Neurologie
Troubles du développement chez l’enfant : la prise de valproate chez le père associée au risque
La prise de valproate et ses dérivés par le père dans les quatre mois précédant la conception (spermatogénèse) exposerait les enfants à des troubles neurodéveloppementaux, en particulier du trouble du développement intellectuel.
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En cas d’épilepsie et de troubles bipolaires, le valproate, molécule à la base du médicament Dépakine, et ses dérivés sont prescrits. Étant un tératogène connu qui expose à un risque élevé de malformations congénitales et de troubles neurodéveloppementaux, celui-ci contre-indiqué chez les femmes enceintes. Des expériences menées sur des animaux ont montré que l’exposition paternelle au valproate pourrait provoquer des troubles du développement dans la descendance. Une étude, datant de 2023, demandée aux laboratoires pharmaceutiques dans le cadre de la surveillance au niveau européen des médicaments contenant du valproate et ses dérivés a également suggéré ce risque.
Face à ces données, "nous avons également modifié en France les conditions de prescription et de dispensation pour que patient et prescripteur cosignent chaque année une attestation d’information partagée, depuis le 6 janvier 2025 pour les initiations de traitement et depuis le 30 juin 2025 pour les renouvellements. Cette attestation cosignée datant de moins d’un an conditionne la dispensation du traitement en pharmacie", indique l’ANSM.
4.773 enfants nés d’un père traité par valproate pendant la spermatogenèse
Récemment, le groupe d’intérêt scientifique (GIS) ANSM-Cnam Epi-Phare a voulu mesurer l’association entre l’exposition paternelle au valproate pendant la spermatogenèse, à savoir la période de 3 mois avant conception, et les risques de troubles neurodéveloppementaux chez l’enfant. Pour ce faire, 2.832.850 enfants, nés entre 2010 et 2015, ont été recrutés. Parmi eux, 4.773 étaient nés d’un père traité par valproate pendant la spermatogenèse et 3.115 d’un père traité par lamotrigine ou lévétiracétam.
Chaque enfant a été suivi à partir de la naissance jusqu’à la survenue d’un trouble neurodéveloppemental (incluant les troubles du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité, les troubles du développement intellectuel, les troubles du spectre de l’autisme, les troubles de la communication, et les troubles des apprentissages), du décès, ou jusqu’au 30 septembre 2024.
Valproate pris par le père : 24 % de risque de trouble neurodéveloppemental chez les enfants
Selon les résultats de l’étude, 583 enfants exposés au valproate et 310 enfants de père traité par lamotrigine ou lévétiracétam ont été identifiés avec au moins un type de trouble neurodéveloppemental : troubles déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité pour respectivement 149 (3,1%) et 77 (2,5 %), troubles du développement intellectuel pour 42 (0,9 %) et 11 (0,4 %), troubles du spectre de l’autisme pour 77 (1,6 %) et 39 (1,3 %), troubles de la communication pour 294 (6,2 %) et 157 (5,0 %), troubles des apprentissages pour 160 (3,4 %) et 97 (3,1 %).
Les auteurs ont constaté une hausse globale de 24 % du risque de trouble neurodéveloppemental chez les enfants de père traité par valproate au moment de la conception, comparé à ceux dont le père était traité par lamotrigine ou lévétiracétam, "deux médicaments recommandés en première ligne en raison de leur meilleur profil de sécurité." Dans le détail, le risque de troubles du développement intellectuel apparait doublé chez les enfants exposés, ce qui se traduit par 3,5 cas supplémentaires pour 1000 enfants nés d’un père traité par valproate au moment de la conception par comparaison à ceux nés de père traité par lamotrigine ou lévétiracétam. Pour les autres troubles neurodéveloppementaux, les travaux révèlent une possible augmentation des risques plus modérée, mais celle-ci nécessite d’être confirmée dans d’autres études.
Dans les conclusions, l’équipe indique que ces résultats renforcent de façon notable les arguments en faveur des mesures de précaution mises en œuvre en France depuis début 2025 pour limiter l’utilisation du valproate chez les patients de sexe masculin.








