Infectiologie
Vaccin anti-Covid : faudra-t-il le rendre obligatoire pour tous ?
Alors que la pandémie s’améliore nettement dans les pays où les taux de vaccination sont les plus élevés, l’immunité de groupe s’éloigne avec les variants plus contagieux. La question de la vaccination obligatoire pour tous se pose
- gopixa/istock
Dans des pays comme Israël, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis, les réouvertures de bars, de restaurants et de spectacle rend les vaccinés euphoriques et les gouvernements prudemment optimistes. Pour autant sont-ils débarrassés du SARS-CoV-2 ? Rien n’est moins sûr.
Les variants du SARS-CoV-2 qui émergent régulièrement, les hésitations à la vaccination, ainsi que l’opposition irréductible des anti-Vax, risquent de maintenir l’objectif d’une immunité de groupe hors de portée dans nos pays démocratiques où la vaccination est difficile à rendre obligatoire.
D’après de nombreux experts, le coronavirus est donc là pour rester, mais la vaccination optimale des personnes les plus fragiles pourrait suffire à rétablir un semblant de normalité… malgré le risque d’infection des non-vaccinés.
Une coexistence armée
Il y a un an, au début de la pandémie, et alors que les vaccins contre le coronavirus n'étaient encore qu’un espoir lointain, le terme « d’immunité de groupe par la vaccination » était le nouveau Graal de ce XXIème siècle encore débutant : le moment où suffisamment de personnes seraient protégés devait nous permettre de retrouver « la vie d’avant le coronavirus ».
Mais aujourd'hui, même dans les pays où les taux de vaccination sont les plus élevés, on observe une diminution du nombre des vaccination quotidiennes, alors que les vaccins n’y manquent plus et qu’un nombre significatif de personnes ne sont pas vaccinées. Dans certains états américain, les autorités de santé distribuent des bons d'achats dans différents magasin pour que les gens viennent se vacciner !
Même en allannt chercher les réticents, les oppositions à la vaccination d’une partie significative de la population remettent en cause tout espoir d’atteindre le seuil d'immunité collective dans un avenir proche. Pire, l’apparition de variants de plus en plus contagieux et de plus en plus résistants aux vaccins fait craindre que cet objectif ne soit jamais atteignable du fait de l’élévation du seuil de l’immunité collective.
Quel seuil atteindre pour l’immunité de groupe ?
Lorsque le nouveau coronavirus a commencé à se propager dans le monde au début de l'année 2020, la seule façon de sortir de la pandémie était qu’une majorité de personnes acquière une immunité, que ce soit par une infection naturelle ou par la vaccination. Cette « immunité de groupe » correspond à un seuil dans une population où le pourcentage de personnes immunisées est tel que le virus a des difficultés à trouver des personnes encore à infecter. Ce seuil d'immunité collective a initialement été estimé entre 60 et 70% de la population, un seuil facilement atteignable par la vaccination.
Mais à mesure que les vaccins ont été mis à disposition, les estimations du seuil réel ont commencé à augmenter à cause de l’accroissement de la contagiosité des nouveaux variants par rapport à celle de la souche originale du virus. Le variant anglais prédominant actuellement en Europe, appelée B.1.1.7, serait environ 60% plus transmissible ce qui fait que les experts ont estimé que le seuil d'immunité collective pour ce variant serait d'au moins 80%. Si des variants encore plus contagieux se développent, le calcul de ce seuil devra à nouveau être revu à la hausse. Or, on estime que le variant brésilien P.1, qui combine 17 variations génétiques, serait 1,7 à 2,4 fois plus contagieux que les autres souches...
Un seuil inatteignable sans vaccination généralisée
Avec l’élévation des seuils d’immunité de groupe, les experts ont porté leurs espoirs sur la vaccination des enfants, pourtant rarement malades et peu contaminants. Ceci, afin de compenser le refus vaccinal chez un pourcentage significatif de la population. Des études ont été menées avec les vaccins à ARN. Elles sont positives et confirment la protection des enfants et la réduction de leur contagiosité. Des demandes d’autorisations de mise sur le marché ont donc été déposées.
Pourtant, si le seuil d’immunité de groupe est à 90%, à cause du variant brésilien ou d’un autre à venir, la vaccination des enfants en plus de celle des adultes consentants ne suffira pas. Un vrai problème si, en plus, les nouveaux variants sont au moins partiellement résistants aux vaccins, comme cela semble être le cas. Il y a bien la possibilité de faire évoluer les vaccins contre les nouveaux variants et de les rendre obligatoire, mais ce caractère obligatoire sera extrêmement difficile à imposer dans les pays démocratiques.
Un virus et une menace persistants
Beaucoup d’experts en virologie et en épidémiologie en viennent donc à la conclusion que le virus restera très probablement une menace qui continuera à circuler même dans les pays les plus vaccinés, pendant des années, causant encore des hospitalisations et des décès chez les personnes non vaccinées. Cette circulation persistante en présence de personne vaccinée risque d’induire l’émergence de variants résistants à la vaccination.
L'ampleur de cette menace est très difficile à évaluer. Elle dépend en partie de la proportion de la population vaccinée dans les pays les plus vaccinés, mais aussi dans le Monde, et elle dépend en partie de l'évolution du SARS-CoV-2. Cependant, il est d'ores et déjà clair pour la majorité des experts que le SARS-CoV-2 évolue trop rapidement, que ses nouveaux variants se propagent trop facilement et que la vaccination progresse trop lentement, pour que l'immunité de groupe puisse être atteinte à temps.
Quelles évolutions possibles ?
Sans immunité de groupe atteignable, le SARS-CoV-2 va donc probablement continuer à infecter les populations non vaccinées. L’objectif prioritaire sera de maintenir à son plus haut niveau la vaccination de toutes les personnes fragiles, qui sont celles qui vont principalement à l’hôpital ou en réanimation et qui sont à risque de décès.
Si les taux de vaccination de ce groupe restent maximaux au fil du temps, on peut espérer que le coronavirus devienne un virus saisonnier au bout de quelques années, comme la grippe et ses 4 cousins qui causent des rhumes chaque hiver. Cela signifierait que la première infection surviendra tôt dans l'enfance, à un âge où il n’y a pas de formes graves, et que les infections suivantes seront bénignes en raison d'une protection acquise partielle.
L’alternative est que si un nombre excessif de personnes ne sont pas vaccinées, des variants hautement contagieux pourraient se développer et devenir résistants à la vaccination actuelle, et provoquer à nouveaux des hospitalisations et des décès, nécessitant une adaptation des vaccins et au moins une injection d’ajustement.
Quoi qu’il arrive cependant, une proportion difficilement évaluable de personnes pourront contracter une infection bénigne à SARS-CoV-2 et avoir des symptômes handicapants d’un « Covid long » pendant des semaines ou des mois.








