Oncologie

Cancer de vessie avancé : nouveau standard associant anticorps conjugué et immunothérapie

Le traitement du carcinome urothélial localement avancé ou métastatique semble avoir fait un bond en avant avec les résultats de l'essai EV-302 qui montrent que l’association enfortumab vedotin et pembrolizumab double la survie par rapport à la chimiothérapie à base de sels de platine.

  • Marcin Klapczynski/istock
  • 10 Mar 2024
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    Depuis plusieurs décennies, la chimiothérapie à base de sels de platine est le traitement de référence de première ligne pour les patients souffrant d'un carcinome urothélial avancé inopérable ou métastatique. Bien que les immunothérapies simples ou combinées aient montré une certaine efficacité dans les essais de phase 2 en première ligne, elles n'ont pas permis d'obtenir une meilleure efficacité que les traitements à base de sels de platine dans les essais de phase 2. En outre, l'association de la chimiothérapie et de l'immunothérapie n'a pas non plus permis d'améliorer l'efficacité, à l'exception de l'association de la chimiothérapie et du nivolumab chez les patients éligibles au cisplatine.

    Les résultats d'un essai de phase 3, ouvert et randomisé (EV-302) dans lequel l'association du pembrolizumab, une immunothérapie anti-PD1, et de l’enfortumab vedotin, un anticorps conjugué ciblant la nectine-4, une protéine d'adhésion située à la surface des cellules urothéliales, a été comparée à la chimiothérapie standard de première intention (gemcitabine plus cisplatine ou gemcitabine plus carboplatine chez des patients souffrant d'un carcinome urothélial localement avancé ou métastatique pas encore traité, ont été publiés dans le New England Journal of Medicine. Le traitement par enfortumab vedotin et pembrolizumab conduit à un doublement de la survie sans progression et la survie globale par rapport à la chimiothérapie, ainsi qu'à un pourcentage plus élevé de patients avec des réponses tumorales.

    Un doublement de la survie et de la survie sans progression

    Au total, 886 patients ont été randomisés : 442 dans le groupe enfortumab vedotin-pembrolizumab et 444 dans le groupe chimiothérapie. La survie sans progression est 2 fois plus longue dans le groupe enfortumab vedotin-pembrolizumab que dans le groupe chimiothérapie (médiane, 12,5 mois contre 6,3 mois ; ratio de risque de progression de la maladie ou de décès, 0,45 ; IC à 95 %, 0,38 à 0,54 ; p<0,001), tout comme la survie globale (médiane, 31,5 mois contre 16,1 mois ; ratio de risque de décès, 0,47 ; IC à 95 %, 0,38 à 0,58 ; p<0,001).

    Des effets indésirables de grade 3 ou plus liés au traitement sont survenus chez 55,9% des patients du groupe enfortumab vedotin-pembrolizumab et chez 69,5% des patients du groupe chimiothérapie.

    L'effet bénéfique de l'enfortumab vedotin et du pembrolizumab est observé de manière cohérente dans plusieurs sous-groupes pertinents ; ces résultats tendent à montrer que les décisions thérapeutiques peuvent être prises indépendamment des caractéristiques des patients telles que l'éligibilité au cisplatine ou le statut d'expression du PD-1/PD-L1, facteurs sur lesquels reposent les décisions thérapeutiques actuelles.

    Un nouveau standard de traitement

    Selon un éditorial associé, compte tenu de l'amélioration significative et cliniquement pertinente des résultats avec l'association enfortumab vedotin-pembrolizumab, cet essai doit être considéré comme une avancée historique qui définit un nouveau standard de traitement. Cependant, cet essai suscite plusieurs questions qui fixent le cadre futur de la recherche clinique et translationnelle.

    Dans cet essai, les effets indésirables de grade 3 ou plus ont été moins fréquents chez les patients du groupe enfortumab vedotin-pembrolizumab que chez ceux du groupe chimiothérapie. Cependant, l'enfortumab vedotin et le pembrolizumab ont un profil d'effets secondaires distinct, avec notamment des neuropathies, des éruptions cutanées et des diarrhées, qui différent considérablement des effets indésirables principalement hématologiques observés chez les patients ayant reçu une chimiothérapie à base de sels de platine. La question de savoir si cette différence qualitative plutôt que quantitative affectera la faisabilité du traitement et l'adhésion dans une population réelle doit être élucidée. Les données relatives à la qualité de vie ont été enregistrées mais n'ont pas encore été rapportées. L'apparition d'effets secondaires inacceptables associés à la chimiothérapie et à la nouvelle approche thérapeutique devra être prise en compte lors de la prise de décisions thérapeutiques chez les patients âgés et fragiles.

    Les aspects économiques du traitement par enfortumab vedotin et pembrolizumab ne doivent pas être ignorés dans la mesure où ce traitement est sensiblement plus coûteux que le traitement à base de sels de platine.

    Que faire en cas de résistance à cette association ?

    Une autre question est de savoir comment traiter les patients dont le carcinome urothélial est susceptible d'être réfractaire au traitement ou les patients qui auraient tendance à faire une rechute lorsqu'ils reçoivent de l'enfortumab vedotin et du pembrolizumab, et comment poursuivre le traitement de ces patients, l'enfortumab vedotin étant, en principe, un agent thérapeutique ciblé. Les données probantes pour les recommandations de traitement chez les patients souffrant d'une maladie récurrente ou réfractaire font cruellement défaut.

    Dans l'essai EV-302, la plupart des patients (110 sur 140) qui ont connu une rechute dans le groupe enfortumab vedotin-pembrolizumab ont d'abord été traités par une chimiothérapie à base de platine. Bien qu'il s'agisse d'une approche logique, étant donné que l'on sait peu de choses sur la résistance à la chimiothérapie chez les patients ayant reçu précédemment de l'enfortumab vedotin et du pembrolizumab, on ne sait pas si la chimiothérapie à base de platine est vraiment le meilleur choix pour ces patients.

    La réponse clinique chez ces patients n'est pas encore claire, et les données sur l'efficacité d'autres options thérapeutiques raisonnables dans ce contexte (par exemple, le passage à un autre anticorps conjugué ou à un inhibiteur du récepteur du facteur de croissance des fibroblastes chez les patients éligibles) font défaut.

    Compte tenu de sa qualité méthodologique et de ses résultats, il n’en est pas moins vrai que cet essai doit être considéré comme un tournant historique qui définit un nouveau standard.

     

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    JDF