Onco-digestif

Cancer du bas rectum : laparoscopie ou laparotomie pour la proctectomie carcinologique ?

La question de la voie d’abord idéale pour la prise en charge chirurgicale des cancers du bas rectum reste débattue. L’étude présentée ici, qui porte spécifiquement sur des malades ayant un cancer du bas rectum montre que la voie d’abord laparoscopique est faisable et sûre sur le plan carcinologique et qu’elle s’accompagne d’un bénéfice assez net sur la récupération postopératoire. C’est donc la première étude à démontrer de façon claire l’intérêt d’une approche mini-invasive dans la prise en charge de ces malades.

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  • 29 Septembre 2022
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    La proctectomie carcinologique pour cancer du bas rectum (exérèse totale du mésorectum) est une intervention techniquement difficile. Plusieurs voies d'abord (laparoscopie classique ou robotique, voie trans-anale ou encore abdominale ouverte) peuvent être utilisées. Actuellement aucune de ces approches n'a clairement démontré sa supériorité par rapport aux autres.

    Laparoscopie ou laparotomie ? éléments de réponse

    Les auteurs chinois des hôpitaux universitaires de Fuijan ont rapporté lors du dernier congrès américain de l’ASCO les résultats d'une étude contrôlée multicentrique de phase III comparant la voie d'abord laparoscopique à la voie d'abord ouverte pour la prise en charge des patients ayant un cancer du bas rectum. Il s'agissait d'un essai de non-infériorité avec comme critère de jugement principal la survie sans récidive à 3 ans, nécessitant l'inclusion de 1065 patients.

    De 2013 à 2018, 1070 patients ont été inclus dans les bras laparoscopie (n = 712) et laparotomie (n = 358). Dans le groupe laparoscopie, 17 patients (2,5%) ont nécessité une conversion en laparotomie. Ce taux faible peut refléter la qualité des chirurgiens mais aussi et surement le morphotype des malades de la série. Bien que ces données n’aient pas encore été communiquées, on peut faire l’hypothèse qu’il y a peu de malades en surpoids ou obèse dans cette série ce qui non seulement explique le faible taux de conversion mais aussi les très bons résultats de la laparoscopie. La durée opératoire était significativement plus longue dans le groupe laparoscopie que dans le groupe laparotomie (195 min vs 180 min, p < 0,001) mais les pertes sanguines étaient moins abondantes (50 ml vs 100 ml, p< 0,001).

    Le taux de chirurgie préservant le sphincter est plus élevé dans le groupe laparoscopie par rapport au groupe laparotomie (71,7% vs 65%, p = 0,026). Il n'y avait pas de différence entre les deux groupes sur le taux de mésorectum complet (85,3% versus 85,8%, p = 0,777), le taux de résection R0 circonférentiel (98,2% versus 99,7% ; p = 0,085), le taux de résection R0 longitudinal (99,4% versus 100%, p = 0,362) et le nombre moyen de ganglions prélevés (13,0 versus 12,0, p = 0,394).

    Il existe dans le groupe laparoscopie un délai plus court de reprise d’un transit de gaz (40,4 versus 44,8 heures, p = 0,006), d’un transit de selles (61,2 versus 66,3 heures, p = 0,031), la durée de recours aux antalgiques (45,0 versus 48,0 heures ; p = 0,001), et la durée d'hospitalisation (8,0 versus 9,0 jours ; p = 0,008) par rapport à la voie d'abord ouverte. Le taux de complications postopératoires était de 13% dans le groupe laparoscopie est de 17,2% dans le groupe laparotomie (p = 0,065). Il n’y a pas de différence sur la mortalité opératoire. Les auteurs  concluent qu'en cas de cancer du bas rectum, la voie d'abord laparoscopique permet d'obtenir des résultats oncologiques équivalents à la voie d'abord ouverte avec une récupération plus rapide et moins de complications postopératoires.

    Perspectives

    Ces résultats sont différents de ceux de deux essais nord-américains dans lesquels la laparoscopie n’avaient pas atteint la non inferiorité par rapport à la voie d’abord ouverte. Cette discordance peut s’expliquer par la sélection des patients qui est très certainement différente avec une incidence possiblement moins importante de l’obésité dans cet essai.

    De nouvelles voies d’abord sont actuellement de plus en plus utilisées et en cours d’évaluation pour la chirurgie des cancers du bas rectum notamment la voie d’abord transanale (TaTME pour transanale total mesorectal excision) ou la voie d’abord robotique. Cette étude ne permet pas de positionner ces nouvelles voies d’abord par rapport à la laparoscopie, voies d’abord mini-invasives qui est actuellement évaluées dans d’autres essais (GRECCAR11, COLOR3).

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