Psychologie

Et si éviter le regard était un signe précoce d’anxiété chez les adolescentes ?

Les jeunes filles qui ont tendance à éviter les regards et les commentaires négatifs, ont un risque accru de souffrir d’anxiété.

  • Visions/istock
  • 08 Octobre 2025
  • A A

    L’anxiété semble être un mal grandissant dans notre société. Il a d’ailleurs été l’objet de nombreuses études, ces dernières années. Il a été démontré par exemple que les adultes qui soutiennent le regard d’une personne affichant un expression négative, étaient plus susceptibles de devenir angoissé.

    Selon les travaux de l’université du Kansas parus dans la revue Journal of Anxiety Disorders, ce phénomène ne s’observe pas chez les adolescentes. Cela serait même quasiment l’inverse. Les jeunes filles qui évitent les feedbacks négatifs, présentaient plus de risque de souffrir d’anxiété que les autres.

    Les jeunes femmes qui évitent les regards sont plus anxieuses

    Pour mieux comprendre l’origine de l’anxiété chez les adolescentes, les chercheurs ont réuni 90 filles de 13 à 15 ans et les ont suivies pendant trois ans.

    "Pour cette étude, nous nous sommes concentrés sur ce que nous appelons la tâche d'attention", explique Kristy Allen de l'Université du Kansas dans un communiqué. "Nous demandons aux participantes d'imaginer qu'elles auditionnent pour une émission de téléréalité pour enfants et qu’elles doivent nous convaincre d’être choisies. Nous ne leur accordons que deux minutes pour préparer un discours de deux minutes, ce qui est intentionnel : il est difficile de se préparer sous une telle pression temporelle. L'objectif est de créer une situation stressante afin d'observer l'impact sur leur attention", indique l’experte.

    Les jeunes volontaires présentaient leur discours devant deux “juges”. L’un avait pour consigne d’adopter une attitude positive. Ainsi, toutes les 10 secondes, il exécutait une action non-verbale encourageante comme sourire, hocher la tête ou donner un retour positif et chaleureux. L’autre avait le rôle du "juge potentiellement critique". Il gardait une expression neutre tout au long de l'exercice. "Pas de sourire, pas de froncement de sourcils, pas d'air dégoûté, juste une attitude neutre", précise Kristy Allen. "Mais dans une situation stressante comme un discours, même la neutralité peut paraître négative ou critique." Pendant cette audition fictive, toutes les adolescentes portaient également des lunettes enregistrant les mouvements de leurs yeux.

    Améliorer la prise en charge de l'anxiété

    L'analyse des enregistrements et des données recueillies a démontré que les jeunes filles qui ont évité de regarder les juges potentiellement négatifs lors de leurs discours, ont montré la plus grande augmentation des symptômes d'anxiété au terme des 3 ans de suivi.

    "Contrairement à nos hypothèses, les adolescentes qui ont évité, initialement et durablement, les réactions sociales potentiellement critiques ont déclaré une anxiété plus importante trois ans plus tard, après contrôle des symptômes anxieux initiaux. Ces résultats soulignent l'importance de l'évitement dans des situations réelles de menace sociale comme facteur contribuant à l'anxiété et à son maintien", concluent les auteurs dans leur article scientifique. Ils soulignent qu’une meilleure connaissance des facteurs de risque et des signes de l’anxiété permettrait d'améliorer la prise en charge de ce trouble.

    Et si l’anxiété était aussi une transmission intergénérationnelle ?

    Pour les chercheurs, l’effet observé entre les feedback critiques et la hausse de l’anxiété des adolescentes, ne s'arrêterait pas à la sphère intra-personnelle. Ils travaillent désormais sur le poids des réactions maternelles.

    "Nous avions des mères dans la pièce avec leurs filles adolescentes, explique la scientifique. Les mamans portaient également des lunettes de suivi oculaire afin que nous puissions surveiller la façon dont elles s'occupaient des menaces potentielles et comment cette attention pourrait façonner leurs interactions avec leur enfant. Les mères ont en fait aidé leurs filles à se préparer pour la tâche. Notre hypothèse est que les mères qui sont plus vigilantes face aux menaces peuvent aborder les situations stressantes d'une manière qui les rend encore plus stressantes pour leur enfant. Par exemple, ils pourraient essayer de prendre en charge la tâche plutôt que de donner à leur enfant l'autonomie de la travailler lui-même." Les données sont en cours d’analyse. L’étude pourrait ensuite se poursuivre avec les pères des jeunes filles.

    "Un grand objectif de mes recherches est d'examiner la transmission intergénérationnelle de l'anxiété - en essayant vraiment de comprendre pourquoi l'anxiété a tendance à se regrouper dans les familles", précise Kristy Allen. "Bien que la génétique soit certainement importante, les facteurs environnementaux représentent en fait davantage cet effet."

    Pour laisser un commentaire, Connectez-vous par ici.