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Voici pourquoi on compte peu de cancers chez les patients Alzheimer

Depuis plusieurs décennies, les chercheurs observent un paradoxe : les personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer présentent un risque bien plus faible de développer un cancer. Une partie de l'explication de ce mystère vient d’être dévoilée.

  • digicomphoto / istock
  • 09 Octobre 2025
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    A première vue, tout oppose Alzheimer et cancer. L’un détruit la mémoire, l’autre ronge le corps. Pourtant, une étude menée par le Hollings Cancer Center de l'Université médicale de Caroline du Sud (MUSC) révèle un lien biologique étonnant entre les deux : les personnes atteintes d’Alzheimer seraient 21 fois moins susceptibles de développer un cancer. Une découverte, publiée dans la revue Cancer Research, qui ouvre la voie à de nouvelles stratégies thérapeutiques.

    Le paradoxe Alzheimer-cancer confirmé

    L’équipe du Dr Besim Ogretmen a identifié une protéine clé dans ce paradoxe : l’amyloïde bêta, impliquée dans la dégénérescence des neurones caractéristique de la maladie. Dans le cerveau, elle empêche l’élimination des mitochondries endommagées (un processus de nettoyage appelé mitophagie), favorisant ainsi l’accumulation de toxines et la dégradation des fonctions cognitives. Mais dans les cellules immunitaires, l’effet est tout autre.

    "Ce même peptide amyloïde qui est nuisible pour les neurones s’avère bénéfique pour les lymphocytes T [de la réponse immunitaire]", explique le Dr Ogretmen dans un communiqué. En bloquant la mitophagie, l’amyloïde bêta permet aux cellules T de préserver leur énergie et de renforcer leur capacité à combattre les cellules tumorales.

    L’équipe de chercheurs a démontré que les lymphocytes T issus de modèles de souris souffrant d’Alzheimer étaient plus efficaces contre les tumeurs. En les transférant à des rongeurs non atteints, les chercheurs ont observé un ralentissement significatif de la croissance des cancers. "Les cellules T âgées ont recommencé à fonctionner comme des cellules jeunes", résument-ils.

    Vers une nouvelle génération de traitements

    Autre acteur clé de ce mécanisme : le fumarate. Cette molécule, essentielle au bon fonctionnement des mitochondries, régule la mitophagie. Chez les cellules T âgées, sa diminution entraîne une perte accélérée des mitochondries. En administrant du fumarate ou des mitochondries saines, les chercheurs ont pu restaurer la vitalité des cellules immunitaires et renforcer leur action anticancéreuse. Les cellules, comme rajeunies, redevenaient actives face aux tumeurs.

    Ces résultats, observables aussi chez des sujets humains selon l’étude, offrent une explication au paradoxe Alzheimer-cancer, mais surtout des pistes thérapeutiques concrètes : recharger les cellules immunitaires vieillissantes par des transplantations mitochondriales ou maintenir les niveaux de fumarate pour renforcer les défenses contre le cancer. "C’est une manière totalement nouvelle de penser le rajeunissement du système immunitaire", conclut Ogretmen.

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