Gériatrie
Conduite automobile des seniors : quel est le rôle du médecin généraliste ?
Le médecin généraliste a un rôle clé à jouer dans le conseil aux personnes âgées sur leur aptitudes à conduire en voiture.
- Daisy-Daisy/istock
Peut-on encore conduire après 80 ans ? C’est le sujet des printanières de la SFGG (Société Française de Gériatrie et Gérontologie) qui se tiendront le 9 mars prochain. Pour une mise en bouche avant le jour J, Fréquence Médicale a rencontré le professeur Sylvie Bonin-Guillaume, gériatre à l'AP-HM et spécialiste de la question.
La « madame conduite automobile gériatre », comme elle est surnommée dans le milieu, fait le point avec nous sur le rôle clé du médecin généraliste dans l'évaluation et l'accompagnement des seniors pour une conduite automobile en toute sécurité.
Peut-on encore conduire après 80 ans ? C'est la question à laquelle les prochaines printanières de la SFFG vont répondre. En consultation de médecine générale, que répondre à un patient qui nous poserait cette question ?
Je formulerai la question en disant est-ce que l’on demande à un patient s’il conduit encore en consultation de médecine générale ? Bien souvent, la réponse est non.
Peut-être qu’un message important est que tout médecin généraliste s’interroge sur le maintien de la conduite de son patient à un moment donné, indépendamment de son âge, car la conduite n’est pas qu’un effet de l’âge. Il faut tenir compte à la fois du vieillissement de son patient mais également des pathologies et ce sont plutôt les pathologies qui vont entraîner un arrêt de la conduite plutôt que l’âge lui-même.
Devant quelles pathologies courantes, doit-on en médecine générale se poser la question de l’aptitude à la conduite des seniors ?
Il y a beaucoup de pathologies qui sont toutes recensées dans l'arrêté qui est paru le 28 mars 2022. Ces pathologies sont multiples. Elles ne se résument pas à l’âge et aux facultés cognitives.
Il y a des aussi des pathologies cardio-vasculaires, des antécédents d’accident vasculaire cérébral, certains troubles psychiatriques, des troubles visuels très sévères ou encore certaines pathologies métaboliques déséquilibrées ou non stabilisées comme par exemple le diabète.
Quelle est la place du médecin généraliste pour évaluer dans ces cas-là l'aptitude à la conduite de son patient ?
Je pense qu’il est surtout important pour le médecin de connaître les grandes contre-indications et ensuite l’avis d’un spécialiste est très souvent recommandé. Ça permet d'avoir un avis plus approfondi sur la pathologie elle-même.
Ensuite il relève au patient, je dis bien au patient, et non pas au médecin de solliciter une visite auprès d’un médecin agréé à la préfecture pour savoir ce qu’il en est de ses capacités de conduite.
Qui dit gériatrie, dit souvent longue liste de médicaments et autant de risques potentiels pour la conduite. Quelle vigilance en médecine générale sur ce point ?
Effectivement, il est important que le médecin traitant connaisse les pictogrammes qu'il y a sur les boites de médicaments et d'inciter le patient à les lire parce qu'il y en a plusieurs. En particulier pour les psychotropes qui sont des médicaments considérés comme dangereux pour la conduite et qui sont très largement prescrits dans la population âgée.
Une fois qu'il l'a précisé, c'est important de le tracer dans le dossier médical pour dire que la discussion a eu lieu, qu'une information a été faite, ce qui couvrira le médecin dans l'obligation d'informer son patient.
Est-ce souvent une décision médicale qui est à l'origine de l'arrêt de la conduite des seniors ?
Non, plusieurs études convergentes montrent bien qu’un patient qui est en difficulté de conduite va souvent spontanément s’arrêter de conduire. Ou alors il va de lui-même adapter sa conduite à ses capacités : il va conduire moins longtemps, sur des routes plus rassurantes ou conduire plutôt la journée tout ça pour diminuer les difficultés qu’il peut rencontrer.
Dans la majorité des cas donc les personnes vont spontanément s’arrêter, peut-être parfois à tort. Donc finalement en consultation, on ne va s’intéresser qu’à une partie de ces personnes-là qui posent peut-être le plus de problèmes, je l’entends bien.
Pour les personnes qui ne s'arrêtent pas spontanément de conduire justement, comment évaluer en médecine générale leurs aptitudes à la conduite lorsque des difficultés apparaissent ?
L'évaluation est difficile parce que la conduite est une activité assez complexe. Il n'y a pas que l’aptitude elle-même. Il y a également les habitudes de conduite. Il y a des personnes qui ont conduit beaucoup toute leur vie et d’autres beaucoup moins : ils n’ont donc pas la même facilité à conduire.
Le rôle du médecin, c’est déjà dans un premier temps de savoir si le patient conduit et de connaître les activités de conduite qu’il a. Est-ce qu’il est sur une conduite utile, à savoir faire les courses ou rendre visite à ses enfants par exemple, avec des petits trajets ? Et s'il n'a jamais eu de soucis à prendre la voiture, le médecin peut alors se dire : je vais être en surveillance.
On n’est pas là pour faire de la sanction permanente mais plutôt de l'accompagnement et ça c’est un mot important pour un médecin généraliste. Et s’il a vraiment un doute sur le maintien de sa conduite, il peut conseiller à son patient d'aller consulter un médecin de la préfecture, tout cela dans le respect du secret médical.
Vous nous avez dit que les personnes âgées parfois s'arrêtent de conduire, mais « à tort ». Y-a-t-il donc des situations où leur médecin généraliste pourrait les inciter à continuer à conduire ?
C'est une question très délicate de savoir si on maintient la personne dans la conduite. J'ai tendance à dire que dans certains cas c'est important. Et parfois là encore, on peut surtout dire qu'on n'est pas obligé d'arrêter totalement de conduire. Peut-être qu'il est utile de rester en sécurité sur certains trajets bien maîtrisés.
Le médecin généraliste peut aussi conseiller aux personnes qui doutent de leurs capacités, un soutien de conduite automobile avec un professionnel en auto-école pour une réassurance et reprendre ses réflexes. Et il est important, en tout cas, lorsque quelqu'un arrête de conduire de s'assurer qu'il y a quand même des accès à une mobilité, ne serait-ce que par des moyens de transport. En effet, en cas de non mobilité la personne peut se retrouver dans une situation d'isolement social et familial.
La question de la conduite automobile des seniors est passionnante, et nous sommes loin d'en avoir fait le tour. Les printanières de la SFGG seront donc l'occasion d'en apprendre encore plus sur ce sujet courant en pratique mais rarement traité en formation. Un dernier mot pour les médecins qui nous lisent à propos de cet événement ?
J'ai envie de leur dire que c'est peut-être l'occasion de mieux comprendre comment ça se passe dans l'esprit des personnes lorsqu'on a 80 ans et qu'on a des pathologies. Car on aura des résultats d'enquête qui ont été fait auprès des usagers. On aura aussi une présentation de la voiture de demain, ainsi que des résultats inédits d'enquêtes auprès de nombreux professionnels sur le sujet : médecins généralistes, gériatres ou encore SAMU. En plus cette journée a lieu en distanciel donc on peut être chez soi et écouter avec la possibilité de réécouter à distance certaines cessions. Et malgré la distance, il y aura de l'interaction avec un tchat où les gens pourront poser des questions.
Ça donne envie en effet ! Je donne donc rendez-vous à tous nos lecteurs le 9 mars prochain pour cet événement incontournable en gériatrie.
Nous serons ravis de vous y accueillir !
Pour ceux qui ne sont pas encore inscrit, il est encore temps en cliquant sur ce lien