée a bien rapporté un risque de TND augmenté chez les enfants de père exposé au valproate pendant la spermatogenèse. Mais ce risque n’avait pas été validé par deux études scandinaves, l’une suédoise, l’autre danoise, les effectifs limités mobilisés dans ces essais ne permettant pas de conclure.
Étude française la plus vaste sur le sujet
Cet obstacle a été levé par l’étude française qui a exploité les données du Système National des données de Santé (SNDS) couvrant l’ensemble de la population française. Tous les enfants nés vivants entre 2010 et 2015 et avec un père et une mère, identifiés ont été inclus, à l’exception de ceux atteints d’une malformation cérébrale, issus d’une grossesse avec assistance médicale à la procréation, ou la mère avait eu au moins une délivrance remboursée pendant la grossesse d’un médicament dont l’exposition in utero est associée à un risque augmenté de TND (i.e., acide valproïque, valpromide, carbamazépine ou topiramate).
Chaque enfant a été suivi à partir de la naissance jusqu’à la survenue d’un TND (incluant les troubles du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité, les troubles du développement intellectuel, les troubles du spectre de l’autisme, les troubles de la communication, et les troubles des apprentissages), du décès, ou jusqu’au 30 septembre 2024.
Deux groupes ont été constitués. Le premier a inclus les enfants présentant un TND dont le père avait eu au moins une dispensation d’un médicament à base d’acide valproïque (ou valproate) indiqué dans l’épilepsie dans les quatre mois précédant la conception, soit la période de la spermatogenèse (enfants exposés). Le second a inclus les enfants porteurs de TND, dont le père avait eu une dispensation de lamotrigine ou lévétiracétam pendant la spermatogenèse.
Un risque double de troubles du développement intellectuel
Les résultats sont sans appel. Parmi un total de 2 832 850 enfants nés entre 2010 et 2015, 4 773 étaient nés d’un père traité par valproate pendant la spermatogenèse (enfants exposés) et 3 115 d’un père traité par lamotrigine ou lévétiracétam. La durée médiane de suivi après la naissance était respectivement de 11,9 et 11,2 ans. Au cours du suivi, 583 enfants exposés (soit 12,2%) et 310 enfants de père traité par lamotrigine ou lévétiracétam (10,0%) ont été identifiés avec au moins un type de TND : troubles déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité pour respectivement 149 (3,1%) et 77 (2,5%), troubles du développement intellectuel pour 42 (0,9%) et 11 (0,4%), troubles du spectre de l’autisme pour 77 (1,6%) et 39 (1,3%), troubles de la communication pour 294 (6,2%) et 157 (5,0%), troubles des apprentissages pour 160 (3,4%) et 97 (3,1%). L’incidence des TND pris dans leur ensemble était significativement plus élevée parmi les enfants exposés que parmi les enfants de père traité par lamotrigine ou lévétiracétam (Taux d’Incidence pour 1000 enfants-années, TI : 11,0 [IC 95% : 10,1-11,9] versus 9,2 [8,1-10,2] ; Hazard Ratio, HR : 1,24 [1,07-1,44]).
Dans les analyses par type de TND, le risque de troubles du développement intellectuel est deux fois plus élevé parmi les enfants exposés que parmi ceux de père traité par lamotrigine ou lévétiracétam (TI 0,7 [0,5-1,0] versus 0,3 [0,1-0,5] ; HR 2,12 [1,02-4,30]), avec une différence de taux d’incidence atteignant 0,35 pour 1000 enfants-années. Le risque des autres types de TND est augmenté pour les enfants exposés comparés à ceux du père traité par lamotrigine ou lévétiracétam, mais avec des écarts moins marqués que pour les troubles du développement intellectuel : pour les troubles déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité, TI 2,7 [2,2-3,1] versus 2,2 [1,7-2,7], HR 1,24 [0,92-1,65] ; pour les troubles du spectre de l’autisme, TI 1,4 [1,1-1,7] versus 1,1 [0,8-1,5], HR 1,24 [0,82-1,87] ; pour les troubles de la communication, TI 5,4 [4,9-6,0] versus 4,6 [3,9-5,3], HR 1,23 [1,00-1,52] ; pour les troubles des apprentissages, TI 2,9 [2,4-3,3] versus 2,8 [2,2-3,3], HR 1,08 [0,83-1,41].
La prise de valproate pendant la spermatogenèse double le risque de troubles neurodéveloppemental
Principal acquis de l’étude, la prise de valproate pendant la spermatogenèse double donc le risque de survenue des troubles du développement intellectuel pour les enfants exposés. Ce qui se traduit par 3,5 cas supplémentaires pour 1000 enfants nés d’un père traité par valproate au moment de la conception. L’imputation est moins certaine pour les troubles déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité, les troubles du spectre de l’autisme et les troubles de la communication. « Une augmentation de risque plus modérée de l’ordre de 20 à 25% ne peut être exclue, écrivent les auteurs de l’étude, mais les résultats, moins robustes, nécessitent encore d’être confirmés ».
Ces nouvelles données s’inscrivent dans la campagne de sensibilisation à destination des hommes traités par valproate lancée depuis janvier 2025 et les informant sur les risques tératogènes du valproate.











