Pneumologie

Enfin une piste pour soulager la dyspnée dans les pneumopathies interstitielles fibrosantes !

La réadaptation respiratoire serait  un bon outil pour améliorer les composantes physique et affective de la dyspnée des patients atteints de pneumopathies interstitielles diffuses fibrosantes, alors que jusque-là aucun traitement ne constituait une piste d’amélioration de ce symptôme invalidant et trop souvent sous-évalué. D’après un entretien avec Cécile CHENIVESSE.

  • 04 Avr 2024
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    Une étude, dont les résultats sont parus en février 2024 dans l’European Respiratory Journal Open Research, a cherché à évaluer la dyspnée, sensation respiratoire désagréable sur les plans sensoriel et affectif, chez les patients atteints de fibrose pulmonaire interstitielle, au décours d’un programme de réadaptation respiratoire. Ils s’agit d’une étude monocentrique pour laquelle  les auteurs de ce travail ont utilisé un questionnaire, nommé Dyspnoéa-12, composé de 12 questions, remis aux patients et évoquant leur ressenti et l’impact émotionnel de la dyspnée. Tous les patients inclus étaient atteints de fibrose pulmonaire interstitielle et ont bénéficié d’un stage de réadaptation respiratoire de 8 semaines. Leur dyspnée a été évaluée avant le séjour, à la fin, à 6 mois et à 12 mois. Au total, 166 patients ont été inclus, 115 d’entre eux avaient une fibrose pulmonaire idiopathique et les autres une pneumopathie interstitielle spécifique non fibrosante. Ils étaient majoritairement de sexe masculin, avec un âge moyen de 69 ans. Il s’agissait de patients assez sévères, avec une CVF de 60% en moyenne et 86% d’entre eux étaient sous oxygénothérapie. Leur score MMRC était compris entre 2 et3. Deux tiers des patients atteints de fibrose pulmonaire idiopathique étaient sous anti fibrosants et les patients atteints de pneumopathie interstitielle spécifique non fibrosante étaient pour la plupart sous corticothérapie.

     

    Un symptôme invalidant mal évalué

    Le professeur Cécile CHENIVESSE, chef du service de pneumologie et allergologie du Centre Hospitalier Universitaire de Lille, et auteure de ce travail, rappelle que la plupart des patients atteints de fibrose pulmonaire interstitielle souffre de dyspnée. Celle-ci représente un symptôme fréquent d’une maladie rare, que l’on connait donc peu. Elle est très invalidante, altère considérablement la qualité de vie et diminue la capacité d’exercice. La dyspnée représente la principale cause de souffrance de ces patients en fin de vie. Cécile CHENIVESSE rappelle que les traitements anti-fibrotiques ou immunosuppresseurs utilisés chez ces patients ne soulagent pas les symptômes et, malgré de grands progrès thérapeutiques, la dyspnée persiste. Elle estime donc que la réadaptation respiratoire améliorant la dyspnée des sujets atteints de BPCO, il pourrait être intéressant de l’évaluer chez les patients atteints de pathologies interstitielles et de lancer une piste de recherche. Elle rappelle que des études ont déjà été réalisées sur l’impact de la réadaptation respiratoire  la qualité de vie et la tolérance à l’effort mais qu’aucun consensus n’a jamais été établi sur l’amélioration de la dyspnée. Elle explique que la méthode utilisée pour évaluer la dyspnée est l’échelle MMRC qui mesure la limitation de l’activité mais qui est un outil peu sensible aux interventions, ce qui peut expliquer la négativité de ces travaux sur l’amélioration de la dyspnée. C’est pourquoi l’outil Dyspnoéa 12 a été choisi pour ce travail.

     

    Une piste possible d’amélioration de la dyspnée

    Cécile CHENIVESSE précise que le score Dyspnoéa 12 des patients au début du stage de réadaptation était en moyenne de 14, ce qui est classique en cas de dyspnée sévère. A la sortie, ce score a diminué de 3,5 points, ce qui dépasse ce qui est déjà décrit dans la BPCO : cela  confirme l’effet positif de la réadaptation sur la dimension sensorielle et affective de la dyspnée. A l’échelle individuelle, plus de la moitié des patients s’est significativement améliorée. Cécile CHENIVESSE souligne que l’échelle MMRC a été également utilisée et que le gain n’est que de 0,2 point, ce qui n’est pas significatif et qui confirme que cette échelle est peu sensible aux interventions. Sur le long terme, on observe toujours un effet positif de la réadaptation respiratoire mais de manière atténuée, ce qui peut être expliqué par le fait que la maladie est évolutive. Les critères secondaires évalués, comme l’anxiété ou la dépression ont eu cette même tendance à l’amélioration. En revanche, la tolérance à l’effort n’a pas été améliorée sur le long terme, en raison de l’évolutivité de la maladie. Cécile CHENIVESSE conclue donc que, malgré les limites de l’étude liées à ses caractères rétrospectif et monocentrique, qui ne rendent pas les résultats généralisables, la réadaptation respiratoire constitue une piste intéressante et ces résultats sont importants car, il n’existe, à ce jour, aucun traitement de cette dyspnée.

     

    En conclusion, la réadaptation respiratoire constitue donc une intervention positive dans le soulagement de la dyspnée des patients atteints de pneumopathies interstitielles et est donc une arme supplémentaire à ajouter à l’arsenal thérapeutique proposé à ces patients, limités par un symptôme pour lequel aucun traitement n’existe.

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    JDF