Onco-Sein
Cancer du sein HER2 métastatique : vers un nouveau standard de 1ère ligne (DESTINY-Breast09)
Dans l’essai de phase 3 DESTINY-Breast09, l’association trastuzumab-deruxtecan + pertuzumab repousse de près d’un an la progression des cancers du sein HER2 + localement avancés ou métastatiques par rapport au triplet taxane-trastuzumab-pertuzumab (THP) utilisé depuis plus de vingt ans. À vingt-neuf mois de suivi médian, le risque de progression ou de décès est réduit de 44 % et près de sept patientes sur dix sont toujours contrôlées à deux ans.

- Panupong Piewkleng/istock
Environ 15 à 20 % des cancers du sein sont HER2-positifs. Les cancers du sein HER2-positifs peuvent se développer rapidement et métastaser. Bien que les traitements ciblant HER2 aient amélioré les résultats de ces tumeurs, la plupart des patientes voient leur maladie progresser dans les deux ans suivant le traitement de première intention.
Le régime THP, référence depuis 2012, n’offre qu’une survie sans progression médiane d’environ deux ans, et l’anticorps-conjugué trastuzumab-deruxtecan (T-DXd) a démontré en reprises de ligne une activité antitumorale majeure grâce à un rapport médicament-charge (DAR) élevé et à l’effet « bystander ». De nouveaux traitements sont nécessaires pour offrir un contrôle plus durable de la maladie, une efficacité accrue et une meilleure qualité de vie.
Une nouvelle étude de référence
L'étude DESTINY-Breast09 évalue le potentiel du trastuzumab deruxtecan en première ligne, qui a été approuvé en deuxième ligne et au-delà dans le cancer du sein métastatique. L’étude, présentée au congrès annuel de l’ASCO, a randomisé 1 157 patientes naïves de tout traitement systémique pour la maladie avancée vers T-DXd + placebo, T-DXd + pertuzumab ou THP.
Dans la population globale, la PFS médiane atteint 40,7 mois sous T-DXd + pertuzumab contre 26,9 mois sous THP (HR 0,56 ; réduction de risque 44 %). Cet avantage se retrouve quels que soient le statut hormonal, la charge tumorale ou l’origine géographique. Le taux de contrôle à deux ans passe de 52 % à 70 %, le taux de réponse objective s’élève à 85 % versus 78,6 % et le taux de réponse complète double (15 % versus 8,5 %).
Des données encore immatures pour la survie globale
Les données rapportées concernent les deux bras comparateurs de première importance : T-DXd + pertuzumab versus THP. Les caractéristiques initiales étaient équilibrées : 52 % de maladies de novo, 54 % RH +, 48 % de rechutes, moitié des incluses originaires d’Asie et un âge médian < 65 ans. L’analyse de survie globale, encore immature (38 % d’événements), montre déjà une tendance favorable (HR non communiqué).
Sur le plan de la tolérance, les toxicités hématologiques et digestives reflètent celles déjà connues du T-DXd ; aucun signal d’alerte supplémentaire n’est apparu, notamment concernant l’atteinte pulmonaire interstitielle, surveillée par comité indépendant.
Une étude randomisée avec de nombreux ajustements
Cette supériorité clinique découle d’une méthodologie robuste : randomisation 1:1:1, stratification sur l’hormonodépendance et la métastase viscérale, évaluation centralisée et revue indépendante des pneumopathies. Les quelque 30 % de patientes asiatiques assurent une représentativité ethnique, et l’inclusion exclusive de malades naïves de taxane et d’anti-HER2 en situation métastatique garantit l’extrapolation au vrai « first-line ».
Les limites résident dans l’absence pour l’instant de comparaison directe T-DXd + placebo versus THP et dans le suivi global encore court pour conclure définitivement sur la survie. De plus, la place future de la chimiothérapie, reléguée en seconde ligne, demeure à préciser pour optimiser la séquence thérapeutique et réduire la toxicité cumulative.
Vers un nouveau standard de première ligne dans le HER2+ ?
Selon les auteurs et un expert indépendant, ces résultats imposent la bithérapie T-DXd-pertuzumab comme nouveau standard de première ligne chez les patientes HER2 + métastatiques, repoussant le recours aux taxanes. Cela suppose une vigilance pneumologique accrue et la mise en place de parcours de soins permettant une administration prolongée (durée médiane de traitement déjà supérieure à quatre mois, avec beaucoup de patientes encore traitées au cut-off).
Les perspectives de recherche s’orientent vers des combinaisons sans chimiothérapie, l’intégration d’inhibiteurs de checkpoint pour les malades RH- et l’évaluation adjuvante de T-DXd dans les formes localement avancées. Enfin, l’impact médico-économique devra être analysé, la durée de contrôle dépassant désormais trois ans pour un traitement à coût élevé mais potentiellement plus économe en hospitalisations liées à la chimiotoxicité.