Rhumatologie

Gonarthrose : pas d’intérêt à multiplier les infiltrations de corticoïde

Une infiltration intra-articulaire répétée tous les 3 mois d’un corticoïde retard n’apporte pas de bénéfice sur la douleur de la gonarthrose et serait associée à une perte de volume du cartilage

  • kosmos111/epictura
  • 17 Mai 2017
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    Dans un essai clinique randomisé sur 140 malades souffrant d'une gonarthrose avérée et symptomatique, une infiltration intra-articulaire de 40 mg d'acétonide de triamcinolone tous les 3 mois est associée à une perte de volume du cartilage plus importante par comparaison à une infiltration intra-articulaire de sérum physiologique selon la même fréquence.

    Il n'y a pas non plus de différence significative concernant l’importance de la douleur du genou et le handicap entre les 2 groupes de traitement. Ce sont les résultats d’une belle étude contrôlée publiée dans le JAMA.

    Une étude randomisée en double-aveugle

    Il s’agit d’une étude randomisée en double aveugle, versus sérum physiologique, dans l'arthrose symptomatique du genou (Kellgren 2 à 3). Elle a comparé chez 140 malades une infiltration intra-articulaire de 40 mg d'acétonide de triamcinolone (n = 70) versus une infiltration d’une solution saline isotonique (n = 70) toutes les 12 semaines et pendant 2 ans.

    Parmi les 140 patients randomisés (âge moyen, 58 ans ± 8 ans, 75 femmes [54%]), 119 ont terminé l'étude (85%).

    L’évaluation de la douleur et du handicap a été réalisée via une Echelle Visuelle Analogique de la douleur, ainsi que le WOMAC. L’évaluation de la synovite a été mesurée en échographie. Une imagerie par résonance magnétique du genou a été réalisée chaque année pour une évaluation quantitative du volume du cartilage (différence minimale cliniquement importante non encore définie).

    Une perte de cartilage significative sur 2 ans

    La triamcinolone en infiltration intra-articulaire tous les 3 mois est associée à une perte de volume de cartilage significativement plus élevée à 2 ans que les infiltrations intra-articulaires par une solution saline isotonique, avec un changement moyen de l'épaisseur du cartilage du compartiment mesuré à -0,21 mm vs -0,10 mm (différence entre les groupes, -0,11 mm, IC à 95%, -0,20 à -0,03 mm).

    Pas de bénéfice sur la douleur

    Aucune différence significative n’est observée entre les 2 groupes pour l’évaluation de la douleur (-1,2 vs -1,9, différence entre les groupes, -0,6; IC à 95%, -1,6 à 0,3).

    Il a été observé 3 effets indésirables liés au traitement dans le groupe infiltration de sérum physiologique par rapport à 5 dans le groupe triamcinolone, où il a également été observé une faible augmentation des taux d'hémoglobine A1c (différence entre les groupes, -0,2%, IC à 95%, -0,5% à -0,007%).

    En pratique

    Une synovite est fréquemment associée à la progression structurelle de l'arthrose du genou mais elle est intermittente au cours de l’évolution de l’arthrose : c’est la poussée inflammatoire. Lors de ces poussées, les corticoïdes en infiltration intra-articulaire sont associés à une réduction de la synovite mais il était suspecté qu’ils pouvaient avoir des effets néfastes à long terme sur le cartilage et l'os sous-chondral.

    Chez les patients atteints d'arthrose symptomatique du genou, et par rapport à des infiltrations intra-articulaires de même volume de solution saline isotonique, la triamcinolone intra-articulaire, en infiltration tous les 3 mois, n'a aucun effet supplémentaire sur la douleur au genou et elle est associée à une augmentation de la perte de volume du cartilage à 2 ans, modeste, mais significative.

    L’arthrose est une maladie avec une évolution prolongée, le plus souvent émaillée de périodes de poussées inflammatoires, avec retour à la situation antérieure si la poussée est bien traitée. Le traitement anti-inflammatoire et les infiltrations de corticoïdes n’ont donc d’intérêt démontré qu’en cure courte et au moment de la poussée inflammatoire.

    Cette étude confirme donc que, non seulement une infiltration intra-articulaire systématique de corticoïdes tous les 3 mois ne sert à rien, mais qu’en plus elle peut avoir une influence délétère sur le cartilage, comme suspecté.

    Par ailleurs, cette étude confirme que les infiltrations intra-articulaires de sérum physiologique semblent avoir un effet positif sur la douleur, y compris à 3 mois, probablement via un effet de dilution des enzymes et des cytokines contenus dans le liquide intra-articulaire. Pour mémoire, l’acétate de triamcinolone n’est pas utilisé en France dans cette indication.

    Au cours d’une gonarthrose avérée, cette étude ne soutient pas le traitement systématique et répété par infiltrations intra-articulaires de corticoïdes dans le genou : les infiltrations ne sont certainement pas un traitement de fond de l’arthrose pour ceux qui en doutaient.

    Cette étude milite également en faveur de la limitation du nombre des infiltrations de corticoïdes que l’on peut faire chaque année dans une articulation et les règles de 2 (à 3) infiltrations au maximum par an doivent être respectées. L’étude rappelle enfin que la répétition des infiltrations intra-articulaires est à l’origine d’une corticothérapie systémique non négligeable et qui peut être à l’origine de complications, dont la baisse de la tolérance au glucose.

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