Cerveau

Démence à corps de Lewy : l’exposition chronique aux particules fines en cause ?

Chez des souris, la pollution atmosphérique peut déclencher la formation d'une souche unique d'agrégats de protéines αSyn, semblable à celles observées dans la démence à corps de Lewy.

  • Puneet Verma/iStock
  • 07 Septembre 2025
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    La démence à corps de Lewy est une maladie neurodégénérative dévastatrice et de plus en plus répandue. "Les particules fines de diamètre inférieur à 2,5 µm (PM2,5), provenant de l'activité industrielle, des incendies résidentiels, des feux de forêt et des gaz d'échappement des véhicules, sont un facteur de risque général de démence reconnu. Cependant, leur rôle spécifique dans le déclenchement de maladie, notamment sa trajectoire pathologique distincte par rapport à la maladie de Parkinson, reste non analysé", selon des chercheurs de Johns Hopkins Medicine (États-Unis). C’est pourquoi ils ont, dans une nouvelle étude, examiné ce lien.

    L’exposition aux PM2,5 favorise la formation d'amas anormaux d'alpha-synucléine

    Pour mener à bien les travaux, parus dans la revue Science, l’équipe a passé en revue les données hospitalières de 56,5 millions d’adultes américains admis entre 2000 et 2014 pour des maladies neurodégénératives. Elle s'est concentrée sur les patients hospitalisés pour la première fois pour une démence à corps de Lewy et a utilisé les données de leur code postal pour estimer leur exposition à long terme aux PM2,5. Selon les résultats, une exposition chronique aux PM2,5 était significativement associée aux premières hospitalisations pour l'accumulation anormale d'une protéine, l'alpha-synucléine (αSyn), dans le cerveau. Pour rappel, ces amas sont caractéristiques de la maladie de Parkinson et de la démence à corps de Lewy. Dans le détail, chaque augmentation de la concentration de PM2,5 dans les quartiers entraînait une hausse de 17 % du risque de démence liée à la maladie de Parkinson et de 12 % du risque de démence à corps de Lewy.

    Démence à corps de Lewy : la protéine alpha-synucléine, "un médiateur de la neurotoxicité environnementale"

    Afin d’en savoir plus sur la raison biologique de cette association entre l'exposition aux PM2,5 et la démence à corps de Lewy, les auteurs ont exposé des souris normales et des souris génétiquement modifiées dépourvues de la protéine alpha-synucléine à la pollution par les PM2,5 tous les deux jours pendant dix mois. Chez les souris normales, l’exposition chronique à ces particules a induit une atrophie cérébrale, une mort cellulaire, des déficits cognitifs et la formation d’amas anormaux d'alpha-synucléine généralisée dans le cerveau et les organes périphériques (intestin, poumons), ainsi qu'une pathologie tau concomitante. Ces symptômes sont similaires à ceux de la démence à corps de Lewy. En revanche, "l'ablation génétique d'αSyn a conféré une forte protection contre ces effets néfastes induits par les PM2,5, établissant clairement la protéine alpha-synucléine comme un médiateur important de cette neurotoxicité environnementale."

    La pollution de l’air cause des modifications de l'expression génétique liées à des maladies neurodégénératives

    Enfin, dans une troisième analyse plus poussée, les scientifiques ont étudié des souris présentant une mutation génétique humaine (hA53T) liée à la maladie de Parkinson à début précoce. Après cinq mois d’exposition aux PM2,5, ces animaux ont développé des poches étendues d’alpha-synucléine et ont connu un déclin cognitif. "Observées par des analyses biophysiques et biochimiques, ces amas de protéines étaient structurellement distincts de ceux qui se forment au cours du vieillissement naturel." Autre constat : les souris exposées à des échantillons distincts de PM2,5 provenant de Chine, d’Europe et des États-Unis entraînaient des modifications cérébrales et le développement de poches d’alpha-synucléine similaires. "Cela suggère que les effets nocifs des PM2,5 pourraient être globalement identiques dans différentes régions", a expliqué Haiqing Liu, qui a dirigé les recherches.

    D’après l’équipe, les modifications de l'expression génétique dans le cerveau des souris exposées aux PM2,5 étaient similaires à celles observées chez les êtres humains atteints de démence à corps de Lewy. Elle estime que si les facteurs génétiques jouent un rôle important dans les maladies neurodégénératives, il est potentiellement possible contrôler son exposition à la pollution. "Notre prochain objectif est de déterminer quels composants spécifiques de la pollution atmosphérique sont à l'origine de ces effets. (…) Nous espérons inciter les chercheurs à mener des études épidémiologiques et moléculaires axées sur les sous-types de démence liés aux corps de Lewy", ont conclu les scientifiques.

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