Onco-digestif
Cancer de l’œsophage opérable : faut-il privilégier une radiochimiothérapie néoadjuvante à base de carboplatine/paclitaxel ou de FOLFOX
Dans les cancers de l’œsophage opérables, la radiochimiothérapie néoadjuvante à base de FOLFOX est aussi efficace que celle à base carboplatine/paclitaxel selon les résultats de l’étude PROTECT.
- Istock/Lars Neumann
La radiochimiothérapie (RCT) à base de 5FU et d’un sel de platine a longtemps été le protocole utilisé dans les formes non métastatiques du cancer de l’œsophage. L’étude PRODIGE 5 a montré que la RCT exclusive selon le schéma FOLFOX + 50 Gy pouvait être considérée comme un standard thérapeutique pour les formes localement avancées non résécables et/ou non opérables.
Cependant, pour les formes localisées résécables du cancer de l’œsophage, la RCT préopératoire selon le schéma carboplatine/paclitaxel + 41,5 Gy est devenu le standard thérapeutique depuis la publication de l’étude CROSS. Il est donc légitime de se poser la question de l’intérêt d’une RCT combinant cette dose plus faible de radiothérapie associée à une chimiothérapie à base de FOLFOX en situation néoadjuvante.
C’était l’objectif de l’étude PROTECT, dont les résultats communiqués au dernier congrès de l’ASCO 2022, ont montré que la RCT néoadjuvante à base de FOLFOX était aussi efficace de celle du protocole CROSS à base de carboplatine/paclitaxel.
Des taux de résection R0 et de réponse histologique complète similaires avec le FOLFOX ou l’association carboplatine/paclitaxel associés à la radiothérapie
L’essai PROTECT est un essai randomisé de phase 2 non comparatif ayant inclus des patients avec un cancer de l’œsophage, quel que soit l’histologie, résécable de stade II (T1-2N1 ou T3N0) ou III (T3N1 ou T4Nx). Les patients étaient randomisés entre deux bras de traitement pré-opératoire : soit une RCT de 41,5 Gy + carboplatine/paclitaxel (CP) (schéma CROSS) soit une RCT de 41,5 Gy + 5FU/oxaliplatine (FOLFOX). La chirurgie était réalisée entre 4 et 8 semaines après la RCT par voie transthoracique ou mini-invasive, et le double critère d’évaluation principal était le taux de résection R0 et le taux de morbidité postopératoire sévère (Clavien-Dindo grade ≥3) dans les 30 jours suivant la chirurgie.
Au total, 100 patients ont été traités par RCT (50 dans le bras FOLFOX et 50 dans le bras CP). Le type histologique était un adénocarcinome chez 62 patients et un carcinome épidermoïde chez les 38 autres. La localisation de la tumeur était œsophagienne (n=66) ou de la jonction Siewert I-II (n=34) et le stade tumoral était II (n=31) ou III (n=68) (n=1).
Au total, 91 patients ont pu être opérés. Les taux de résection chirurgicale R0 étaient de 85,7% et 92% respectivement dans les groupes FOLFOX et CP, donc supérieurs à l’objectif de 75% fixé par l’étude. Les taux de réponse histologique majeure (TRG1-2) étaient, quant à eux, de 46% et 63% respectivement, avec des taux de réponse histologique complète (ypT0N0) de 16,3% et 20,9% respectivement.
Une morbidité post-opératoire qui semble plus importante avec l’association carboplatine/paclitaxel
Concernant l’autre objectif principal de l’étude, portant sur les complications post-opératoires sévères, elles étaient plus fréquentes dans le bras carboplatine/paclitaxel que dans le bras FOLFOX (47,9% vs 30,2% ; p=0,035). Sachant que l’objectif de l’étude était de ne pas atteindre plus de 45% de complications sévères (grade ≥3 selon la classification de Clavien-Dindo), cet objectif n’était donc pas atteint avec le schéma CROSS. Ce déséquilibre concernait surtout les complications digestives à type de fistules œsophagiennes (17% vs 5%) et les hémorragies (6% vs 0%).
Les autres complications fréquentes étaient similaires dans les 2 bras comme les complications respiratoires (FOLFOX 19% ; CP 17%) ou les infections (2% vs 4%), tandis que les nécroses du tube gastrique étaient plus fréquentes dans le bras FOLFOX (5% vs 2%). Ces complications postopératoires ont entrainé le décès de 5 patients, dont 3 dans le bras CP et 2 dans le bras FOLFOX.
Des données de morbidité post-opératoire à prendre avec précaution et un recul plus important nécessaire pour confirmer l‘équivalence des 2 schémas de radiochimiothérapie en termes de survie
La RCT préopératoire avec le FOLFOX parait donc être aussi efficace en termes de résection R0 et de réponse histologique que le schéma historique CROSS à base de carboplatine/paclitaxel, avec l’avantage toutefois d’avoir un taux de complications post-opératoires sévères moindre. Ce dernier point est assez inattendu au regard de la très bonne tolérance observée en pratique clinique avec le schéma CROSS. L
e taux plus élevé de complications post-opératoires sévères dans le bras carboplatine/paclitaxel pourrait être lié au hasard dans cette étude de phase 2 avec un effectif de patients qui reste faible ou pourrait également être expliqué par d’autres paramètres que la chimiothérapie elle-même, notamment les modalités de la radiothérapie (IMRT ou 3D), qui ne sont pas précisés pour chaque bras dans la communication.
Enfin, concernant l’efficacité des 2 schémas de RCT néoadjuvante, le suivi n’était pas suffisant pour communiquer les résultats de survie. Ces données de survie sans récidive et de survie globale seront évidemment importantes à prendre en considération pour confirmer l’équivalence des 2 schémas. Au vue des résultats déjà disponibles, le schéma FOLFOX semble un schéma tout à fait utilisable en pratique clinique en alternative au schéma CROSS à base de carboplatine/paclitaxel.








