Septembre Rouge

Cancer du sang : “si une fatigue perdure depuis 1 mois, il ne faut pas hésiter à faire une prise de sang”

En cette dernière journée de septembre rouge, opération de sensibilisation et de prévention des cancers du sang, l’hématologue Dr Nathalie Chéron a détaillé à Pourquoi Docteur les signes et les facteurs de risque de ces pathologies.

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  • 30 Septembre 2025
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    Le mois de septembre n’est pas uniquement le mois de la rentrée et de l’automne, c’est également le mois de la sensibilisation aux cancers du sang. Cette opération, baptisée Septembre rouge, vise à promouvoir les dons de moelle osseuse et de sang mais aussi à faire connaître les 3 grandes familles des cancers hématologiques : les leucémies, les lymphomes et le myélome. À cette occasion, la Dr Nathalie Chéron, hématologue au Centre Hospitalier de Bligny répond à nos questions sur ces maladies qui touchent environ 45.000 personnes en France par an.

    - Pourquoi docteur : Leucémie, lymphome, myélome… Ce sont des termes que le grand public a déjà entendus, mais il connaît finalement assez mal ces différents cancers du sang ? Qu’est-ce qui les distingue ?

    Dr Nathalie Chéron : La première chose à savoir : c’est qu’il n’y a pas une leucémie et un lymphome, il y en a plusieurs. Les lymphomes qui sont des tumeurs situées dans les ganglions, sont les plus fréquents. On distingue les lymphomes de type T, les lymphomes de type B, les lymphomes de bas grade, les lymphomes de haut grade. On enregistre près de 20.000 nouveaux cas par an en France, dont 1.000 jeunes à peu près. Cela représente près de 40 % des cancers du sang. Il est également le cinquième cancer le plus fréquent, tout âge confondu.

    Il y a aussi le myélome qui touche des globules blancs appelés plasmocytes. Ce cancer du sang est surtout observé chez les personnes de plus de 70 ans.

    Pour les leucémies qui correspondent à une prolifération anormale de cellules jeunes ou matures dans la moelle osseuse, environ 10.000 personnes sont diagnostiquées avec cette maladie chaque année. Il y a quatre principaux types : la leucémie lymphoblastique aiguë, la leucémie myéloïde aiguë, la leucémie lymphoïde chronique et la leucémie myéloïde chronique.

    Avant la leucémie, il peut y avoir un syndrome myélodysplasique. C’est-à-dire un dysfonctionnement de la moelle. On en compte approximativement 500 par an. Toutefois, cela augmente notamment en raison du vieillissement de la population. La progression est de plus de 1 % par an.

    Quand j'ai commencé ma carrière – il y a une quarantaine d'années – je ne voyais que des myélomes du sujet âgé, soit à partir de 65/70 ans. Mais aujourd’hui, un cas sur trois a moins de 65 ans. C’est inquiétant : la population des patients s'est rajeunie dans toutes ces maladies du sang.

    "Il faut avoir la prise de sang facile face à une fatigue, des ganglions, des douleurs lombaires"

    Quels sont les signes qui doivent alerter et amener à consulter ?

    S’il y a une fatigue anormale, il ne faut pas hésiter à consulter. La fatigue est, en effet, un symptôme très fréquent dans le cancer du sang. Bien sûr, nous sommes nombreux en 2025 à nous sentir fatigués, mais si la fatigue perdure depuis 1 mois, il ne faut pas hésiter à faire une prise de sang. Ce symptôme trahit surtout les leucémies.

    Pour les lymphomes, ce sont les ganglions qui doivent alerter. Dans ce cas, c'est une prise de sang ainsi qu’une biopsie du ganglion qui permettent de poser le diagnostic.

    Il est bon aussi d’être très vigilant avec une lombalgie persistante. Là, cela peut faire penser à un myélome.

    En fait, il faut avoir la prise de sang facile face à une fatigue, des ganglions, des douleurs lombaires, mais aussi une anémie, une dyspnée et un essoufflement. Une personne qui fait du vélo et qui remarque qu'elle est plus essoufflée que d'habitude, elle doit consulter par exemple.

    - D’autres symptômes peuvent révéler un cancer du sang ?

    La fièvre peut aussi être un signe de cancer hématologique. Le plus souvent, il s'agit d’une fièvre vespérale. C’est-à-dire qu’elle survient la nuit. Il est possible qu’elle soit accompagnée de sueurs nocturnes. Un amaigrissement sans régime et sans changement dans votre alimentation doit alerter. Tout comme la perte d’appétit : ça peut être un syndrome dépressif, bien sûr, mais cela peut également être un symptôme de lymphome ou de leucémie.

