Onco-Thoracique

Cancer broncho-pulmonaire : altérations oncogénétiques causées par le tabagisme passif

Une étude japonaise sur des femmes non-fumeuses sur le tabagisme passif, responsable d’altérations génétiques serait susceptibles d’entrainer un cancer broncho-pulmonaire chez les non-fumeurs.

  • Daria Kulkova/iStock
  • 07 Mai 2024
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    Le tabagisme passif, défini comme l’inhalation de fumées de tabac par des non-fumeurs côtoyant des fumeurs, a été répertorié comme carcinogène du groupe 1 pour le cancer du poumon depuis 2010 par l’Agence Internationale de Recherche sur le Cancer (IARC). Le tabagisme actif est reconnu comme facteur de risque prioritaire de cancer du poumon. Cependant, un risque augmenté de cancer du poumon chez les non-fumeurs sujets à un tabagisme passif a été observé dans diverses études. Certaines études rapportent même qu’une exposition fréquente au tabagisme passif dans l’enfance serait corrélée à la survenue d’un cancer broncho-pulmonaire à l’âge adulte.

    Dans une nouvelle étude, les auteurs rapportent les altérations moléculaires retrouvées par séquençage de l’exome chez 291 patientes non fumeuses - chez qui l’exposition à un tabagisme passif a été évalué - atteintes d’un adénocarcinome pulmonaire, en comparaison à 122 patientes fumeuses atteintes d’un adénocarcinome pulmonaire. Les patientes ont été sélectionnées de façon rétrospective au Centre de Lutte Contre le Cancer de Tokyo, entre 2011 et 2017.

    La définition de non-fumeuse était la suivante : consommation nulle ou de moins de 100 cigarettes au cours de la vie. Pour l’analyse moléculaire des 291 patientes non fumeuses, un tabagisme passif absent ou quotidien était identifié.

    Une charge mutationnelle élevée

    Une augmentation de charge mutationnelle tumorale (TMB=Tumor Mutational Burden) a été observée dans le groupe de patientes non-fumeuses exposées à un tabagisme passif quotidien versus les patientes non-fumeuses non exposées à un tabagisme passif (valeur moyenne de charge mutationnelle tumorale 1,44 versus 1,29 par mégabase respectivement (p = 0,020)).

    La forte charge mutationnelle étant source de nombreux néo-antigènes et propice à l’activité de l’immunothérapie.

    Des altérations des gènes APOBEC, GNAS et MDM2

    Le tabagisme passif induit des mutations dans la signature des gènes liés à APOBEC, gènes de l’inflammation. Il a déjà été décrit que le tabagisme favorise une inflammation des tissus respiratoires. Le tabagisme passif ne semble pas influencer dans cette étude la survenue de mutations drivers. Ce résultat est cohérent avec les connaissances récentes (Swanton et al. 2022.) de l’oncogenèse du cancer du poumon qui soutiennent que l’exposition à des particules fines inhalées donnerait un avantage sélectif aux cellules porteuses de mutations drivers et favoriserait leur croissance.

    Enfin, des mutations dans les gènes GNAS et MDM2 ont été retrouvées de façon préférentielle chez les patientes non fumeuses avec un fort tabagisme passif atteintes de cancer du poumon. Des thérapies ciblées sont en cours de développement chez les patients porteurs de ces altérations.

     

    Ce travail original confirme que le tabagisme passif est responsable d’altérations génétiques (en lien avec l’inflammation entre autre) qui favoriseraient le cancer du poumon. Dans un avenir à moyen terme, on pourrait envisager que ces altérations servent de biomarqueurs pour identifier les patients sujets à un tabagisme passif à haut risque de développer la pathologie (comme les gènes APOBEC). De plus, chez ces patients non-fumeurs sujets à un tabagisme passif, des thérapies ciblées spécifiques à cette population pourraient être indiquées. Ces résultats sont aujourd’hui aux stades exploratoires mais ouvrent la voie vers la prise en charge des patients sujets au tabagisme passif.

     

     

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    JDF