Cardiologie

Anticoagulants directs : quelques interactions risquées en vie réelle

Le risque de saignements majeurs chez les patients souffrant de fibrillation atriale non-valvulaire et traités par un anticoagulant direct en association avec d’autre médicaments n’est pas connu en vie réelle. Cette étude nationale à Taiwan est plutôt rassurante.

  • 04 Octobre 2017
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    Par rapport à la prise d’anticoagulant seul, sur 91 330 patients traités pour fibrillation atriale non-valvulaire par anticoagulants directs, le risque de saignement majeur est significativement augmenté en cas d’association à l’amiodarone, au fluconazole, à la rifampicine ou à la phénytoïne.

    C’est la conclusion d’une étude de cohorte rétrospective nationale menée à Taiwan et publiée dans le JAMA.

    Étude de cohorte nationale

    Il s’agit d’une étude rétrospective utilisant des données de la base nationale de l'Assurance Maladie à Taiwan qui inclut 91 330 patients souffrant de fibrillation atriale non-valvulaire et qui ont reçu au moins une prescription d’anticoagulant direct (dabigatran, rivaroxaban ou apixaban) entre le 1er janvier 2012 et 31 décembre 2016.
    Les médicaments potentiellement responsable d’interaction avec les anticoagulants directs qui ont été étudiés sont : l’atorvastatine, la digoxine, le verapamil, le diltiazem, l’amiodarone, le fluconazole, le kétoconazole, l’itraconazole, le voriconazole ou le posaconazole, la cyclosporine, l’érythromycine ou la clarithromycine, la dronédarone, la rifampine ou la phénytoïne.
    Le critère principal était la survenue d’un saignement majeur, défini comme une hospitalisation ou une consultation dans un service d'urgence avec un diagnostic d’hémorragie intracrânienne ou de saignement gastro-intestinal, urogénital ou autre.

    Un risque surtout associé à 4 molécules

    L’étude a donc porté sur 91 330 patients atteints de fibrillation auriculaire non-valvulaire (âge moyen 74,7 ans et 55,8% d’hommes), dont 45 347 patients sous dabigatran, 54 006 sous rivaroxaban et 12 886 sous apixaban. Les médicaments les plus courants co-prescrits avec les anticoagulants directs étaient l'atorvastatine (27,6%), le diltiazem (22,7%), la digoxine (22,5%) et l'amiodarone (21,1%).

    Des saignements majeurs ont été observés chez 4 770 patients sur un total de 447 037 personnes-trimestre sous anticoagulant direct. Par rapport à la prescription d’un anticoagulant direct seul (38,09), la prescription simultanée d’amiodarone, de fluconazole, de rifampicine et de la phénytoïne est associée à une augmentation significative des taux d'incidence de saignements majeurs ajustés pour 1000 personnes-années : soit + 13,94 pour l’amiodarone (IC 99% 9,76-18,13), + 138,46 pour le fluconazole (IC 99% 80,96-195,97), + 36,90 pour la rifampine (IC 99% 1,59-72,22) et + 52,31 pour la phénytoïne (IC 99% 32,18-72,44) (avec p < 0,01 pour toutes les comparaisons).

    Un risque plus modéré avec les autres molécules

    Paradoxalement, par rapport à l'utilisation de l’anticoagulant direct seul, le taux d'incidence ajusté pour les saignements majeurs est significativement plus faible en cas de co-prescription avec l'atorvastatine, la digoxine et l'érythromycine ou la clarithromycine.

    Par ailleurs, la différence d’incidence de saignements n’est pas significativement différente pour la co-prescription avec le verapamil, le diltiazem, la cyclosporine, le kétoconazole, l'itraconazole, le voriconazole ou le posaconazole et la dronedarone.

    A noter que ces associations sont déconseillées dans les différentes recommandations nationales.

    En pratique

    Du fait de la fréquence des comorbidités, les anticoagulants oraux non-vitamine K, ou anticoagulants directs, sont couramment prescrits en même temps que d'autres médicaments, dont certains peuvent partager les mêmes voies métaboliques, avec à la clé, un risque d’augmentation du risque de saignement majeur. Parmi les patients prenant des anticoagulants directs pour une fibrillation auriculaire d’origine non valvulaire, seules la coprescription d'amiodarone, de fluconazole, de rifampicine et de phénytoïne est associée en vie réelle à un risque accru de saignement majeur par rapport à la prise d’un anticoagulant direct seul.

    Il s’agit de la première étude nationale en vie réelle sur le risque de saignement majeur à relativement court-terme, en cas de co-prescription des anticoagulants directs avec les différents médicaments susceptibles de modifier leur métabolisme. Une limitation importante est l’absence de renseignements sur la fonction hépatique et rénale des malades. Une autre limitation tient aux différences génétiques de risque de saignement entre les populations asiatiques et les populations caucasiennes, ce qui limite en partie l’application de ces données à toute la population.

    Les médecins qui prescrivent des anticoagulants directs en association à d'autres médicaments seront néanmoins intéressés par des données plutôt rassurantes en vie réelle.

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