Cardiologie
Insuffisance cardiaque à FEVG réduite : quand utiliser un stimulateur de la guanylate cyclase soluble ?
Chez les patients avec insuffisance cardiaque à FEFV réduite (HFrEF), un stimulateur de la guanylate cyclase soluble n’abaisse pas systématiquement le critère composite « décès CV ou 1re hospitalisation » hors épisode récent d’aggravation, mais réduit la mortalité (CV et toutes causes) et, en méta-analyse individuelle, le composite global.

- Dragos Condrea/istock
La stimulation de la guanylate cyclase soluble (sGC) par le vériciguat complète les voies neuro-hormonales classiques de l’HFrEF. Dans VICTORIA (patients avec aggravation récente : hospitalisation ≤6 mois ou diurétiques IV ≤3 mois), le vériciguat réduit le critère primaire composite principalement via moins d’hospitalisations, sans effet net sur la mortalité CV. Les registres ont suggéré que 20–40 % des HFrEF contemporains rempliraient des critères proches, l’exigence d’une hospitalisation préalable étant le frein majeur.
L’étude VICTOR (n=6105 ambulatoires HFrEF sans aggravation récente, ARNI 57 %, iSGLT2 59 %; suivi médian 18,5 mois) n’atteint pas son critère primaire (HR 0,93 ; IC à 95 % 0,83–1,04 ; p=0,22), mais montre moins de décès CV (HR 0,83 ; 0,71–0,97) et de décès toutes causes (HR 0,84 ; 0,74–0,97), sans baisse significative des hospitalisations pour IC (HR 0,95 ; 0,82–1,10).
La méta-analyse préprogrammée VICTORIA+VICTOR (n=11 155) confirme un bénéfice modeste mais significatif sur le composite (HR 0,91 ; 0,85–0,98 ; p=0,0088), la mortalité CV (HR 0,89 ; 0,80–0,98 ; p=0,020) et toutes causes (HR 0,90 ; 0,82–0,99 ; p=0,025), avec un signal liminaire sur la première hospitalisation (HR 0,92 ; 0,84–1,00 ; p=0,043). Le bénéfice apparaît plus tôt pour les hospitalisations (~4 mois) que pour la mortalité CV (~8 mois), et semble plus marqué si le NT-proBNP de base est inférieur ou égal à 6000 pg/mL.
Un effet sur la mortalité sous quadrithérapie
Dans VICTOR, près de la moitié des malades n’avaient jamais été hospitalisés pour IC (47,5 %), et l’échantillon était diversifié (≈10–11 % de patients noirs, ≈10 % multiraciaux; 23,6 % de femmes; âge médian 68 ans), soutenant la généralisabilité. L’absence d’effet sur le critère primaire, alors que la mortalité recule, illustre la sensibilité des critères composites au ratio « hospitalisations/décès » (≈1,7:1 dans VICTOR vs 3,4:1 dans VICTORIA) et à la durée de suivi.
La tolérance est globalement favorable : événements indésirables graves 23,5 % sous vériciguat vs 24,6 % sous placebo ; hypotension symptomatique 11,3 % vs 9,2 % (évitable par titration prudente jusqu’à 10 mg/j).
Dans l’analyse combinée, aucun hétérogénéité inter-essais du traitement n’est mise en évidence, et le bénéfice semble concentré aux NT-proBNP intermédiaires (≤ 6000 pg/mL). Les hospitalisations baissent surtout chez les profils à risque « worsening », tandis que chez les ambulatoires stables l’effet se lit davantage sur la mortalité, possiblement via une amélioration progressive du couplage ventriculo-vasculaire. Ces résultats, obtenus en sus d’une quadrithérapie largement implémentée (IEC/ARA ou ARNI, bêtabloquant, ARM, iSGLT2), suggèrent un gain incrémental cliniquement pertinent bien que numériquement modeste.
Du worsening HF aux ambulatoires stables : vers une sélection phénotypique
VICTOR est un essai randomisé, en double aveugle, contrôlé contre placebo, mené dans 36 pays (2021–2023) chez des HFrEF FEVG ≤ 40 % sans aggravation récente ; VICTORIA (2016–2019) ciblait des patients à haut risque avec NT-proBNP élevé et une « worsening HF ». L’analyse individuelle présaisie agrège 11 155 patients couvrant un spectre de sévérité et de thérapeutiques de fond évolutives, ce qui renforce la validité externe mais impose de lire les composites à l’aune des différences de période, de risque de base et d’événements index. Des limites persistent : seulement 24 % de femmes dans chaque essai, différence des suivis et des pratiques, et endpoints secondaires de VICTOR à considérer comme nominaux puisque le primaire est négatif.
Selon un éditorial associé, le vériciguat apparaît comme une option additionnelle chez l’HFrEF symptomatique (NYHA II–IV) sous quadrithérapie optimisée, en particulier après aggravation récente ou lorsque l’hypotension et/oula maladie rénale chronique freinent l’intensification des autres classes. Une stratification par NT-proBNP (≤ 6000 pg/mL), la recherche de phénotypes avec dysfonction ventriculaire droite et atteinte vasculaire pulmonaire potentiellement réversible, et l’usage de schémas de titration attentifs pourraient maximiser le bénéfice. Les priorités de recherche incluent des essais pragmatiques sous quadrithérapie complète, avec analyses hiérarchisées privilégiant survie et statut de santé, des approches bayésiennes/poolées publiées concomitamment, et une phénotypage hémodynamique/omique pour définir les cibles répondantes.
Dans l’attente, l’intégration mesurée du vériciguat, au bon patient, au bon moment, constitue un levier supplémentaire pour réduire une mortalité encore substantielle sous traitement médical optimisé. À l’ère de la quadrithérapie, il s’impose comme option additionnelle chez des patients sélectionnés, surtout lorsque la pression artérielle ou la fonction rénale limitent l’intensification du traitement médical.