Rhumatologie

Polyarthrite rhumatoïde : l’interruption des biothérapies est à discuter

Un des sujets chauds de l’année 2015 a été la possibilité de décroissance ou d’interruption des biothérapies chez les polyarthrites rhumatoïdes en rémission.

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  • 28 Janvier 2016
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    Le coût personnel et économique d’une biothérapie dans la polyarthrite rhumatoïde (PR) pourrait être notablement réduit s’il était possible de l’interrompre une fois le malade en rémission. Un rêve qui ne semble pas inaccessible, en particulier chez les malades mis précocement en rémission par ces molécules. Plusieurs études se sont intéressées à cette question en 2015.

    Rémission : réduction de dose ou interruption

    Dans l’étude PRIZE (Emery P et al), les PR récentes mises en rémission (DAS < 2.6) à 52 semaines sous méthotrexate et étanercept 50 mg par semaine ont été randomisées en 3 bras : soit poursuite du traitement à l’identique, soit réduction de la dose d’étanercept à 25 mg par semaine, soit interruption du traitement par étanercept (méthotrexate seul). Le taux de rémission dans le groupe étanercept réduit a été de 44% à 65 semaines versus 29% dans le groupe méthotrexate seul. Cette étude confirme les tendances relevées dans l’étude PRESERVE qui concernait cependant des malades ne relevant pas forcément de l’étanercept en raison d’une maladie moins sévère (Smolen JS et al).

    Dans l’étude DOSERA (van Vollenhoven RF et al), le même schéma a été proposé chez des PR en Low Dose Activity (DAS 28 < 3.2) à 14 mois de traitement par MTX et étanercept 50 mg/semaine. Après 48 semaines, moins de PR ont été épargnées par une poussée évolutive dans le groupe étanercept 50 mg, soit 52%, versus 44% dans le groupe étanercept 25 mg par semaine et 13% dans le groupe méthotrexate seul.

    Ce processus de décroissance du traitement quel qu’il soir, après mise en rémission, qui avait été vu comme possible dans l’étude BeSt, a été également montré dans l’étude RETRO (Haschka J et al) : chez des PR qui ont atteint un DAS < 2.6 avec différents types d’association, le taux de rechute à 12 mois, qui était de 16% dans le groupe maintien du traitement à pleine de dose, est de 39% après décroissance des doses de moitié, et de 52% chez ceux qui ont eu une réduction de moitié de dose pour 6 mois et un arrêt ultérieur.

    Une revue de 25 études sur la réduction de dose, par Kuijper TM et al, montre qu’un tiers des PR en LDA ou en rémission peuvent réduire leur traitement sans rechute à 12 mois et une diminution de dose des anti-TNF serait meilleure que leur interruption. Ce type de résultat était cependant attendu dans la mesure où plusieurs études ont été formatées par les laboratoires pour mettre en évidence ce type de résultat.

    Les facteurs pronostiques

    Toutes ces études suggèrent donc qu’il est possible de diminuer voire d’arrêter les biothérapies chez un nombre non négligeable de malades en rémission et que cette réduction ou interruption ne serait pas dommageable pour les articulations si le traitement est ré-augmenté dès la rechute (Fautrel B et al). Les guidelines de l’ACR recommandent désormais d’envisager cette possibilité, même si d’autres études doivent être conduites pour en évaluer les modalités et d’isoler les meilleurs facteurs prédictifs de rechute (Singh JA et al).

    En termes de marqueurs prédictif de la rechute après réduction du traitement, il apparaît dans l’étude RETRO que la présence d’anticorps anti-CCP à un taux élevé serait associée à une augmentation du risque de rechute.

    Une analyse conjointe des cohortes de Leiden et ESPOIR sur les PR récentes (van Nies JA), semble montrer que le taux de rechutes semble inférieur après réduction du traitement lorsqu’une PR est traitée très précocement. Par ailleurs, cette étude confirme le plus fort risque de rechute en cas d’anticorps anti-CCP.

    Enfin, très récemment, plusieurs études ont montré l’importance pronostique sur le risque de rechute d’une synovite résiduelle objectivée en écho-doppler : l’élévation du DAS 28 et la présence d’une synovite résiduelle chez une PR sous biothérapie sont associées à un plus fort taux de rechute lors de la diminution de la biothérapie. La présence d’une synovite comme facteur de mauvais pronostic de rechute est confirmée également chez des PR en rémission (DAS 28 < 2.6).

