Onco-Digestif
Cancer du rectum : place du traitement pré-opératoire par chimiothérapie ?
Les résultats préliminaires de l'essai de phase III CONVERT envisagent un traiteement préopératoire par chimiothérapie sans irradaiation pelvienne en cas de cancer du rectum localement évolué d'emblée résecable.
- Mohammed Haneefa Nizamudeen/iStock
En cas de cancer du rectum localement évolué, la radiochimiothérapie (RCT) préopératoire permet d'améliorer le contrôle local et de réduire le risque de récidive locorégionale après chirurgie (1). Elle n'a jamais montré son efficacité sur la réduction du risque de récidive métastatique et elle est associée à une augmentation du risque de séquelles digestives et génito-urinaires altérant ainsi la qualité de vie à long terme de malades considérés par ailleurs guéris de leur cancer (2,3).
Des données récentes ont montré qu'une chimiothérapie sans irradiation pelvienne pourrait être utilisée comme une alternative à la RCT chez des patients ayant un cancer du rectum localement évolué (4).
L’essai CONVERT
Les investigateurs chinois de l’essai CONVERT rapportent les résultats préliminaires d’une étude contrôlée de phase III comparant chimiothérapie seule sans irradiation à la RCT par Cap 50 conventionnelle chez des patients ayant un cancer du rectum d'emblée résécable. Dans cette étude, les patients du groupe chimio recevaient 4 cycles de CAPOX.
La résécabilité initiale était évaluée sur une IRM pré-thérapeutique montrant une marge circonférentielle prédictive > 1 mm et les malades du groupe chimio avaient une re-évaluation de la marge en IRM à l’issue du traitement. Il s'agit d'un essai de non-infériorité dont le critère de jugement principal est la survie sans récidive locorégionale.
Des résultats à court terme
Dans cette première publication, les auteurs ont rapporté les résultats à court terme comprenant la toxicité, le taux de réponse histologique, et la morbidité péri-opératoire. Au total 589 malades ayant un cancer du moyen bas rectum (< 12 cm de la MA) ont été inclus (chimio, n = 300 ; RCT, n = 189). En ce qui concerne la tolérance, 86 % des patients du groupe chimio et 91 % des malades du groupe RCT ont pu avoir l'intégralité du traitement (p = 0,07) et le taux de toxicité grade III/IV n'était pas différent dans les deux groupes.
Le taux de réponse histologique complète était 11,1 % après chimio et de 13,8 % après RCT (p = 0,33), le taux de régression de stade (« downstaging ») était de 40,8 % après chimio et de 45,6 % après RCT (p = 0,27). Le taux d'évolution métastatique péri opératoire était significativement inférieur chez les patients ayant reçu une chimiothérapie par rapport à ceux traités par RCT (0,7 versus 3,1 %, p = 0,03).
Dans le groupe de chimio, 4 malades ont une progression locale et ont eu une RCT complémentaire de rattrapage avant la chirurgie. Le taux de résection complète R0 était de 99,6 % dans les deux groupes. Il n'y avait pas de différence entre les groupes en ce qui concerne le taux de chirurgie préservant le sphincter (94 % dans les deux groupes). Cependant, la proportion de patients nécessitant une iléostomie de dérivation était statistiquement inférieure dans le groupe chimio (52 % vs 63,6 % ; p = 0,008). Le taux de complications péri-anastomotiques était inférieur chez les malades du groupe chimio vs RCT (18,8% vs. 25,7%; p = 0,05).
Une alternative à la RCT ?
Les auteurs ont conclu que l'utilisation d'une chimiothérapie préopératoire était associée à un taux équivalent de réponse complète et de réduction de stade avec une réduction de l'incidence des métastases diagnostiquées en périopératoire par rapport à la RCT conventionnelle. Cette option pourrait être utilisée comme une alternative à la RCT chez les malades ayant un cancer du rectum localement évolué d'emblée résécables avec une marge circonférentielle prédictive négative.
Cette étude, dont la conception peut être jugée un peu obsolète, confirme sur ces données à court terme la faisabilité et la sécurité oncologique d’une chimiothérapie préopératoire sans irradiation pelvienne chez les malades ayant un cancer du rectum d’emblée résécable. Il faut noter qu’une toute petite minorité de malades ont nécessité une RCT complémentaire dans le groupe chimio (n=4) témoignant d’un bon contrôle local malgré l’absence d’irradiation dans ce sous-groupe de malades ayant une marge circonférentielle prédictive > 1mm.
Dans cette étude, la chimiothérapie utilisée comme une alternative à la RCT conventionnelle est également associée à des avantages potentiels : elle permettrait de réduire le risque d’évolution métastatique pendant la phase précoce de la prise en charge et elle pourrait être associée à un risque un peu moins important de complications péri-anastomotiques après proctectomie.
Une étude atypique
Dans cet essai, le bras contrôle (RCT conventionnelle, Cap 50) ne correspond pas au standard de traitement actuel. En effet, depuis la publication des deux essais de phase III ayant validé l’intérêt d’une chimiothérapie néoadjuvante dans la prise en charge des cancers du rectum localement évolués, cette nouvelle approche est devenue la référence. L’ajout de la chimiothérapie néoadjuvante permet de réduire le risque de récidive métastatique et augmente le taux de réponse histologique complète ouvrant la voie à l’élargissement des indications de stratégie de préservation d’organe au prix d’une plus grande toxicité.
Des essais français sont en cours pour évaluer l’intérêt de nouvelles stratégies de désescalade supprimant l’irradiation pelvienne en cas de cancer du rectum localement évolué (essai NORAD01 et GRECCAR14).
Références :
- N Engl J Med. 2006 Sep 14;355(11):1114-23.
- Eur J Cancer. 2014 Sep;50(14):2390-8.
- Clin Colorectal Cancer. 2015 Jun;14(2):106-14.
- J Clin Oncol. 2019 Dec 1;37(34):3223-3233.
- Lancet Oncol. 2021 May;22(5):702-715.
- Lancet Oncol. 2021 Jan;22(1):29-42.











