onco-digestif
Adénocarcinome de l’œsophage : Chimiothérapie par FLOT ou radiochimiothérapie par CROSS ? that is the question !
Les deux traitements sont admis comme référence dans la prise en charge des AJE mais quel est le meilleur ? pour le moment les seules données prospectives disponibles en dehors de celles-ci sont issues de l’essai Neo-AEGIS qui a comparé CROSS vs chimiothérapie périopératoire mais selon un protocole actuellement obsolète. Dans cet essai, les deux modalités de traitement étaient associées à des résultats à peu près équivalent en termes de survie (57% après CROSS vs 56% après chimio) mais avec un taux plus élevé de pCR (16 vs 5%) et de résection R0 (95% vs 82%) après CROSS vs FLOT. Les données issues de cette étude paraissent en accord avec celles de l’essai Neo-AEGIS utilisant un schéma de chimiothérapie plus ancien.
- Istock/Lars Neumann
La prise en charge de référence des adénocarcinomes de l’oesophage et de la jonction oesogastrique (AJE) repose sur la mise en place d’un traitement multimodal associé à la chirurgie. Deux approches sont actuellement proposées, l’une utilisant une radiochimiothérapie (RCT) préopératoire de type CROSS (1), l’autre reposant sur l’administration d’une chimiothérapie périopératoire de type FLOT (2). Alors que plusieurs essais sont en cours, il n’existe pas de données publiées robustes permettant de favoriser une stratégie par rapport à l’autre. Les auteurs ont donc rapporté les résultats d'une étude se basant sur les données d'une cohorte internationale prospective multicentrique (OGAA : Oesophagogastric Anastomosis Audit) comparant CROSS et FLOT chez les malades ayant un AJE.
Des taux de mortalité qui divergent mais attention aux interprétations trop rapides
L'objectif principal de l'étude était de comparer la mortalité postopératoire à 90 jours. Les auteurs ont également évalué les taux de réponse histologique complète (pCR : pathologic complete response), de résection R0, de complications global, de complications sévères et de fistule anastomotique chez les malades opérés d’un AJE après CROSS ou FLOT. D'avril 2018 à décembre 2018, parmi 2247 patients inclus dans le registre OGAA, 718 ont été pris en charge pour un AJE et ont reçu soit un traitement par FLOT (n=368) soit un traitement par CROSS (n=350). Les patients traités par CROSS était plus fréquemment pris en charge dans des centres à faible volume (< 28 cas par an) (40% vs 25% ; p<0,001). Le taux de mortalité à 90 jours était significativement plus élevé chez les patients ayant été traités CROSS comparés à ceux traités par FLOT (5% vs 1% ; p=0,005). Cependant, il existait des différences significatives concernant les caractéristiques des malades en préopératoire, notamment une proportion plus importante de malades ASAIII-IV ou ayant recours à une nutrition artificielle préopératoire dans le groupe CROSS. Après ajustement, le taux de mortalité à 90 jours demeurait significativement plus élevé chez les malades traités par CROSS par rapport à ceux traités par FLOT préopératoire (OR=3,97 ; intervalle de confiance [IC]95% =1,34-13,67). Cette mortalité plus élevée s'expliquait par un taux de complications pulmonaires (74% vs 60 %) et cardiaques (42 vs 20 %) plus important chez les patients traités par CROSS comparés à ceux traités par FLOT. Après ajustement, il n'y avait pas de différence significative sur le taux de fistule anastomotique postopératoire (OR=1,44 ; IC95%=0,83-2,52 ; p=0,2). Le taux de pCR était significativement plus élevé chez les patients traités par CROSS vs FLOT (18% vs 10 %, respectivement, p=0,004), de même que le taux de résection complète R0 était significativement plus élevé après CROSS vs FLOT (93% vs 76%; p<0,001). Après ajustement, le traitement par CROSS était associé à un taux plus élevé de pCR (OR=2,05 ; IC95%=1,26-3,34) et de résection R0 (OR=4,55 ; IC95%=2,70-7,60) que le traitement par FLOT. La RCT augmenterait la morbimortalité de la chirurgie œsophagienne selon les résultats de cette étude mais aussi d’autres. Il s’agit d’un résultat assez intuitif qui peut s’expliquer par l’effet délétère de l’irradiation sur le médiastin altérant la capacité pulmonaire mais qui a surtout été rapporté avec des doses plus élevées de radiothérapie. Les auteurs insistent dans leur conclusion sur la nécessité d’un contrôle strict de la qualité de l’irradiation chez ces malades candidats à une chirurgie lourde et morbide.
Des résultats à analyser avec précaution
Les auteurs ont conclu que ces données issues de la pratique clinique courante ont montré que le traitement préopératoire par CROSS est associé à une mortalité postopératoire plus élevée que le traitement par FLOT, mortalité induite essentiellement par des complications cardiopulmonaires. Les auteurs recommandent en conséquence l'application d'un contrôle qualité strict de la radiothérapie dans cette indication. Des données complémentaires sont nécessaires pour évaluer l'impact à long terme du taux plus élevé de pCR et de résection R0 après CROSS vs FLOT. Une lecture rapide et un peu superficielle pourrait se résumer ainsi : le CROSS est plus efficace (plus de pCR, plus de résection R0) mais aussi plus morbide (morbimortalité plus élevée). Cependant l’étude qui a été réalisée à partir d’une cohorte chirurgicale multicentrique comporte des limites. En l’absence de randomisation, les déterminants de l’attribution des traitements ne sont pas connus (une habitude de centre, un choix basé sur la comorbidité du malade, le volume tumoral…). Les malades présentent des caractéristiques assez différentes dans les deux groupes et il est difficile malgré l’ajustement statistique d’affirmer que certains résultats n’ont pas été influencés par la sélection. Enfin, il s’agit d’une cohorte chirurgicale qui ne tient pas compte des malades traités mais qui n’ont pas pu être opérés. La chimiothérapie par FLOT induit une toxicité immédiate parfois importante, parfois plus marquée que la RCT pouvant conduire certains malades à ne pas être opérés…
De nouvelles études sont nécessaires afin de mieux appréhender cette comparaison entre CROSS et FLOT et mieux définir leurs places respectives dans notre arsenal thérapeutique. Actuellement, ces deux traitements sont utilisés en association avec la chirurgie, mais de nouvelles stratégies, qui tiennent compte de l’efficacité des traitements sont actuellement en développement. Des données récentes montrent qu’en cas de réponse clinique complète, une stratégie non opératoire basée sur une surveillance active pourrait être proposée chez les malades traités par RCT.











