Rhumatologie

Lombalgie chronique : une biothérapie anti-NGF réduit la douleur et le handicap

Dans la lombalgie chronique non-arthrosique, un anticorps anti-NGF réduit très significativement la douleur lombaire et améliore les capacités fonctionnelles. Son impact sur la progression de certaines arthroses est avéré.

  • Povozniuk/istock
  • 21 Juin 2020
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    Dans une étude de phase 3 randomisée chez des malades souffrant de lombalgie chronique non-arthrosique, le tanézumab, un anticorps monoclonal anti-NGF, à la dose de 10 mg sous-cutané toutes les 8 semaines, améliore significativement l’intensité de la douleur lombaire à la semaine 16 par rapport au placebo (différence moyenne de la douleur = -0,40 ; IC95% -0,76, -0,04 ; P=0,0281). L’étude est publiée dans la revue PAIN.

    Des résultats surprenants

    Le tanézumab 10 mg améliore de manière significative, non seulement le critère primaire de la douleur, mais aussi tous les principaux paramètres secondaires (Roland Morris Disability Questionnaire (RMDQ)…). La dose de 5 mg n’atteint pas la significativité sur le critère primaire.

    La proportion de patients avec une amélioration de l’intensité de la douleur lombaire d’au moins 50% à la semaine 16 est de 37,4 % dans le groupe placebo, de 43,3 % dans le groupe tanezumab 5 mg (OR versus placebo = 1,28 ; IC95% 0,97-1,70 ; p=0,0846) et de 46,3 % dans le groupe tanezumab 10 mg (OR versus placebo = 1,45 ; IC 95% 1,09-1,91 ; P=0,0101).

    Tolérance correcte

    En inhibant le Nerve Growth Factor (NGF), ce qui aboutit à réduire la neurogénèse, le tanézumab avait démontré son efficacité dans la réduction des douleurs d’arthrose des membres mais il y était associé à des cas d’aggravation rapide de l’arthrose.

    Les effets indésirables sont plus fréquents avec le tanézumab 10mg (2,6%) qu'avec le tanézumab 5mg (1,0%), le tramadol (0,2%) ou le placebo (0%). Surtout, 7 patients, tous dans le groupe tanézumab 10 mg (1,4%), ont dû recevoir une arthroplastie totale.

    Etude de phase 3

    Cette étude de phase 3 randomisée et en double aveugle (traitement de 56 semaines ; suivi de 24 semaines) a évalué le tanézumab chez des patients souffrant de lombalgies chroniques avec réponse inadéquate aux analgésiques standard.

    Les patients ont reçu un placebo, du tanézumab sous-cutané (5 mg ou 10 mg toutes les 8 semaines), ou du tramadol oral à libération prolongée (100-300mg/jour).

    Le critère d'évaluation principal était la variation de l'intensité de la douleur lombaire à la semaine 16 pour le tanézumab par rapport au placebo et le critère secondaire était la variation de la Roland Morris Disability Questionnaire.

    Un vrai changement

    Il s'agit de la première étude multicentrique qui montre un soulagement important, et sur le long terme, de la douleur de lombalgie chronique avec une dose de tanézumab administrée en sous-cutané, une fois tous les deux mois.

    D’après le Pr John Markman, directeur du programme de recherche translationnelle sur la douleur du département de neurochirurgie du centre médical de l'université de Rochester (URMC) et auteur principal de l'étude, il s’agit d’une « avancée majeure dans la recherche mondiale visant à développer des traitements non opiacés dans la douleur chronique. Il y a également eu des améliorations fonctionnelles liées à la réduction de la gravité de la douleur ».

    Le rôle du NGF

    Certaines protéines (médiateurs et neuromédiateurs) circulant dans le sang augmentent la sensibilité des cellules du système nerveux à la douleur et favorisent la néogénèse, y compris à l’intérieur d’un disque dégénératif.

    L'une de ces protéines, appelée nerve growth factor (NGF), ou facteur de croissance des nerfs, pourrait expliquer pourquoi certaines personnes souffrent de douleurs lombaires plus intenses et plus chroniques.

    Les résultats de cette étude peuvent être interprétés en faveur du rôle non-négligeable de la neurogénèse au cours de la lombalgie chronique d'origine discale.

    Des lombalgies chroniques d’origine discale

    Les patients souffrant de lombalgies chroniques qui ont participé à cette étude n'avaient pas été soulagés auparavant par au moins trois types d'analgésiques différents, dont des opioïdes, et étaient considérés comme « difficiles à traiter ».

    Les patients qui avaient des symptômes, des signes radiologiques d'arthrose modérée à sévère, un trouble fréquemment rencontré chez les patients âgés souffrant de lombalgies chroniques, ont été exclus de l'étude.

    Le tanézumab, 10 mg sous-cutané toutes les 8 semaines, améliore de manière significative la douleur et la fonction lombaire par rapport au placebo chez les patients souffrant de lombalgies chroniques difficiles à traiter. Le taux d'événements indésirable est faible, avec un profil différent de ceux liés aux AINS et aux opioïdes, mais 7 malades arthrosiques ont nécessité la pose d’une prothèse articulaire.

    En l’absence d’arthrose vertébrale et des membres, cette molécule peut constituer une étape intermédiaire entre les antalgiques, la rééducation et la chirurgie de fusion vertébrale, voire une alternative aux premiers en cas d‘intolérance aux AINS et aux opioïdes.

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