Psychiatrie

Dépression : la consommation de sodas en augmente le risque via une dysbiose

La consommation de sodas est associée au diagnostic de trouble dépressif majeur (TDM) et à une sévérité accrue de ses symptômes, avec un effet plus marqué chez les femmes. Une part de cette association semble médiée par une augmentation de l’abondance de la bactérie Eggerthellaiote dans le microbiote intestinal, suggérant un axe « sucres simples–microbiote–dépression » potentiellement modulable.

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  • 28 Septembre 2025
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    La consommation de boissons sucrées est en hausse dans le Monde et est associée à de multiples risques cardiométaboliques. Sur le versant psychiatriques, plusieurs études observationnelles ont relié les sodas à la survenue de symptômes dépressifs, mais peu ont abordé le trouble dépressif cliniquement diagnostiqué ni les mécanismes sous-jacents. Partant de l’hypothèse qu’un excès de sucres simples altère le microbiote intestinal et pourrait favoriser des profils bactériens associés au trouble dépressif majeur, cette étude multicentrique (Marburg–Münster) a exploré le lien entre sodas, dépression et composition du microbiote.

    Parmi 405 patients étiquetés TDM et 527 témoins (18–65 ans), la consommation de sodas prédisait le diagnostic de TDM (OR 1,081 ; IC à 95 % 1,008–1,159 ; p = 0,03) et la sévérité des symptômes (p < 0,001 ; ηp² 0,012), avec des effets plus prononcés chez les femmes (diagnostic : OR 1,167 ; IC à 95 % 1,054–1,292 ; p = 0,003 ; sévérité : p < 0,001 ; ηp² 0,036). Surtout, l’abondance de la bactérie Eggerthella dans le micribiote intestinal augmente avec la consommation de sodas chez les femmes, et une médiation statistiquement significative par Eggerthella expliquerait une fraction modeste mais robuste de l’association avec le TDM. L’étude est publiée dans le JAMA Psychiatry.

    Du soda à la dépression via une médiation microbiotique

    Au-delà de l’effet principal, l’analyse montre chez les femmes une association entre consommation de sodas et augmentation de l’abondance d’Eggerthella (p = 0,007 ; ηp² 0,017), sans signal parallèle pour Hungatella. La consommation serait liée à une baisse de l’alpha-diversité, témoignant d’un microbiote appauvri, bien que cette diversité globale ne soit pas directement corrélée au TDM. Les analyses de médiation ont confirmé le rôle d’Eggerthella dans le lien sodas–TDM (diagnostic : p = 0,011 ; sévérité : p = 0,005), expliquant respectivement 3,82 % et 5,00 % de l’effet total. Ces pourcentages, modestes en taille d’effet, sont plausibles dans un système multifactoriel où un médiateur « contrôlable » peut avoir un impact populationnel notable.

    Sur le plan mécanistique, des apports élevés en sucres simples favorisent des bactéries pro-inflammatoires, altèrent la barrière intestinale et réduisent la production d’acides gras à chaîne courte. La bactérie Eggerthella, régulièrement reliée au TDM, pourrait participer à une neuro-inflammation via des voies métaboliques (acétate, arginine) et la déplétion en tryptophane. L’étude discute le rôle possible d’édulcorants et conservateurs dans le déséquilibre microbien ; la granularité des données ne permettait pas de distinguer finement boissons sucrées et édulcorées, appelant des précisions ultérieures.

    De la preuve observationnelle aux leviers de pratique

    Il s’agit d’une étude transversale en vie réelle menée en Allemagne (2014–2018), incluant patients TDM et témoins recrutés en population générale et soins primaires. Les associations ont été évaluées par régressions multivariées et ANOVA, avec ajustements par site, niveau d’éducation, apports énergétiques, IMC et traitements associés. Les abondances bactériennes ont été analysées en contrôlant la taille de bibliothèque, et des modèles de médiation ont testé le rôle d’Eggerthella. La taille d’échantillon (n = 1269) et la caractérisation clinique renforcent la validité interne, mais la nature observationnelle interdit toute inférence causale ferme ; des biais de déclaration alimentaire (questionnaires de fréquence) et l’impossibilité de distinguer précisément sucres ajoutés et édulcorants limitent la généralisabilité.

    Selon les auteurs, ces données soutiennent l’intégration systématique d’un bref dépistage nutritionnel chez les patients dépressifs, la réduction des sodas comme mesure hygiéno-diététique à fort rapport coût-efficacité, et l’exploration d’approches adjuvantes ciblant le microbiote (nutrition raisonnée, fibres/ferments, pistes probiotiques à valider). Les priorités de recherche comprennent des essais randomisés pragmatiques manipulant l’apport en boissons sucrées/édulcorées, l’utilisation de suivis numériques et de mesures objectives (p. ex. glucose en continu), ainsi que des caractérisations « omiques » (shotgun, métatranscriptomique) pour confirmer la chaîne « sodas → Eggerthella → symptômes ».

    À l’échelle populationnelle, les résultats confortent des politiques de réduction de l’accessibilité et du marketing des sodas, en particulier pour les femmes et les sujets à risque métabolique, tout en surveillant les substitutions vers boissons édulcorées.

     

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