Escherichia coli
Cancer colorectal : la hausse des cas chez les jeunes enfin expliquée ?
Des chercheurs ont déterminé que la hausse des cas de cancers colorectaux précoces observée ces dernières années pourrait être provoquée par une toxine de la bactérie E. Coli, appelée colibactine.

- Par Sophie Raffin
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- Panuwat Dangsungnoen/istock
Neuf personnes atteintes d’un cancer colorectal sur 10 ont plus de 50 ans. Toutefois, on observe une hausse des diagnostics chez les patients beaucoup moins âgés dans 27 pays, au moins. L’incidence chez les jeunes a d’ailleurs pratiquement doublé chaque décennie au cours des 20 dernières années. "Si la tendance actuelle se poursuit, le cancer colorectal devrait devenir la principale cause de décès par cancer chez les jeunes adultes d'ici 2030", estime une équipe de l’université de Californie à San Diego.
Ce constat a conduit ces scientifiques à chercher l’origine de cette augmentation alarmante de cas à début précoce. Ils ont découvert que le responsable pourrait être une toxine bactérienne, appelée colibactine. Produite par certaines souches d'Escherichia coli présentes dans le côlon et le rectum, elle est connue pour avoir la capacité d'altérer l'ADN.
Cancer colorectal : une toxine d'Escherichia coli est mise en cause
Pour cette étude publiée dans la revue Nature le 23 avril 2025, les scientifiques ont analysé le génome de 981 patients atteints de cancer colorectal à début précoce ou tardif, venant de 11 pays présentant différents niveaux de risque de la maladie.
Résultats : les mutations génétiques liées à la toxine produite par des bactéries E. coli étaient 3,3 fois plus fréquentes dans les cas à début précoce (notamment chez les moins de 40 ans) que chez les personnes diagnostiquées après 70 ans. Elles étaient également "plus répandues dans les pays où l'incidence de cas à début précoce était élevée", précisent les auteurs dans leur communiqué.
Cancer colorectal et colibactine : des mutations qui apparaîtraient avant 10 ans
En observant les tumeurs des volontaires, les chercheurs ont déterminé que ces mutations liées à la colibactine – facteurs de risque du cancer colorectal – surviennent "au cours des dix premières années de vie". De plus, la toxine bactérienne agit, dans 15 % des cas, sur le gène APC dont les altérations sont connues pour favoriser le développement des tumeurs.
"Si quelqu'un acquiert l'une de ces mutations avant l'âge de 10 ans, remarque Ludmil Alexandrov, il pourrait avoir des décennies d'avance sur le calendrier de développement du cancer colorectal, en l’ayant à 40 ans au lieu de 60 ans."Une corrélation à confirmer par des recherches complémentaires
L’ensemble des données recueillies conduisent le scientifique et à ses collègues à avancer que "les bactéries productrices de colibactine peuvent coloniser silencieusement le côlon des enfants, initier des changements moléculaires dans leur ADN et potentiellement préparer le terrain pour un cancer colorectal bien avant l’apparition des premiers symptômes". Toutefois, ils précisent que si leurs résultats soutiennent fortement cette hypothèse, des recherches supplémentaires sont nécessaires pour confirmer la corrélation entre la colibactine et le risque de cancer colorectal précoce.
En parallèle, ils ont lancé de nouveaux travaux pour déterminer si des probiotiques pourraient aider à éliminer les souches bactériennes nocives. D'autres vont essayer de développer des tests de détection des mutations liées à la colibactine dans les échantillons de selles, afin de faciliter les dépistages précoces.