Rhumatologie
Arthrose fémoro-tibiale : prescription sécurisée pour une marche bénéfique
La synthèse de 18 essais contrôlés souligne que des programmes de marche chez des patients souffrant d’une gonarthrose légère à modérée n’augmentent que très faiblement les moments adducteurs fémoro-tibiaux et n’accroissent pas l’impulsion de charge, suggérant qu’un entraînement aérobie régulier peut être encouragé sans risque mécanique majeur pour l’articulation.

- Zbynek Pospisil/istock
La gonarthrose, responsable d’altérations fonctionnelles majeures, reste prise en charge en première intention par des mesures non pharmacologiques. Or, l’inactivité domine, en partie par crainte du médecin ou du patient d’un surmenage articulaire. Ce travail regroupe 18 études expérimentales (192 publications initiales dépistées) incluant 645 sujets (âge moyen 64 ans, Kellgren II-III pour la moitié). Les protocoles – marche isolée ou au sein de programmes multimodaux – totalisaient en moyenne 24 minutes par séance, 3 fois par semaine, durant 19 semaines.
La méta-analyse, publiée dans Seminars in Arthritis and Rheumatism, montre une hausse très modeste du premier pic de moment adducteur (KAM : SMD 0,18) et aucune modification de l’impulsion (SMD –0,01). Le moment de flexion (KFM) et la vitesse de marche progressent légèrement (SMD ajustés 0,23 et 0,35). Les sous-analyses distinguent la marche pure (effet non significatif sur KAM) des programmes mixtes (KAM +0,20), sans incidence clinique notable. Ainsi, les adaptations mécaniques au long court paraissent minimes et compensées par un gain fonctionnel.
Un réentrainement multimodal est plus intéressant
Les critères secondaires éclairent les déterminants de ces réponses : la durée cumulée de l’intervention corrèle positivement avec l’élévation du KFM (β 0,02 par semaine), indice d’une meilleure propulsion musculaire, tandis qu’une fréquence ≥ 3 séances hebdomadaires augmente la vitesse de marche (β 0,37). Les paramètres d’intensité sont le plus souvent « auto-sélectionnés », limitant l’analyse dose–effet.
Aucune aggravation de la douleur rapportée ni d’événement indésirable majeur n’est relevée ; les programmes multimodaux associent parfois un renforcement musculaire potentiellement responsable de la faible hausse du KAM. Les études isolées d’exposition unique confirment qu’une séance de 30 minutes augmente transitoirement les forces de contact, mais sans retentissement structurel démontré.
Une recommandation d’un minimum de 150 minutes hebdomadaires d’activité aérobie
Ces conclusions reposent sur des essais majoritairement de bonne qualité (score QualSyst > 0,75), quoique hétérogènes. Les effectifs demeurent restreints, les formes sévères et les phénotypes à varus marqué étant sous-représentés, ce qui cantonne l’extrapolation aux stades précoces à modérés. L’analyse a adopté les premiers temps de suivi disponibles ; la persistance des effets mécaniques comme fonctionnels à long terme mérite des études prolongées. Enfin, l’absence fréquente de mesures concomitantes de symptômes et d’imagerie ne permet pas de lier directement variations biomécaniques et évolution structurale.
Selon les auteurs, cette revue conforte la recommandation d’un minimum de 150 minutes hebdomadaires d’activité aérobie, appliquée ici à la gonarthrose : privilégier trois à cinq séances de 30 minutes à allure modérée, avec progression individualisée. Les faibles modifications du KAM impliquent que la marche n’accroît pas de façon cliniquement pertinente la contrainte médiale ; le léger gain de vitesse traduit plutôt une efficience locomotrice accrue.
Pour optimiser le bénéfice, l’ajout de renforcement musculaire et la surveillance du poids corporel restent essentiels. Des recherches ciblées doivent désormais déterminer la dose optimale (durée d’une séance, nombre de pas, vitesse) et intégrer des marqueurs structuraux (IRM, biomarqueurs de cartilage) afin d’élaborer des guidelines spécifiques, levier indispensable pour lever les freins à la prescription et à l’adhésion des patients.