Pneumologie
Pneumonie grippale : intérêt potentiel d'une association triple
Une étude randomisée montre l’efficacité d'une triple association d'un macrolide avec un AINS et un antiviral spécifique de la grippe dans le traitement des infections grippales sévères. Cette association soulève cependant de nombreuses réserves.
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Pour traiter les malades hospitalisés pour une grippe sévère, associer un AINS et un macrolide à un antiviral spécifique diminuerait la mortalité et la durée de l’hospitalisation. C’est ce que montre une étude réalisée en Chine qui a évalué l’efficacité de l’association oseltamivir, clarithromycine et naproxène, pour traiter des malades atteints d’une pneumonie grippale.
Cette étude prospective, randomisée, contrôlée, réalisée en ouvert, a comparé l’association de ces médicaments à l’oseltamivir seul chez 217 patients d’un âge médian de 80 ans hospitalisés pour une grippe à virus A (H3N2). La moitié des patients ont reçu l’association pendant deux jours suivis de trois jours d’oseltamivir, l’autre moitié a pris l’oseltamivir seul pendant cinq jours, tous les malades de l’étude ayant reçu en supplément un traitement antibiotique par amoxicilline + acide clavulanique pendant cinq jours.
Réduction de la mortalité
Les résultats de l’étude sont positifs puisque la mortalité à 30 jours, qui était le critère principal, est diminuée avec le traitement combiné (p = 0,01), de même que la mortalité à 90 jours et la durée de l’hospitalisation.
Quelques travaux expérimentaux avaient montré que le naproxène pouvait avoir une certaine activité antivirale. D’autre part, l’activité immunomodulatrice des macrolides est connue. Tester l’association oseltamivir-clarithromycine-naproxène est donc un concept qui peut paraître intéressant. Cependant, l’étude des chercheurs chinois suscite un certain nombre de réserves. La première concerne le taux de coinfections très faible qui ne correspond pas à celui constaté dans les pneumonies grippales qui est plus élevé, de l’ordre de 30 à 50 %.
La deuxième réserve est liée à la gravité de la pneumonie estimée par le PSI (Pneumonia Severity Score) qui est probablement surévaluée, l’âge médian des patients de 80 ans augmentant le score. De plus, pour des pneumonies grippales, la mortalité observée dans l’étude est très inférieure (10 %) à celle que l’on observe habituellement. Par ailleurs, la gazométrie indique que les patients sont très peu hypoxémiques. On peut donc se poser la question de la sévérité réelle de l’atteinte des patients inclus : grippe plus ou moins sévère de la personne âgée ou authentique pneumonie grippale ?
Effet délétère
Cette étude est donc un travail exploratoire et préliminaire qui ne permet pas de conclure sur l’efficacité de la triple association. L’hypothèse de son effet antiviral et immunomodulateur est séduisante mais d’autres études cliniques sont nécessaires pour l’évaluer et la confirmer.
Enfin, il faut rappeler que dans le cadre d’une pneumonie grippale, l’utilisation d’un AINS est déconseillée car il existe un risque de coinfection virus-bactérie ; on considère que cette prescription est délétère et expose à des complications telles que le développement d’une pleurésie purulente ou l’extension de la pneumonie.
D’après un entretien avec le Pr Muriel Fartoukh, pneumologue, Hôpital Tenon, Paris









