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Pesticide : le chlordécone menace-t-il la fertilité des femmes ?

Une étude de l’Inserm révèle que l’exposition au chlordécone, pesticide interdit depuis 1993 aux Antilles, pourrait allonger le délai nécessaire pour concevoir un enfant. Un lien potentiel avec une baisse de fertilité féminine est envisagé.

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  • 17 Octobre 2025
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    Une nouvelle étude française relance les inquiétudes autour du chlordécone, insecticide longtemps utilisé aux Antilles jusqu’à son interdiction en 1993. Publié dans la revue Environmental Health, ce rapport de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) met en évidence un lien entre l'exposition au chlordécone et une diminution de la fertilité chez les femmes.

    Un allongement du délai à concevoir

    Les scientifiques ont analysé les données de 668 femmes enceintes interrogées entre 2004 et 2007 dans le cadre de la cohorte Timoun en Guadeloupe. En mesurant la concentration de chlordécone dans leur sang, les chercheurs ont constaté que plus le taux était élevé, plus le délai pour tomber enceinte – un indicateur clé de la fertilité du couple – était long. "Plus les femmes ont été exposées à des niveaux élevés de chlordécone, plus elles ont mis de temps à concevoir leur enfant", résume Luc Multigner, directeur de recherche émérite à l'Inserm et coauteur de l’étude, dans un communiqué.

    Dans le détail, les femmes dont la concentration sanguine dépassait 0,4 microgramme par litre voyaient leurs chances de tomber enceinte lors d'un cycle menstruel réduites d'environ 25 %. Des résultats jugés significatifs, bien que le lien de cause à effet ne puisse être formellement établi.

    L'équipe de recherche rappelle que des études antérieures menées chez l’animal montraient déjà une altération de la fertilité des femelles exposées au chlordécone. "Notre recherche soutient l’hypothèse selon laquelle ce pesticide pourrait altérer la fertilité des femmes", confirme Luc Multigner. A contrario, les études réalisées chez les hommes en Guadeloupe n'ont pas mis en évidence d'effets sur la qualité du sperme ou les hormones de reproduction.

    D’autres risques déjà mis en évidence

    D’autres effets délétères du chlordécone, substance très persistante dans l’environnement, ont déjà été documentés : augmentation du risque de prématurité, troubles cognitifs ou comportementaux chez les enfants exposés avant et après la naissance, sans compter les cancers de la prostate déjà associés à l’exposition masculine.

    Si cette étude ne suffit pas à prouver à elle seule que le pesticide est responsable d’une infertilité féminine, elle pose clairement la question. "L’étude Karu-Fertil, en cours en Guadeloupe, permettra de mieux préciser les liens entre l’exposition au chlordécone et l’infertilité féminine", explique Ronan Garlantézec, professeur de santé publique à l’Université de Rennes. Il appelle déjà à "poursuivre les efforts pour réduire l'exposition au chlordécone, en particulier chez les femmes en âge de procréer".

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