Onco-sein

Cancers du sein métastatiques HER2 low : carton plein pour le Trastuzumab Deruxtecan

Présentés en séance plénière de l’ASCO 2022 à Chicago, les résultats de l’étude Destiny Breast 04 sont à la hauteur des attentes portées sur le Trastuzumab Deruxtecan avec un net bénéfice en survie sans progression et en survie globale comparativement à une chimiothérapie standard dans les cancers du sein métastatiques « HER2 low ».

  • trastuz/istock
  • 22 Jun 2022
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    Déjà largement approuvé dans les cancers du sein métastatiques HER2 dits « positifs » en 2ème ligne, via les très bons résultats de Destiny 03 (70% de gain en PFS), le Trastuzumab Deruxtecan, combinant un anticorps monoclonal humanisé anti HER2, relié via un tétrapeptide à une charge inhibitrice de la Topoisomérase 1, gagne en ambition en s’intéressant aux tumeurs dites « HER2 low ».

    En effet, environ 60% des tumeurs du sein métastatiques étiquetées HER2 négatives ont en fait un score en immunohistochimie 1+ ou 2+, avec une hybridation in situ négative, et n’étaient jusqu’à maintenant pas ciblées par les traitements anti HER2. Les premiers résultats de phase 1 et 2 dans cette population démontrent un gain réel avec des taux de réponse frisant les 40%. Etant donné le nombre de patients potentiellement éligibles et l’impact thérapeutique suspecté, c’est dire si les résultats de Destiny 04 étaient particulièrement attendus !

    Gain en survie sans progression et en survie globale.

    Présentée oralement en séance plénière à l’ASCO par S. Modi, lui valant une véritable standing ovation, et publiée en parallèle dans le New England Journal of Medicine, l’étude de phase III Destiny Breast 04, comparant le Trastuzumab Deruxtecan à une chimiothérapie classique, dans les cancers du sein HER2 « low » métastatiques, déjà prétraités, valide tous ces critères d’évaluation avec un gain en survie sans progression de 50% et en survie globale.

    En pratique, entre Décembre 2018 et Décembre 2021, 557 patientes présentant un cancer du sein non résécable ou métastatique, HER2 « low » c’est-à-dire une expression faible de HER2 défini en immunohistochimie par 1+ ou 2+ avec une hybridation in situ négative, RH positifs ou négatifs, déjà pré-traité par 1 ou 2 lignes de chimiothérapie en phase métastatique, et hormonorésistant si RH+, ont été randomisées selon un schéma 2 :1 : 373 dans le bras Trastuzumab deruxtecan (5.4 mg/kg toutes les 3 semaines) et 184 dans le bras chimiothérapie au choix de l’investigateur parmi capecitabine (20.1%), eribuline (51.1%), gemcitabine (10.3%), paclitaxel (8.2%) ou nab paclitaxel (10.3%).

    La population, homogène dans son ensemble, était majoritairement RH+ (88.7%), avait reçu majoritairement 3 lignes de traitements antérieurs, et présentait principalement des métastases hépatiques (69%). Les patientes étaient stratifiées selon l’expression HER 2 (1+ vs 2+ et FISH négative), le nombre de ligne de traitement antérieure (1 vs ≥2), et le statut des récepteurs hormonaux (RH+ (pré-traité ou pas par inhibiteur de CDK4/6) vs RH-). Le critère de jugement principal était la survie sans progression chez les patientes RH+, les critères de jugement secondaires, la survie sans progression dans la population globale, la survie globale chez les RH+ et dans la population globale.

    Un bénéfice dans tous les sous-groupes, même RH- et quel que soit l’expression d’HER2.

    Avec un suivi médian de 18.4 mois, l’étude est positive concernant son critère de jugement principal : chez les patientes RH+ la médiane de survie sans progression est de 10.1 mois dans le bras Trastuzumab Deruxtecan vs 5.4 mois dans le bras chimiothérapie (HR 0,51, IC à 95% 0,40 - 0,64; p<0.001), et la médiane de survie globale respectivement de 23.9 mois vs 17.5 mois (HR 0,64; IC à 95% 0,48-0, 86; p = 0.003). Dans la population générale, la médiane de survie sans progression est respectivement de 9.9 mois vs 5.1 mois (HR 0,50, p<0.001) et la médiane de survie globale de 23.4 mois vs 16.8 mois (HR 0 ,64, p=0.001). Le bénéfice du Trastuzumab Deruxtecan est retrouvé également dans les sous-groupes, notamment les tumeurs RH-, bien que de petit effectif, avec une PFS de 8.5 mois vs 2.9mois (HR 0.46) et une survie globale de 18.2 mois vs 8.3 mois, respectivement (HR 0.48) et quel que soit le niveau d’expression d’HER2 : PFS chez les RH+ HER2 1+ de 10.3 mois et chez les HER2 2+ de 10.1 mois.

    Le taux de réponse objective dans la population RH+ est de 52.6%, dont 3.6% de réponse complète dans le bras Trastuzumab deruxtecan vs 16.3% (et 0.6% de réponse complète) dans le bras chimiothérapie. La durée médiane de réponse est de 10.7 mois dans le bras expérimental vs 6.8 mois dans le bras standard. Dans la population RH-, le taux de réponse objective est respectivement de 50% et 16,7%, avec une durée médiane de réponse de 8.6 et 4.9 mois.

    Concernant la tolérance, celle-ci est conforme aux données connues en rapport avec cette molécule : 52.6% des patients du bras Trastuzumab Deruxtecan ont eu des effets secondaires de grade ≥3 vs 67.4% dans le bras chimiothérapie, majoritairement des nausées, une hématotoxicité et une alopécie. 12% de pneumopathies interstitielles ont été observées dans le bras expérimental avec néanmoins 3 décès.

    Nouvelle approche thérapeutique ?

    Ces résultats nous font complètement repenser l’approche thérapeutique dans cette population, et même la façon de classifier nos tumeurs. Il est évident que cette molécule représente une option de traitement chez ces patientes considérées en échappement.

    Cela ouvre de nombreux questionnements et notamment le positionnement par rapport au Sacituzumab Govitecan dont on a aussi beaucoup parlé dernièrement. Les anticorps conjugués sont décidément dans tous les débats. 

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    JDF