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Adénocarcinome oesogastrique : chimioradiothérapie pré-opératoire & chimiothérapie péri-opératoire

Pour les adénocarcinomes de l’œsophage et du cardia résécables, il existe actuellement deux options thérapeutiques qui améliorent chacune la survie des patients par rapport à une chirurgie seule : une chimioradiothérapie pré-opératoire telle que dans l’essai CROSS ou une chimiothérapie péri-opératoire telle que dans les essais MAGIC puis FLOT (1-3). Mais quelle est la meilleure ?

  • Caiaimage/Martin Barraud/iStock
  • 10 Avril 2024
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    Ces deux modalités thérapeutiques ont été comparées dans l’essai prospectif de phase III multicentrique européen Neo-AEGIS (4). Des patients avec un adénocarcinome de l’œsophage ou du cardia de stade T2-T3, N0-N3 non métastatique étaient randomisés entre une chimiothérapie péri-opératoire et une chimioradiothérapie pré-opératoire.

    La chimiothérapie péri-opératoire (CT) consistait en 3 cycles pré-opératoires et 3 cycles post-opératoires d’ECF ou ECX selon le protocole validé dans l’essai MAGIC puis après 2018 en 4 cycles pré-opératoires et 4 cycles post-opératoires de FLOT (1, 2). La chimioradiothérapie (CRT) pré-opératoire était administrée à une dose de 41,4 Gy en 23 fractions avec paclitaxel-carboplatine hebdomadaire concomitant tel que dans l’essai CROSS (3). Il y avait un contrôle qualité obligatoire de la radiothérapie. L’objectif principal initial était de montrer une amélioration de 15 % du taux de survie globale à 3 ans dans le bras CRT ce qui nécessitait l’inclusion de 366 patients. En 2018, le design a été modifié pour en faire un essai de non-infériorité avec une marge de 5 % nécessitant l’inclusion de 540 patients. L’essai a été arrêté en décembre 2020 après une analyse de futilité.

    Entre janvier 2013 et décembre 2020, 362 patients ont été inclus dans 24 centres. C’étaient principalement des hommes (90 %). Les deux-tiers avaient une tumeur du 1/3 inférieur de l’œsophage ou du cardia de type Siewert I, 84 % avaient une tumeur T3 et 58 % N+. Ils avaient tous eu une TEP FDG lors du bilan initial.

    Une meilleure compliance dans le bras CRT

    Dans le bras CT, seulement 41 % des patients ont reçu le traitement complet alors qu’ils étaient 87 % dans le bras CRT. Les réductions de dose étaient également significativement plus fréquentes dans le bras CT (41 % versus 9 %, p < 0,0001). Le taux de neutropénie de grade 3-4 était significativement plus élevé dans le bras CT (27 % versus 6 %, p < 0,0001).

    Des résultats équivalents en termes de survie

    Avec un suivi médian de 39 mois, la survie médiane était de 48 mois dans le bras CT versus 49,2 mois dans le bras CRT (HR = 1,03, p = 0,8) Le taux de survie globale à 3 ans était estimé à 55 % dans le bras CT versus 57 % dans le bras CRT. Il n’y avait pas non plus de différence en termes de survie sans maladie p=0,4). Le taux de résection était de 88 % dans le bras CT et de 94 % dans le bras CRT. Le taux de réponse histologique complète était plus élevé dans le bras CRT (12 % versus 4 %, p = 0,01) ainsi que le taux de résection R0 (96 % versus 82 %, p = 0,0003). Il n’y avait pas de différence en termes de complications post-opératoires sévères (13 % dans le bras CRT versus 11 % dans le bras CRT, p = 0,06).

    Conclusion

    Même si l’arrêt prématuré de l’essai ne permet pas de conclure statistiquement à la non-infériorité entre les deux traitements, les résultats parlent d’eux-mêmes. L’analyse en sous-groupes n’a pas permis de mettre en évidence de différence en faveur de l’un ou l’autre des traitements. Certains pourraient avancer que la faible proportion de patients ayant reçu du FLOT dans le bras CT (15 %) les rend caduques. Cependant, le bras CRT n’est plus lui non plus d’actualité tel quel puisque l’ajout en adjuvant de nivolumab en l’absence de pCR après CRT a significativement amélioré la survie sans maladie de ces patients (22 mois versus 11 mois) (5). Des essais sont également en cours étudiant l’ajout d’une immunothérapie à la CT péri-opératoire (MATTERHORN, KEYNOTE-585 et DANTE). Les résultats de l’analyse intermédiaire de l’essai KEYNOTE-585 montrent une augmentation du taux de pCR avec l’ajout du pembrolizumab mais que ne se traduit pas en amélioration de la survie globale (6). À quand Neo-AEGIS 2 ?

     

    Références

    1- Cunningham D, Allum WH, Stenning SP, Thompson JN, Van de Velde CJ, Nicolson M, et al. Perioperative chemotherapy versus surgery alone for resectable gastroesophageal cancer. N Engl J Med 2006;355(1):11-20.

    2- van Hagen P, Hulshof MC, van Lanschot JJ, Steyerberg EW, van Berge Henegouwen MI, et al. Preoperative chemoradiotherapy for esophageal or junctional cancer. N Engl J Med 2012;366(22):2074-84.

    3- Al-Batran SE, Homann N, Pauligk C, Goetze TO, Meiler J, Kasper S, et al. Perioperative chemotherapy with fluorouracil plus leucovorin, oxaliplatin, and docetaxel versus fluorouracil or capecitabine plus cisplatin and epirubicin for locally advanced, resectable gastric or gastro-oesophageal junction adenocarcinoma (FLOT4): a randomised, phase 2/3 trial. Lancet 2019;393(10184):1948-1957.

    4- Reynolds JV, Preston SR, O'Neill B, Lowery MA, Baeksgaard L, Crosby T, et al. Trimodality therapy versus perioperative chemotherapy in the management of locally advanced adenocarcinoma of the oesophagus and oesophagogastric junction (Neo-AEGIS): an open-label, randomised, phase 3 trial. Lancet Gastroenterol Hepatol 2023;8(11):1015-1027.

    5-Kelly RJ, Ajani JA, Kuzdzal J, Zander T, Van Cutsem E, Piessen G, et al. Adjuvant Nivolumab in Resected Esophageal or Gastroesophageal Junction Cancer. N Engl J Med 2021;384(13):1191-1203.

    6-Shitara K, Rha SY, Wyrwicz LS, Oshima T, Karaseva N, Osipov M, et al. Neoadjuvant and adjuvant pembrolizumab plus chemotherapy in locally advanced gastric or gastro-oesophageal cancer (KEYNOTE-585): an interim analysis of the multicentre, double-blind, randomised phase 3 study. Lancet Oncol 2024;25(2):212-224.

     

     

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