Pédiatrie
Grands prématurés : des adultes pas comme les autres
Ce que deviennent les grands prématurés à l’âge adulte est rarement analysé. Une étude parue dans le JAMA y répond en brossant leur profil quand ils ont entre 29 et 36 ans. Et en fait, ce ne sont pas des adultes tout à fait comme les autres.
- nenovbrothers/epictura
Que deviennent les grands prématurés ? Certains garderont des handicaps importants, d’autres minimes. C’est à cette population de grands prématurés sans handicap marqué et qui sont donc devenus des enfants, puis des adultes apparemment normaux, que s’est intéressée une étude allemande de l’université du Centre médical de Cologne, publiée dans le JAMA Pediatrics. Elle porte sur 106 enfants : 45 sont nés à 22 semaines et 61 à 23 semaines et 6 jours. L’étude les retrouve alors qu’ils ont entre 29 et 36 ans.
Pour le Pr Pierre-Yves ANCEL, épidémiologiste, directeur unité de recherche sur l'épidémiologie périnatale et post natale, à Paris Descartes, ces ex-grands prématurés sont quand même différents des adultes nés à terme. "Les enfants prématurés ont des niveaux d'étude moins élevés, sont plus souvent au chômage, et quand ils ont un travail, ils ont des salaires moyens plus bas, ont plus souvent aussi recours à des revenus d'aide sociale, vivent moins souvent en couples et ont moins d'enfants. De plus, ils ont aussi un état de santé moins bon avec des affections chroniques."
Ces résultats sont en fait proches d’une étude du même type, menée en Norvège en 2008. Mais qui elle ne retrouvait pas de problème d’emploi chez ces anciens prématurés. Il est vrai que la Norvège est un pays où il n’y a pas trop de tels problèmes.
Immaturité cérébrale
Ces particularités psycho-sociales des anciens prématurés sont liées au fait que ces enfants sont nés immatures, avec une immaturité de tous les organes et en particulier cérébrale. Leur cerveau est fragilisé et ne va pas à tous les coups se développer comme il l'aurait fait in utero. Cela peut induire soit des lésions cérébrales graves, responsables d'handicaps sévères; mais elles sont assez rares maintenant car la réanimation post natale est très performante; soit des lésions plus discrètes signant des troubles dans la maturation et le développement cérébral normal. Ces troubles peuvent être à l'origine de petites difficultés dans l'apprentissage de la lecture, de la grammaire, des mathématiques, etc... voire de légers troubles du comportement, de l'attention qui au total peuvent géner l'enfant, mais le gèneront d'autant plus qu'il avance en âge.
Le milieu social est déterminant
Autre facteur important dont il faut tenir compte, c'est le milieu dans lequel a été élevé l’enfant qui a une importance à deux niveaux. D’une part, un milieu social défavorisé est un facteur de risque de prématurité; d’autre part, ce même milieu peut avoir plus de mal à compenser des difficultés d’apprentissage. Il faut aussi tenir compte de l’âge gestationnel : le handicap est d’autant plus marqué qu'il est faible. Avant 32 semaines, le risque de handicap modéré à sévère est de l'ordre de 10 à 15%, à 32-33 semaines, il est autour de 5%, à 34-36 semaines, il est de 2,5%, alors que chez un enfant à terme il est de 1%. Tous les anciens prématurés ne sont donc pas des enfants handicapés. Il y a en France chaque année environ 60 000 naissances prématurées qui vont des grands préma à la prématurité tardive.
Attendre l'âge de 10 ans
Reste à savoir si à la naissance, on peut prédire l’avenir et évaluer les handicaps minimes en particulier moteurs. Pour le Pr Ancel, c'est très difficile." On se rend compte maintenant que l'imagerie cérébrale permet de répérér des choses. Mais assurer avec certitude que l'enfant aura tel handicap avec tel degré de sévérité, c'est très difficile en dehors de cas caricaturaux avec des lésions massives. Donc il faut attendre que l'enfant ait 2 ou 3 ans pour voir s'il a des problèmes moteurs, et 5, 6, 7 ans pour des problèmes intellectuels et scolaires...En fait c'est vraiment entre 2 et 10 -11 ans que l'on va commencer à bien se rendre compte des difficultés que les enfants peuvent rencontrer."
Cela signifie qu'il faut rester vigilant pendant toute l'enfance. Et si les prises en charge très techniques sont efficaces et performantes à la période néonatale, il ne faut pas baisser les bras après, au décours de la petite enfance. En effet quand les difficultés ont été identifiées, ces enfants doivent être suivis par des structures qui existent comme par exemple les "réseaux de suivi des enfants vulnérables" .








