Gynécologie / santé des femmes
Cancer de l’ovaire : ce que chaque femme devrait savoir
Le Journal of the American Medical Association (JAMA) consacre un épisode de son podcast JAMA Clinical Reviews au cancer de l’ovaire.

- Par Youssra Khoummam
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Animé par la Dre Margaret Wheeler, professeure émérite à l’Université de Californie à San Francisco et rédactrice associée au JAMA, cet épisode met en lumière les dernières connaissances cliniques sur ce cancer silencieux. À ses côtés, les Drs William Cliby (gynécologue-oncologue) et John Weroha (oncologue médical), tous deux experts au sein de la Mayo Clinic à Rochester (Minnesota), décryptent leur revue récemment publiée dans JAMA sur le sujet.
Un cancer fréquent, aux symptômes trompeurs
Le cancer de l’ovaire est la cinquième cause de mortalité par cancer chez les femmes aux États-Unis, et la huitième à l’échelle mondiale. Malgré une incidence annuelle modérée (environ 22.000 cas aux USA), sa mortalité est très élevée, comparable à celle du cancer du pancréas.
La principale crainte : son diagnostic tardif. Les symptômes initiaux — ballonnements abdominaux, satiété précoce, constipation persistante — sont fréquents et peu spécifiques, souvent attribués à des troubles digestifs banals. Le Dr Weroha souligne que nombre de patientes sont traitées pour une "simple constipation" avant qu’un scanner abdominal ne révèle une maladie déjà avancée : « Connaître les antécédents familiaux de vos patientes et être attentif aux symptômes abdominaux persistants, même banals, peut faire toute la différence. » Pas de test de dépistage fiable à ce jour, rappellent les experts. Ni le dosage du CA-125 ni l’échographie pelvienne ne permettent de détecter précocement les formes agressives. Ce sont les symptômes persistants qui restent le meilleur indicateur. En revanche, une anamnèse familiale approfondie peut changer la donne. Environ 25 % des patientes présentent un facteur de risque génétique ou familial, comme une mutation BRCA. Chez ces femmes, une chirurgie prophylactique (ablation des trompes et ovaires) peut réduire drastiquement le risque (de 30–80 % à seulement 5 %). Le Dr Cliby rappelle que beaucoup de patientes découvrent leur prédisposition après le diagnostic.Le dépistage du cancer de l’ovaire reste encore inexistant…
Quels examens cliniques et imageries en cas de cancer de l’ovaire ?
Face à des symptômes abdominaux persistants, les cliniciens sont invités à effectuer :
- Une échographie pelvienne,
- Un dosage de CA-125 et CEA,
- Une examen pelvien attentif,
- Un scanner abdominopelvien en cas de doute,
- Une prise de l’histoire familiale élargie (cancers du sein, ovaires, utérus, côlon).
Selon les spécialistes, une collaboration rapide avec un gynécologue ou un oncologue est recommandée dès les premiers signes d'anomalie à l’imagerie.
Les traitements et nouvelles armes thérapeutiques contre ce cancer
Le traitement repose sur la chirurgie (souvent lourde et étendue) et la chimiothérapie. L’objectif est la réduction maximale de la masse tumorale, appelée cytoreduction ou debulking, associée à un meilleur pronostic lorsqu’elle est complète et réalisée dans un centre expert.
Dans les cas avancés, la séquence peut varier : chimiothérapie néoadjuvante suivie d’une chirurgie, ou inversement. En phase adjuvante, tous les stades, même précoces, peuvent nécessiter une chimiothérapie en cas de rupture de l’ovaire ou de propagation microscopique.
L’arrivée des inhibiteurs de PARP a marqué un tournant dans la prise en charge, en particulier chez les patientes présentant une mutation BRCA ou un déficit de recombinaison homologue. Ces agents permettent d’améliorer la survie de façon importante.
Autre innovation : les conjugués anticorps-médicament (ADC). Le Dr Weroha explique le fonctionnement de ces molécules innovantes : « Ce sont des anticorps ciblant un récepteur tumoral, liés à une chimiothérapie par un linker. Cela permet de livrer le médicament directement aux cellules cancéreuses, réduisant ainsi la toxicité générale. »
Le plus récent ADC approuvé dans le cancer de l’ovaire — ciblant le récepteur de l’acide folique — montre un taux de réponse doublé par rapport aux chimiothérapies standards.
Pour la première fois, plus de 50 % des patientes atteintes de formes avancées sont en vie à 5 ans aux États-Unis. Le pronostic dépend de nombreux facteurs : stade, réponse à la chirurgie, mutations tumorales, état général.
Mais les cliniciens insistent : chaque patiente est unique. Une approche personnalisée, intégrant génétique, biologie tumorale et accès à des traitements innovants, est indispensable.