Pneumologie

Surveillance des récidives après traitement du cancer, en fait on trop ?

Le suivi des patients après un traitement chirurgical de cancer bronchique représente un fardeau psychique pour les patients et devrait peut-être être réservé aux patients qui conservent des facteurs de risque ou qui bénéficient d’une surveillance d’un traitement adjuvant. D’après un entretien avec Jacques CADRANEL.

  • 12 Jun 2025
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    Un éditorial, paru en mai 2025, dans le New England Journal of Medicine, s’est intéressé à l’intérêt de la surveillance des récidives après traitements des cancers. Les auteurs de cet article ont réalisé pris comme base de discussion une méta-analyse datant de 2021 au cours de laquelle 12 essais randomisés ont été inclus. Tous les essais avaient évalué la mortalité d’un groupe de patients surveillés versus un groupe de patients non surveillés, après traitement de cancers du sein, cancers du côlon, sarcome ou cancers bronchiques. Une seule de ces études concernait le cancer bronchique. Il s’agit d’un travail datant de 2010 pour lequel les auteurs avaient randomisé 36 patients ayant un suivi clinique régulier versus 33 patients ayant bénéficié d’un suivi par tomodensitométrie abdomino-pelvienne et crânienne régulièrement pendant 2 ans.

     

    Des travaux qui manquent de puissance

    Le professeur Jacques CADRANEL, Chef du service de pneumologie de l’hôpital Tenon, à Paris, rappelle que la question du dépistage des récidives de cancers des patients considérés comme guéris se pose en raison du risque de récidive, de l’intérêt à dépister précocement cette récidive pour à la fin améliorer la survie globale avec un coût acceptable pour la société. Il est vrai que ces études ne considèrent jamais le fardeau psychologique que peut représenter une surveillance pour les patients – “pourquoi me surveiller, si je suis guéri“. Il regrette que l’auteur de cet éditorial ne fasse pas référence à l’étude de Virginie Westeel, qui est une étude IFCT-0302 de phase III randomisée qui avait inclus 1800 patients opérés d’un cancer pulmonaire de stade I-IIIA, avec ou sans chimiothérapie ou radiothérapie adjuvante et qui avait apporté un très haut niveau de preuve en raison du grand nombre de malades inclus et de la durée du suivi de 5 ans. Cet essai avait surveillé l’un des bras grâce à un scanner thoraco-abdominal tous les 6 mois pendant 2 ans puis tous les ans pendant 5 ans tandis que l’autre bras bénéficiait d’une simple surveillance clinique et radiologique. Cet essai avait apporté des résultats négatifs, puisque la survie globale n’a pas été différente entre les deux bras. A 2 ans, seulement 15% des patients étaient décédés car dans cet essai la majorité des malades avec un Stade I-II avec une faible probabilité de rechute ; pour pouvoir à l’intérêt d’un suivi il aurait fallait inclure un bien plus grand nombre de malades. Cette étude a, en revanche, démontré que passé 2 ans, les cancers détectés étaient plus souvent des 2ème cancer thoracique ou extra-thoracique. L’auteur de l’éditorial aurait dû mettre en perspective les résultats des très grandes études de dépistage du cancer du poumon chez des personnes fumeuses – sans antécédant de cancer, démontrant la réduction de 20% de la mortalité par cancer du poumon dans cette population.  ll explique qu’il est acté qu’en population générale, les essais de dépistage ont montré qu’un dépistage précoce de la rechute apportait un bénéfice évident sur la survie, mais il regrette que cet éditorial ne puisse pas apporter de réponse franche en raison du manque de puissance, lié au trop faible nombre d’évènements.

     

    Un suivi seulement en cas de traitement complémentaire ou de facteurs de risques ?

    Jacques CADRANEL explique qu’il serait intéressant de savoir quels patients sont, a priori, guéris et ont peu de probabilité de rechuter et quels sont ceux qui sont à risque, notamment lorsque les facteurs de risque sont encore présents, comme la poursuite du tabagisme. Ces patients à forte probabilité de rechute précoce devraient bénéficier d’un dépistage des récidives. Pour Jacques CADRANEL, la question n’est pas de créer un fardeau psychique pour tous les patients, mais d’essayer d’évaluer les facteurs prédictifs de mauvais pronostic, afin de ne surveiller que ceux-là, à l’instar de ce qui est fait pour le dépistage du cancer du poumon en population générale chez les personnes à haut risque – sans antécédant de cancer. De plus, il souligne, qu’aujourd’hui, lorsque les patients sont opérés, ils bénéficient souvent d’un traitement péri-opératoire par chimiothérapie et/ou immunothérapie ou thérapie ciblée, quel que soit le stade pendant plusieurs mois ou plusieurs années. Ces traitements sont coûteux et l’on manque de prédicteurs individuels de pronostic et d’efficacité des traitements pour prévenir la rechute. La question d’aujourd’hui est donc qui faut-il traiter et pendant combien de temps ? Qui ne faut-il pas traiter et donc surveiller. En effet, le fardeau psychologique est encore plus lourd pour un patient peut être traité à tort, que pour un patient surveillé par excès. Faut-il traiter uniquement les rechutes ? Ne suivre que les patients ayant des facteurs de risque ? Pour Jacques CADRANEL, la question de la surveillance doit être posée en ce sens.

     

    En conclusion, il faut préciser dans quel contexte proposer une surveillance des rechutes après chirurgie d’un cancer de faible stade, afin d’éviter le fardeau psychologique que cela impose aux patients en déterminant bien la place des traitements péri-opératoires et des facteurs de risque de rechute mais aussi de celui d’un deuxième cancer, et cela grâce à des travaux de grande ampleur.

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