Rhumatologie
Lupus en rémission : peut-on réduire ou arrêter l’hydroxychloroquine ?
La poursuite du traitement par hydroxychloroquine, même lorsqu’un lupus érythémateux est en rémission ou a une très faible activité, est seule à même de limiter le risque de poussées, ce que la réduction ou à l'arrêt du traitement antipaludéen ne permet pas forcément.
- CarmenMurillo/istock
L'hydroxychloroquine est le traitement de fond pivot du lupus mais, après plusieurs années de rémission ou de faible activité de la maladie (Low Disease Activity ou LDA) sous traitement, les médecins et les patients envisagent souvent de réduire ou d'arrêter l’hydroxychloroquine, essentiellement afin d’en limiter la toxicité à long terme. Des poussées évolutives ont cependant été associées à cette stratégie, mais les chiffres restent flous.
Selon une nouvelle étude, présentée en session plénière du congrès annuel de l'American College of Rheumatology (ACR 2021) (Abstract 959), le risque de poussées de la maladie serait augmenté de 20% chez les lupiques en rémission qui ont réduit leur dose d'hydroxychloroquine et de 56% chez celles qui l'ont arrêté, par rapport aux malades en rémission qui ont continué à prendre une dose d'entretien.
La réduction est à risque
Globalement, le groupe qui a réduit son traitement par hydroxychloroquine après une moyenne de 3,4 ans de traitement a recensé 40 premières poussées pour 100 personnes-années, contre 31,9 dans le groupe maintien du traitement d'entretien. Les malades qui ont réduit l'hydroxychloroquine ont donc un risque ajusté de poussées 20% plus élevé que ceux qui ont poursuivi le traitement (HR ajusté = 1,2).
Cependant, lorsque l’on considère uniquement les personnes en rémission et qui ont arrêté leur traitement, et que l’on les compare à celles en rémission qui ont maintenu leur traitement, elles ont 2 fois plus de risque de poussée après réduction de leur dose d'hydroxychloroquine (HR ajusté = 2,14). Les différences sont moins nettes si les malades sont en Low Disease Activity.
L’arrêt de traitement est pire
Dans la cohorte interruption de l’hydroxychloroquine, après une moyenne de 4,2 ans de traitement, le nombre moyen de premières poussées pour 100 années-personnes est de 41,3 dans le groupe ayant arrêté l’hydroxychloroquine et de 30 dans le groupe ayant poursuivi ce traitement, ce qui se traduit par un risque de poussées 56% plus élevé pour les personnes ayant arrêté l’hydroxychloroquine par rapport aux patients ayant poursuivi ce traitement (HR ajusté = 1,56).
Si l'on considère uniquement le sous-groupe des patients en rémission, le risque de poussée est presque trois fois plus élevé s'ils arrêtent l’hydroxychloroquine par rapport à ceux qui continuent à prendre une dose d'entretien (HR ajusté = 2,77). Les différences sont moins nettes si les malades sont en Low Disease Activity.
Une vaste étude de cohorte
Pour cette étude, les chercheurs ont analysé les données prospectives des 1 460 malades avec un lupus incident de la cohorte SLICC (Systemic Lupus Erythematosus International Collaborating Clinics), sur 33 sites en Europe, en Asie et en Amérique du Nord. Les patients de cette cohorte font l'objet d'un suivi annuel après leur inclusion dans les 15 mois suivant leur diagnostic. La population étudiée est composée à 89% de femmes et à 52% de caucasiens.
Tous les participants ont une faible activité de la maladie (LDA), définie par un score de 4 ou moins à l'indice d'activité de la maladie du lupus érythémateux systémique 2000 (SLEDAI-2K) et/ou par une dose de prednisone ne dépassant pas 7,5 mg/jour, ou sont en rémission complète, définie par un score de 0 au SLEDAI-2K et ne recevaient aucun traitement, en particulier pas de prednisone ou pas d’immunosuppresseur au cours de l'année précédant l’analyse.
Le paradigme de l'ophtalmologie
Le risque d'accumulation rétinienne du médicament et de toxicité oculaire augmente classiquement avec la durée du traitement. Les recommandations actuelles de l'American Association of Ophtalmology (AAO) sont donc de dire que le risque de rétinopathie est plus élevé chez les patients prenant plus de 5 mg/kg d'hydroxychloroquine ou l’ayant utilisé pendant plus de 10 ans.
Dans l’étude SLICC, les auteurs ont estimé que 5% des patients auraient réduit leur traitement par hydroxychloroquine à la suite des recommandations de l'American Association of Ophtalmology, 55% en raison d'une faible activité de la maladie, et le reste (40%) pour d'autres raisons (peut-être une intolérance ou la préférence du patient) (Abstract 1161).
Avec l'amélioration de la survie des patients et l'augmentation de la fréquence des comorbidités, en particulier de l'insuffisance rénale (qui affecte la clairance de l’hydroxychloroquine), le rapport efficacité/toxicité de ce traitement peut donc se réduire chez les malades âgés. Or, au vu des résultats de cette étude observationnelle, la réduction du traitement ou son interruption n’est pas vraiment à l’ordre du jour, au moins tant qu’il n’y aura pas de traitement plus efficace des complications de cette maladie.








