Onco-Digestif

Cancer du rectum : bénéfice de la radiothérapie de contact post chimio-radiothérapie

La préservation d’organe après réponse complète au traitement néoadjuvant est de plus en plus étudiée pour les adénocarcinomes rectaux. Cependant, l’impact de la dose n’est pas connu. L'essai OPERA avait pour but d’évaluer le bénéfice d’un complément de dose par radiothérapie de contact ou en termes de préservation d’organe à 3 ans pour les patients atteints de cancers du rectum de stade précoce.

  • Valerii Apetroaiei/iStock
  • 31 Mai 2023
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    OPERA était un essai multicentrique de phase 3 randomisé (1). Les patients inclus dans 17 centres présentaient un adénocarcinome du bas ou moyen rectum cT2, cT3a ou cT3b de moins de 5 cm, N0 ou N1 (ganglions de taille inférieure à 8 mm). Ils recevaient une chimio-radiothérapie néoadjuvante (45 Gy en 25 fractions sur 5 semaines avec de la capécitabine orale) puis étaient randomisés entre un complément de 9 Gy en 5 séances par radiothérapie externe (dose totale de 54 Gy) ou 90 Gy en 3 séances de radiothérapie de contact. Ils étaient stratifiés en fonction du centre, du stade T, de la distance du pôle inférieur de la tumeur avec la marge anale (plus ou moins de 6 cm) et de la taille tumorale (plus ou moins de 3 cm).

    Dans le groupe contact, les patients avec une tumeur de moins de 3 cm recevaient le complément de dose avant la chimio radiothérapie, ceux avec une tumeur de plus de 3 cm, après. Le critère de jugement principal était le taux de préservation d’organe à 3 ans analysé en intention de traiter.

    Un essai incluant surtout des petites tumeurs

    Les patients ont été inclus entre juin 2015 et juin 2020. Le suivi médian était de 38,2 mois. L'âge médian était de 69 ans, 62 % des patients étaient des hommes, 65 % avaient une tumeur cT2 et 75 % une tumeur à moins de 6 cm de la marge anale. La réponse clinique était évaluée par toucher rectal, endoscopie et IRM rectale à la semaine 14 puis à la semaine 20 ou 24. Les patients avec une réponse clinique complète à la 24ème semaine étaient ensuite suivis tous les 3 mois les deux premières années puis tous les 6 mois avec à chaque consultation une évaluation par toucher rectal, endoscopie et IRM rectale.

    Une augmentation du taux de préservation d'organe à 3 ans

    Les principaux résultats sont présentés dans le tableau suivant.

     

    Radiothérapie externe

    n=74

    Radiothérapie de contact

    n=74

     

    Réponse clinique complète à 6 mois

    46 %

    68 %

     

    Préservation d'organe à 3 ans

    59 %

    (IC95 % 48-72)

    81 %

    (IC95 % 72-91)

    HR = 0,36; p=0,0026

    (IC95 % 0,19-0,7)

    Préservation d'organe à 3 ans pour les tumeurs de moins de 3 cm

    63 %

    (IC95 % 47-84)

    97 %

    (IC95 % 91-100)

    HR = 0,07; p=0,012

    (IC95 % 0,01-0,57)

    Préservation d'organe à 3 ans pour les tumeurs de plus de 3 cm

    55 %

    (IC95 % 41-74)

    68 %

    (IC95 % 54-85)

    HR = 0,54; p=0,11

    (IC95 % 0,26-1,1)

    Taux de rechute locale à 3 ans

    23 %

    15 %

    p=0,59

    Taux de survie globale à 3 ans

    98 %

    98 %

     

    Toxicité aiguë de grade 2 ou 3

    30 %

    42 %

    p=1,0

    Rectite de grade 2 ou 3

    6 %

    13 %

     

    Radiodermite de grade 2 ou 3

    10 %

    3 %

     

    Rectorragies tardives de grade 1 ou 2

    12 %

    63 %

    p<0,0001

    Score LARS > 30 à 1 an

    21 %

    17 %

    p=0,55

     

    Au total, 39 patients ont eu une exérèse totale du mesorectum (38 % dans le bras radiothérapie externe et 18 % dans le bras radiothérapie de contact ; p=0,0042), principalement pendant les deux premières années de suivi. Il s'agissait d'une amputation abdomino-périnéale dans 44 % des cas. La morbidité post-opératoire n'était pas rapportée. En analyse multivariée, le risque d'avoir une exérèse totale du mesorectum était significativement plus élevé chez les patients avec une tumeur de plus de 3 cm (HR=2,3, IC95 % 1,1–4,6; p=0,021) et en cas d'interruption de la radiothérapie plus de 3 jours (HR=3,2, IC95 % 1,1–9,4; p=0,027).

    Analyse globale

    Angelita Habr-Gama, une chirurgienne brésilienne, a été la première a montré qu'une augmentation de la dose de 45 Gy à 54 Gy augmentait le taux de réponse clinique complète de 24 % à 49 %, mais avec environ 30 % de récidives locales nécessitant une intervention chirurgicale [2]. Le taux de préservation était finalement de 34 %. Pour les patients avec une petite tumeur du rectum, une escalade de dose par radiothérapie de contact permet une amélioration significative du taux de préservation rectale, notamment chez les patients avec une tumeur de moins de 3 cm (97 % à 3 ans).

    Ce traitement pourrait donc devenir une option dans ce groupe de patients en cas de souhait de préservation d’organe. Cependant, il est limité par le faible nombre de machines disponibles en France. Une escalade de dose peut également être réalisée par curiethérapie endocavitaire rectale ou par radiothérapie externe [3, 4]. La place de l'escalade de dose par rapport à l'intensification du traitement par l'ajout de FOLFIRINOX reste à étudier.

     

    Références

    1- Gerard JP, Barbet N, Schiappa R, Magné N, Martel I, Mineur L, et al. Neoadjuvant chemoradiotherapy with radiation dose escalation with contact x-ray brachytherapy boost or external beam radiotherapy boost for organ preservation in early cT2–cT3 rectal adenocarcinoma (OPERA): a phase 3, randomised controlled trial. Lancet Gastroenterol Hepatol 2023;8(4):356-67.

    2- Habr-Gama A, Gama-Rodrigues J, Sao Juliao GP, et al. Local recurrence after complete clinical response and watch and wait in rectal cancer after neoadjuvant chemoradiation: impact of salvage therapy on local disease control. Int J Radiat Oncol Biol Phys 2014; 88: 822–28.

    3- Couwenberg AM, Burbach JPM, Berbee M, et al. Efficacy of Dose-Escalated Chemoradiation on Complete Tumor Response in Patients with Locally Advanced Rectal Cancer (RECTAL-BOOST): A Phase 2 Randomized Controlled Trial. Int J Radiat Oncol Biol Phys 2020;108:1008-1018.

    4- Garant A, Vasilevsky CA, Boutros M, et al. MORPHEUS Phase II-III Study: A Pre-Planned Interim Safety Analysis and Preliminary Results. Cancers (Basel) 2022;14:3665.

     

     

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