Psychiatrie

Cancer du sein et dépression : une étude de profils dynamique pour mieux prendre en charge les patientes

La trajectoire et la dynamique des dépressions chez les femmes atteintes de cancer du sein ont fait l’objet d’une étude française. Une approche innovante qui permet un pas vers un dépistage et une prise en charge plus personnalisés de cette pathologie touchant 10 à 25% des femmes atteintes de cancer du sein. 

  • jpm.foto/istock
  • 24 Avr 2022
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    Le risque de dépression est 5 fois plus élevé pour les femmes atteintes d'un cancer du sein par rapport à la population générale. Cela génère des conséquences en termes de tolérance et d'adhésion au traitement mais aussi de qualité et d'espérance de vie. Des chercheurs français ont réalisé une étude, publiée sur le JAMA Network Open, ayant pour but de caractériser les différentes trajectoires de dépression de ces patientes afin à terme de mieux identifier les personnes à risque et de mettre en place des prises en charge plus personnalisées.

    L'étude observationnelle prospective multicentrique a inclus 4803 femmes présentant un cancer du sein invasif stade I à III. La présence ou non d'une dépression était auto-évaluée par les patientes via la sous échelle HADS-D, échelle de 7 items, validée dans le contexte de cancer. L'évaluation était réalisée au moment du diagnostic puis à 4 moments après la fin du traitement primaire (3 à 6 mois, 12 mois, 36 mois et 60 mois). 

    Des groupes à risque intermédiaires identifiés pour la première fois

    Les chercheurs ont utilisé une modélisation spécifique appelée GBTM, une méthode statistique permettant « d'analyser les trajectoires et de délimiter des sous-populations distinctes ayant des trajectoires similaires ». Une trajectoire correspondant à la progression de valeurs longitudinales dans le temps (ici l'évolution du score de l'échelle HADS D pour chaque patiente).

    Ainsi six trajectoires de dépression du diagnostic à 3 ans après le traitement ont été identifiées : pas d'expression de symptômes (54,8%), aggravation intermédiaire (22,4%), amélioration intermédiaire (10%), rémission (5,4%), apparition différée (4,2%) et dépression stable (3,2%). Fait intéressant noté par les chercheurs : les 2 groupes « amélioration intermédiaire » et « aggravation intermédiaire », qui représentaient près d'un tiers du total des profils et étaient jusqu'alors peu décrits dans la littérature.

    Les résultats apportent ainsi un nouvel éclairage sur ces trajectoires moins contrastées mais fréquentes. Ils soulignent la nécessité de poursuivre les recherches dans ce domaine pour saisir au mieux les caractéristiques complexes qui définissent les différentes trajectoires dans ces groupes intermédiaires. L'application clinique étant à terme de pouvoir fournir les meilleurs soins de soutien à ces patientes qui pourront être identifiées à risque.

    Des facteurs explicatifs à rechercher précocement

    Les chercheurs ont ensuite recherché des facteurs explicatifs présents au diagnostic. Ainsi plusieurs facteurs appartenant aux domaines socio-économique, aux antécédents médicaux ou encore au style de vie étaient associés, bien qu'à des degrés différents, à la durée et à la gravité des dépressions. Parmi eux : les enfants à charge et de bas revenus, le stade du cancer et l'IMC, l'existence d'antécédents familiaux de cancer ou d'antécédents personnels psychiatriques, la consommation de tabac ou encore la présence de symptômes dépressifs ou de fatigue au moment du diagnostic.

    Ainsi comme l'expliquent les chercheurs « les résultats suggèrent qu'une attention particulière devrait être accordée à la recherche de ces facteurs dans le temps à partir du diagnostic [du cancer], et que les patientes affectées pourraient être identifiées précocement avec un protocole approprié et orientés vers des soins de soutien ».

    Vers une prise en charge plus personnalisée de la dépression chez les femmes atteintes de cancer du sein

    Ces résultats ouvrent la voie à d'autres recherches et à des évolutions des pratiques pour la prise en charge personnalisée de la dépression dans ce contexte particulièrement à risque, comme le soulignent les chercheurs.

    « Sous réserve de validation, cette étude constitue un premier pas important vers une prise en charge personnalisée des patientes atteintes de cancer du sein et présentant un risque de dépression ».

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    JDF