    "Un dépistage généralisé comme celui du cancer du sein n’aurait pas vraiment d'intérêt"

    - Est-ce qu’il serait intéressant pour la prévention de la maladie de mettre en place un dépistage généralisé comme pour le cancer du sein ou le cancer colorectal ?

    Ça ne serait pas pertinent. Pour le cancer du sein, il y a des marqueurs particuliers à surveiller, ce n’est pas le cas avec le cancer du sang. Il faut être vigilant face à l’apparition des symptômes comme la fatigue, les douleurs ou la fièvre. Il ne faut pas hésiter à consulter, si vous avez des ganglions ou encore des douleurs lombaires. Mais en l’absence de marqueur spécifique, un dépistage généralisé, comme celui du cancer du sein, n’aurait pas vraiment d'intérêt.

    Dépistage du cancer du sang : "On manque de médecins, mais aussi de biologistes, malheureusement"

    - Le diagnostic de cancer du sang arrive combien de temps après la prise de sang de dépistage ?

    Vous soulevez un vrai problème avec cette question. Avant, si la prise de sang était réalisée le matin, nous pouvions avoir un résultat en fin de matinée. Mais depuis le regroupement de tous les laboratoires hospitaliers, c’est plus compliqué. On a souvent les résultats le soir.

    J’ai eu le cas récemment avec un jeune patient. Sa prise de sang a été faite à 10 heures du matin, nous avons eu les résultats à 19 heures. À cette heure-là, vous ne pouvez pas appeler le patient en disant ‘venez me voir tout de suite’, et vous ne pouvez pas non plus lui annoncer une leucémie par téléphone. Il a donc fallu attendre le lendemain pour lui donner son diagnostic et répondre à ses questions… alors que cela aurait dû être dans la journée.

    Mais, ces délais d’analyse de plus en plus longs, au-delà du regroupement des laboratoires, sont aussi liés au sous-effectif. On manque de médecins, mais aussi de biologistes, malheureusement.

    "Certains lymphomes peuvent être déclarés en maladie professionnelle"

    - Quels sont les facteurs de risque des cancers du sang ?

    Dr Nathalie Chéron : Nous ne connaissons pas encore tous les facteurs de risque. Cependant, il y a l’âge ainsi qu’énormément de facteurs environnementaux comme l'exposition à certaines substances chimiques (benzène, colle, peinture…). Par exemple, il a été démontré que le chlordécone, pesticide qui a été utilisé de très nombreuses années dans les bananeraies antillaises, est responsable de cancers du sang et de la prostate en Martinique et en Guadeloupe.

    Vous avez des professions à risque : les agriculteurs qui sont exposés aux insecticides, aux pesticides, aux herbicides, les imprimeurs qui sont en contact avec les encres ou encore les carrossiers à cause des peintures…. Selon l’exposition, certains lymphomes peuvent être déclarés en maladie professionnelle d’ailleurs.

    Les cancers du sang liés à l’hérédité sont très rares, mais cela existe. En quarante ans de carrière, j’ai vu deux familles à myélomes, 3 familles à lymphomes et 4 familles à leucémie aiguë. C’est rare, mais il ne faut pas oublier ce risque pour autant. Pour ces familles à cancers hématologiques, il est conseillé de faire une consultation d’oncogénétique.

    Lymphome, Leucémie : "Les traitements évoluent à vitesse grand V"

    - Comment sont traités les cancers du sang aujourd’hui ?

    Les traitements évoluent à vitesse grand V. Il y a bien sûr la chimiothérapie qui est toujours d’actualité, et l’immunothérapie. Dans les nouveaux traitements, nous avons l’allogreffe pour les patients qui ont une leucémie aiguë, mais le plus prometteur est le traitement par CAR-T cells.

    Utilisé depuis 2019, ce traitement est révolutionnaire en hématologie. Il est essentiellement utilisé pour les lymphomes et est totalement personnalisé. La première étape est de prélever les lymphocytes T du patient. Ils sont ensuite modifiés génétiquement pour leur donner la capacité d’agir contre les cellules cancéreuses, puis ils sont réinjectés aux patients. C’est un processus long, complexe et onéreux. Toutefois, ce traitement a vraiment fait preuve de son efficacité dans les lymphomes de haut grade. Une seule injection peut donner des réponses de 80 % pour les lymphomes de haut grade.

    Il est surtout prescrit pour les lymphomes actuellement, mais son usage devrait être progressivement étendu aux leucémies aiguës lymphoblastiques, et peut-être même à d’autres pathologies hématologiques. Le traitement par CAR-T cells est vraiment porteur d'espoir dans notre discipline.

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