    Des pistes stratégiques se dégagent

    En pratique, que peut-on retenir de toutes ces études et recommandations au niveau individuel, pour le malade qui vient en consultation :

    • Il est certainement possible d’envisager réduire, voire d’interrompre, une biothérapie chez un malade en rémission, et cela sera d’autant plus possible qu’il a été pris en charge très tôt et que la mise en rémission a été rapide, validant ainsi le concept de « fenêtre d’opportunité ».

    • Les modalités de cette rémission restent à définir, mais la valeur du DAS 28 doit certainement être plus basse que 2.6, en particulier chez les PR avec anti-CCP, et le délai de rémission doit être suffisant (mais il n’est pas sûr que 1 an soit mieux que 6 mois).

    • L’écho-doppler semble beaucoup plus intéressant que le DAS 28 pour identifier les PR en rémission chez lesquelles ont peut proposer une interruption de la biothérapie.

    • Le suivi de ces malades après interruption doit être aussi strict que pour les autres afin de pouvoir réinstaurer un traitement très vite en cas de rechute. Ce traitement sera efficace et cette attitude évite les lésions articulaires.

    Au final, on s’achemine vers une instauration très précoce des biothérapies en cas d’échec du méthotrexate à 3 mois, afin d’avoir plus de chance de mettre le malade en rémission complète. Une fois celle-ci obtenue, l’écho-doppler permettra de sélectionner les malades qui pourront bénéficier d’une interruption de traitement. En cas de rechute, la reprise immédiate de la biothérapie permettra de remettre le malade en rémission…et de réenvisager plusieurs mois après une nouvelle interruption. Reste à déterminer quel est le traitement le plus efficace pour le maintien de la rechute après arrêt de la biothérapie : méthotrexate seul ou association MTX avec autre DMARD ?

     

    Emery P, Hammoudeh M, FitzGerald O, et al. Sustained remission with etanercept tapering in early rheumatoid arthritis. N Engl J Med. 2014;371:1781-1792.

    Smolen JS et al. Maintenance, reduction, or withdrawal of etanercept after treatment with etanercept and methotrexate in patients with moderate rheumatoid arthritis (PRESERVE): a randomised controlled trial. Lancet. 2013 Mar 16;381(9870):918-29. doi: 10.1016/S0140-6736(12)61811-X.

    Van Vollenhoven RF et al. Full dose, reduced dose or discontinuation of etanercept in rheumatoid arthritis. Ann Rheum Dis. 2016 Jan;75(1):52-8. doi: 10.1136/annrheumdis-2014-205726.

    Haschka J, Englbrecht M, Hueber AJ, et al. Relapse rates in patients with rheumatoid arthritis in stable remission tapering or stopping antirheumatic therapy: interim results from the prospective randomised controlled RETRO study. Ann Rheum Dis. 2015.

    Kuijper TM, Lamers-Karnebeek FB, Jacobs JW, Hazes JM, Luime JJ. Flare rate in patients with rheumatoid arthritis in low disease activity or remission when tapering or stopping synthetic or biologic DMARD: a systematic review. J Rheumatol. 2015;42:2012-2022.

    Singh JA, Saag KG, Bridges SL Jr, et al. 2015 American College of Rheumatology guideline for the treatment of rheumatoid arthritis. Arthritis Care Res. 2015 Nov 6.

    van Nies JA, Tsonaka R, Gaujoux-Viala C, Fautrel B, van der Helm-van Mil AH. Evaluating relationships between symptom duration and persistence of rheumatoid arthritis: does a window of opportunity exist? Results on the Leiden early arthritis clinic and ESPOIR cohorts. Ann Rheum Dis. 2015;74:806-812.

    Marks JL, Holroyd CR, Dimitrov BD, et al. Does combined clinical and ultrasound assessment allow selection of individuals with rheumatoid arthritis for sustained reduction of anti-tumor necrosis factor therapy? Arthritis Care Res. 2015;67:746-753.

    Naredo E et al. Predictive value of Doppler ultrasound-detected synovitis in relation to failed tapering of biologic therapy in patients with rheumatoid arthritis. Rheumatology (Oxford). 2015 Aug;54(8):1408-14. doi: 10.1093/rheumatology/kev006

    Iwamoto T et al. Prediction of relapse after discontinuation of biologic agents by ultrasonographic assessment in patients with rheumatoid arthritis in clinical remission: high predictive values of total gray-scale and power Doppler scores that represent residual synovial inflammation before discontinuation. Arthritis Care Res. 2014 Oct;66(10):1576-81.

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