Hépatologie
Alcoolisme chronique : l'inflammation empêche la régénération du foie
Le foie est capable de se régénérer, mais la prise chronique d’alcool bloque ce processus, même après arrêt de la consommation en raison d'une inflammation qui dérègle la production de protéines.
- Pakawadee Wongjinda / istock
Le foie est connu pour sa capacité exceptionnelle à se régénérer. Pourtant, cette faculté disparaît chez les patients souffrant de maladies hépatiques liées à l’alcool, même après l’arrêt de la consommation.
Aux Etats-Unis, une équipe de chercheurs des universités de l’Illinois, Duke et du Chan Zuckerberg Biohub Chicago a percé un mystère jusque-là incompris : l’inflammation chronique empêche les cellules du foie de terminer leur cycle de régénération.
Les cellules du foie incapables de se regénérer
Dans leur étude publiée dans Nature Communications, les scientifiques expliquent que l’alcool perturbe la façon dont l’ARN est "assemblé" pour produire les protéines essentielles au fonctionnement des cellules. Ce processus de maturation, appelé "épissage", est déréglé dans les foies atteints d’hépatite ou de cirrhose alcoolique, bloquant les cellules entre leur état fonctionnel et régénératif. "Les cellules ne sont ni matures ni capables de se multiplier. Elles restent piégées dans un état transitoire inefficace, ce qui aggrave la défaillance hépatique", expliquent les chercheurs dans un communiqué.
Dans le détail, l’analyse des tissus a révélé une déficience en ESRP2, une protéine chargée d'assurer un épissage correct de l’ARN. "Les protéines produites ne sont pas absentes, mais mal dirigées dans la cellule, ce qui les empêche d’agir là où elles sont nécessaires." Chez la souris, la suppression du gène ESRP2 entraîne des anomalies hépatiques similaires à celles observées chez les patients humains, confirmant le rôle crucial de cette protéine.
Une piste thérapeutique prometteuse
Pourquoi ESRP2 disparaît-elle ? La réponse se trouve dans l’inflammation : les cellules immunitaires, attirées par les tissus hépatiques endommagés, libèrent des facteurs qui inhibent la production de cette protéine. En laboratoire, le blocage de ces récepteurs inflammatoires a ainsi permis de restaurer les niveaux d’ESRP2 et de corriger les erreurs d’épissage.
"Si l’on parvient à corriger ces défauts, on pourrait améliorer la récupération et éviter la transplantation", espèrent les scientifiques. Leurs travaux ouvrent la voie à de nouveaux marqueurs diagnostiques et à des traitements ciblant l'inflammation pour redonner au foie son pouvoir de régénération.











