Psychiatrie

Dépression résistante : le bénéfice de la psilocybine est surestimé

Dans les essais randomisés sur la dépression résistante, les traitements contrôles montrent une efficacité anormalement basse face à la psilocybine. Lié à l'impossibilité d'un aveugle réel avec la psilocybine, ce biais peut conduire à une surestimation de son efficacité réelle.

  • 01 Aoû 2025
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    La psilocybine, traitement innovant de la dépression, se distingue par des effets rapides et importants sur les symptômes dépressifs. Toutefois, une méta-analyse récente met en évidence une anomalie : les résultats observés dans les groupes contrôles des essais évaluant la psilocybine sont systématiquement inférieurs à ceux obtenus avec les traitements contrôles dans les études sur les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS) ou l'eskétamine.

    Selon une méta-analyse publiée dans JAMA Network Open, les effets standardisés moyens (ESM) obtenus dans les groupes contrôles des essais sur la psilocybine (0,50) sont nettement inférieurs à ceux des essais ISRS (1,00) et d’eskétamine (1,12). Cette différence significative (p=0,005) suggère une surestimation potentielle des bénéfices réels de la psilocybine par rapport aux antidépresseurs conventionnels.

    Un biais potentiel dans les essais thérapeutiques sur la psilocybine

    Cette méta-analyse inclut 17 essais randomisés évaluant 4 essais sur la psilocybine (n=373), 2 sur l’eskétamine (n=573), et 11 sur les ISRS (n=4014). L’analyse des réponses selon l’échelle MADRS (Montgomery-Åsberg Depression Rating Scale) montre une amélioration plus modeste dans les bras contrôles des essais psilocybine, avec des taux de réponse inférieurs de 14 points de pourcentage comparés aux essais ISRS et de 23 points comparés aux essais eskétamine. En revanche, aucune différence significative n’est observée dans les bras actifs (psilocybine, ISRS, eskétamine).

    Les taux d'abandon sont similaires pour la psilocybine (5 % actif vs. 11 % contrôle) et l’eskétamine (12 % actif vs. 8 % contrôle), et nettement inférieurs aux taux des ISRS (32 % actif, 35 % contrôle), excluant ainsi la différence d'abandon comme facteur explicatif majeur. L'hypothèse principale évoquée est celle d’un biais d’aveugle (unblinding), potentiellement plus prononcé avec la psilocybine, administrée dans des conditions difficilement aveuglables en raison de son effet psychédélique immédiat.

    Des résultats divergents et des questions sur la validité du contrôle

    Ces résultats proviennent d'une méta-analyse rigoureuse de trois revues systématiques réalisées entre mars 2019 et décembre 2024, incluant exclusivement des essais contrôlés randomisés en double aveugle, d’une durée minimale de deux semaines. Malgré cette robustesse méthodologique, plusieurs biais subsistent.

    L’effet placebo particulier lié à la psilocybine, administrée en présence de professionnels de santé dans un contexte difficilement aveugle, peut induire une attente exacerbée chez les patients et les investigateurs. L'hétérogénéité temporelle et méthodologique des essais comparés (majorité des essais ISRS réalisés dans les années 80-90 versus essais psilocybine après 2020) représente également une limite notable, empêchant l’identification précise des causes du biais observé.

    Selon les auteurs, ces résultats appellent à une prudence accrue lors de l'interprétation de l'efficacité réelle de la psilocybine. Pour éviter ces biais à l'avenir, les recherches devraient systématiquement envisager l’emploi de multiples groupes contrôles et examiner les attentes des participants concernant ces groupes. Ces ajustements méthodologiques permettraient d’évaluer plus précisément la véritable efficacité clinique de la psilocybine dans la dépression résistante.

     

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    JDF