Pneumologie
Asthme et allergies : bénéfice du renforcement de l’immunité innée par l’environnement
Contrairement à une communauté génétiquement très proche, les enfants Amish souffrent beaucoup moins d'asthme et d’allergie. Un bénéfice à mettre sur le compte d’un renforcement de l’immunité innée lié à la présence d'animaux dans leur environnement.
- Shinya Suzuki/Flickr
Au cours des dernières décennies, les allergies et l’asthme ont augmenté de manière exponentielle. Les causes de ces pathologies allergiques sont encore méconnues, mais on sait que la génétique et l’environnement peuvent jouer un rôle. Des travaux réalisés en Suisse avaient montré que les enfants élevés à la ferme et exposés quotidiennement au bétail étaient protégés de ces maladies allergiques par rapport aux enfant du même village mais ne travaillant pas à la ferme.
La comparaison de 2 populations très proches
Une théorie hygiéniste confirmée et mieux expliquée par des travaux réalisés au sein de 2 communautés rurales génétiquement très proches, les Amish et les Huttérites, mais différant seulement par le mode d’agriculture.
La prévalence de l’asthme est beaucoup plus faible chez les enfants Amish et cette protection pourrait être conférée par un système immunitaire « éduqué » au contact des animaux domestiques. C’est ce qui ressort d’une étude comparative publiée dans le New England Journal Medicine.
Une différence liée aux animaux
Ces deux communautés anabaptistes, les Amish et les Huttérites, vivent éloignées du monde moderne depuis leur création au 17ème siècle, en Alsace et en Allemagne.
Etablis aux Etats-Unis depuis plus de 200 ans, les Amish et les Huttérites sont depuis toujours des agriculteurs et des éleveurs de bétail. Mais au fil du temps, leurs pratiques agricoles se sont nettement différenciées : les Amish continuent à cultiver la terre à l’aide de chevaux, alors que les Huttérites ont opté pour la modernité.
L’éducation des enfants est également différente : tandis que les enfants Amish se lèvent à l’aube pour nourrir les bêtes, nettoyer l’étable et qu’ils jouent pieds-nus près des animaux, les enfants huttérites ne sont pas tenus d’exécuter ces tâches.
Un rôle prédominant de l’environnement
Pour comprendre l’impact de l’environnement sur le développement des allergies et de l’asthme, les chercheurs de l’Université de l’Arizona et de Chicago (Etats-Unis) ont donc suivis 60 enfants de 7 à 14 ans au sein de ces 2 communautés. Sur les 30 enfants Amish, aucun ne souffre d’asthme, contre 6 chez les Huttérites.
L’analyse des prélèvements sanguins révèle que les enfants Amish ont un système immunitaire beaucoup plus diversifié, et un nombre plus importants de globules blancs, leur permettant de mieux réagir à un plus grand nombre d’agents pathogènes. En outre, les tests génétiques confirment que les patrimoines génétiques de ces deux communautés sont remarquablement proches, du fait qu'ils partagent un ancêtre européen commun et que les mariages mixtes sont rares.
L’environnement Amish serait protecteur
Les scientifiques ont réalisé des prélèvements dans 20 maisons Amish et Huttérittes. Des allergènes fréquents comme les poils de chat, de chiens ou la présence d’acarien dans la poussière sont retrouvé dans 40 % des maisons Amish contre seulement 10% des maisons Huttérites. Par ailleurs, la concentration d’endotoxine est 6,8 fois supérieure dans les maisons Amish. La composition microbienne entre les foyers est également très différente.
Selon les chercheurs, les conditions de vie des enfants Amish ont façonné leur immunité innée – la première ligne de défense de l’organisme active dès la naissance - la rendant beaucoup plus efficace, ce qui est in fine, associé à une réduction des allergies et de l’asthme.
Un micro-organisme protecteur dans l’environnement
Une hypothèse confirmée dans un modèle souris asthmatiques qui ont été exposés aux poussières prélevées dans les maisons. Après avoir inhalé des poussières prélevées dans les maisons amish, les cobayes n’ont pas présenté de symptômes allergiques ou asthmatiques, tandis que les échantillons collectés chez les Huttérites ont provoqué une réaction allergique respiratoire.
Les chercheurs suggèrent ainsi qu’un micro-organisme (bactérie ou moisissures), encore inconnu, mais présent dans les maisons Amish, jouerait un rôle protecteur vis-à-vis de l’asthme et de l’allergie, en stimulant l’immunité innée. Mais ils ignorent encore combien de temps les enfants doivent être exposés à ce germe pour être protégés et il se pourrait même que la protection se mette en place plus tôt.
Ces résultats montrent que les différences dans la prévalence de l’asthme ne sont pas attribuables à la seule génétique, et suggèrent un rôle prépondérant de l’environnement à un âge précoce, vraisemblablement au moment de l’éducation du système immunitaire, et en particulier du système immunitaire inné.











