Sens
L’odorat, un marqueur de risque de mortalité
Chez les personnes âgées, les déficits olfactifs signalent un risque de mortalité, révélant un déclin neurodégénératif et physiologique qui joue un rôle majeur dans cette association.

- Par Geneviève Andrianaly
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Depuis la pandémie de coronavirus, on parle souvent d’anosmie et d’hyposmie. "De nombreux patients dans le monde présentent une diminution, voire une réduction significative, de l'odorat", a déclaré Mark Zacharek, spécialiste en oto-rhino-laryngologie à l'université du Michigan dans un communiqué. Chez les personnes âgées, cette perte de l’odorat est liée à une mortalité plus élevée. Cependant, "les mécanismes restent flous", selon des chercheurs suédois et allemands. C’est pourquoi ils ont, dans le cadre d’une étude, exploré les facteurs médiateurs potentiels et les conséquences spécifiques à chaque cause.
Un test d'identification des odeurs pour évaluer les capacités olfactives de plus de 2.500 adultes
Afin de mener à bien les recherches, publiées dans la revue JAMA Otolaryngol Head Neck Surgery, l’équipe a examiné les données d’une cohorte suédoise sur le vieillissement et les soins à Kungsholmen à Stockholm, portant sur 2.524 adultes âgés en moyenne de 72 ans. Les évaluations initiales ont eu lieu entre mars 2001 et août 2004, excluant les patients atteints de démence connue. Les analyses de données comprenaient des mesures de suivi à 6 et 12 ans, les données finales ayant été recueillies en février 2013.
Durant chaque évaluation, les scientifiques ont mesuré les capacités olfactives des participants sur une échelle continue à l'aide d'un test d'identification des odeurs en 16 points, avec des odeurs allant du citron à l'ail en passant par le café. Ils ont également posé des diagnostics de démence au début des travaux et pendant les suivis, à l'aide d'évaluations médicales. Enfin, ils ont déterminé la mortalité toutes causes confondues à l’aide d’un registre national suédois indiquant les causes de décès. À partir de leurs réponses, les patients ont été classés comme anosmiques (0 à 6 bonnes réponses), hyposmiques (7 à 10 bonnes réponses) ou normosmiques (11 à 16 bonnes réponses).
Les patients ayant perdu totalement l’odorat étaient 70 fois plus susceptibles de mourir
Selon les résultats, 445 volontaires sont décédés à 6 ans et 969 personnes à 12 ans de suivi. Pour chaque mauvaise réponse donnée par les participants au test d'identification des odeurs, leur risque de mortalité toutes causes confondues augmentait de 6 % à 6 ans et de 5 % à 12 ans. Les participants classés comme anosmiques présentaient un risque relatif de mortalité près de 70 % plus élevé que les volontaires classés comme normosmiques.
"En ce qui concerne les causes spécifiques de décès associées à un odorat déficient, le risque le plus élevé concernait les décès neurodégénératifs, suivis de la mortalité respiratoire et cardiovasculaire. Les médiateurs significatifs du décès à 6 ans comprenaient la démence (23 % de l'association totale), la fragilité (11 % de l'association totale) et la malnutrition (5 % de l'association totale). À 12 ans, la fragilité physiologique restait un médiateur (9 % de l'association totale)."D’après les auteurs, un mauvais odorat peut également constituer un problème de sécurité qui augmente le risque de mortalité. "Cela est principalement lié à l'incapacité de sentir le gaz naturel, ce qui serait très dangereux, ou à l'incapacité de sentir la fumée d'un feu de cheminée à l'intérieur de sa maison… ou la détérioration des aliments. Tout cela pourrait justifier un certain niveau de dépistage des déficits olfactifs", a expliqué Mark Zacharek.