Rhumatologie

Gonarthrose : des injections augmentent l’épaisseur du cartilage chez l’homme

Dans la gonarthrose, des injections intra-articulaires d’un facteur de croissance des fibroblastes humains augmentent l’épaisseur du cartilage. Mais l’intérêt clinique et la durabilité restent incertains à 3 ans.

  • Henadzi Pechan/istock
  • 12 Octobre 2019
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    Dans la gonarthrose symptomatique et radiologique, l'administration intra-articulaire de 100 μg de sprifermine tous les 6 ou 12 mois augmente l’épaisseur du cartilage de l'articulation fémorotibiale, à 2 et 3 ans (statistiquement significative), tout en étant bien tolérée.

    Cependant, l'importance clinique de cette amélioration IRM reste probablement modeste (score de WOMAC identique à 3 ans). La durabilité de la réponse n’est pas connue au-delà de 3 ans. C’est le résultat d’une étude randomisée parue dans le JAMA.

    Une étude versus placebo

    L'étude FORWARD (FGF-18 Osteoarthritis Randomized Trial with Administration of Repeated Doses) est un essai clinique multicentrique randomisé sur cinq ans chez des personnes de 40 à 85 ans qui souffraient d'arthrose du genou, à la fois symptomatique et radiographique (grade 2 ou 3 de Kellgren-Lawrence). Le résultat principal après 2 ans et une analyse de suivi après 3 ans sont rapportés.

    Les participants ont été randomisés dans l'un des cinq groupes suivants : injections intra-articulaires de : 100 μg de sprifermine administrées tous les 6 mois (n = 110) ou tous les 12 mois (n = 110), 30 μg de sprifermine tous les 6 mois (n = 111) ou tous les 12 mois (n = 110) ou placebo tous les 6 mois (n = 108). Chaque séquence de traitement consistait en des injections hebdomadaires sur 3 semaines.

    Un bénéfice clinique incertain

    Chez les participants souffrant de gonarthrose symptomatique et radiographique, l'administration intra-articulaire de 100 μg de sprifermine tous les 6 ou 12 mois entraîne une amélioration de l'épaisseur totale du cartilage articulaire fémorotibial à 2 ans, mesurable en IRM et qui est statistiquement significative versus placebo. Par contre, il n'y a pas de différence significative sur le changement des scores WOMAC, que ce soit pour la dose de 100 μg de sprifermine administrée tous les 6 mois ou tous les 12 mois, ou pour celle de 30 μg de sprifermine tous les 6 mois ou tous les 12 mois.

    Les effets indésirables le plus fréquemment signalés au cours du traitement sont des arthralgies qui sont retrouvées chez près de 40% des malades quel que soit le groupe : placebo (43%) ; 100 μg de sprifermine administrée tous les 6 mois (41,3%) ; 100 μg de sprifermine tous les 12 mois (45%) ; 30 μg de sprifermine tous les 6 mois (36%) ; et 30 μg de sprifermine tous les 12 mois (44%).

    Une maladie complexe

    La gonarthrose est une maladie complexe qui se caractérise par une perte de cartilage articulaire, un remodelage des différents tissus de l’articulation et des modifications inflammatoires de la membrane synoviale. Il y a deux objectifs de traitement dans l’arthrose : le premier est le contrôle des symptômes, comme la raideur et surtout la douleur (antalgiques, anti-NGF), le second concerne la protection (ou la régénération) du cartilage.

    Concernant la « chondroprotection », la stratégie peut concerner la pré-arthrose où le traitement consiste surtout en des techniques de bio-ingénierie tissulaire dont le but est de réparer et de régénérer le cartilage. Par contre, chez les patients ayant une arthrose radiographique avérée, même modérée, beaucoup de traitements se sont révélés inefficaces, aussi bien sur le contrôle de la douleur que sur l’évolution de la maladie.

    Récemment, un essai randomisé contre placebo, utilisant des injections intra-articulaires d’un facteur de croissance, le FGF18 (ou sprifermine) a montré pour la première fois un gain d’épaisseur du cartilage dans la partie la plus atteinte. C’est le premier essai montrant un effet chondroprotecteur avec une biothérapie. Il n’est pas démontré cependant que ce type de traitements, qui visent à ralentir la maladie, soient également efficaces sur le contrôle des symptômes associés.

    L’IRM évalue la perte du cartilage en recherche

    La perte de cartilage articulaire est une mesure validée de la progression de la maladie et peut être évaluée, directement par imagerie par résonance magnétique (IRM) ou indirectement par radiographie. Une IRM permet une évaluation quantitative plus précise de l'épaisseur du cartilage, et peut prévoir la possibilité de remplacer ultérieurement le genou avec une précision comparable ou supérieure aux radiographies.

    Un véritable traitement chondromodulateur devrait donc être à même de modifier la progression et les symptômes structurels de la maladie. Actuellement, les traitements contre l'arthrose ciblent principalement les symptômes, et aucun médicament chondromodulateur n'a été approuvé aux États-Unis ou en Europe.

    La sprifermin est un facteur de croissance recombinant des fibroblastes humains (FGF18) et a fait l'objet d'études en tant que médicament anabolisant potentiel du cartilage dans l'arthrose avec la possibilité de modifier la maladie. Dans les modèles d'arthrose du rat, la sprifermine induit la prolifération de chondrocytes articulaires hyalins produisant le cartilage, stimule la synthèse de la matrice extracellulaire hyaline in vitro et ex vivo, et augmente l'épaisseur du cartilage articulaire au genou.

    Cet étude ouvre un espoir de traitement chondromodulateur de la gonarthrose, reste à vérifier que cette croissance du cartilage se traduit par une réduction de la douleur et des autres symptômes et que l’effet se maintient sur le long terme. Il est néanmoins possible qu’un grade 2, et surtout un grade 3, de Kellgren soient déjà des stades trop tardifs pour un effet du fait des modifications de l’os sous-chondral.

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