Cardiologie
FA et personnes âgées fragiles : le switch AVK vers AOD peut être risqué
Le remplacement des AVK par des AOD chez des patients âgés et fragiles de plus de 75 ans traités par AVK au long cours pour FA non valvulaire ne montre aucun bénéfice. En revanche, il est associé à un taux de complications hémorragiques plus élevé.
- wingedwolf/iStock
L’étude néerlandaise randomisée FRAIL-AF, présentée au cours de la session hotline du 27 août 2023 du congrès ESC 2023, a évalué l’intérêt du remplacement des AVK (anti-vitamine K) au long cours par des AOD (anticoagulants oraux directs (inhibant un facteur précis de la coagulation)) chez les personnes âgées et fragiles de plus de 75 ans souffrant de fibrillation auriculaire (FA). Elle a mis en avant le peu d’intérêt de cette pratique compte tenu des complications hémorragiques associées, alors ùême que le temps passé dans la cible sous AVK était médiocre.
Il est vrai que les recommandations ESC 2020 pour la prévention des accidents thrombo-emboliques, vont dans le sens d’une prescription première d’AOD dès la découverte d’une FA et du remplacement de l’AVK par un AOD, uniquement en l’absence de contre-indication, si l’INR est mal équilibré malgré une bonne observance. Cependant, trop peu d’études ayant été faites par rapport aux personnes âgées et fragiles, il était nécessaire d’avoir plus de données pour une prescription sûre et bénéfique à leur égard.
Une étude randomisée sur les risques du switch AVK-AOD
L’étude a cherché à déterminer si le passage d’un traitement AVK vers un traitement AOD avait un certain bénéficie et s'il était associé ou non à une augmentation des complications hémorragiques. Les patients recrutés étaient âgés d’au moins 75 ans, avaient un score de GFI (Groningen Frailty Indicator, un outil de d’évaluation de la fragilité)) de 3 ou plus et suivaient un traitement par AVK. Ceux présentant une insuffisance rénale grave (débit de filtration glomérulaire inférieur à 20 ml/min/1,73 m2) ou de fibrillation auriculaire sur valvulopathie ont été éliminés.
Les patients ont été randomisés dans un rapport 1:1 avec un groupe continuant les AVK et le second remplaçant traitement AVK par un AOD. Le choix de l’AOD a été laissé au médecin traitant. Entre janvier 2018 et avril 2022, un total de 1 330 patients (âge moyen 83 ans, 38,8 % de femmes) ont été suivis sur 12 mois.
Le critère principal de l’étude était la survenue d’épisodes hémorragiques majeurs ou non majeurs mais cliniquement pertinents. Les résultats secondaires comprenaient les évènements thromboemboliques (AVC, AIT ou thrombo-embolie artérielle).
Un arrêt prématuré de l’étude….
Après 163 accidents hémorragiques (101 chez les patients ayant eu un switch AVK-AOD et 62 chez ceux ayant continué l’AVK), l'essai a été arrêté pour futilité (c’est-à-dire sans certitude raisonnable à son aboutissement) sur avis du Data Safety and Monitoring Board (groupe indépendant d’experts), suite à une analyse intermédiaire.
Le Hazard Ratio (HR) pour le résultat primaire d'hémorragie majeure ou non majeure cliniquement pertinente était de 1,69 pour le passage à un AOD par rapport à la poursuite d'un AVK. Le HR pour les événements thromboemboliques était de 1,26.
En ce qui concerne les résultats secondaires, 16 événements thromboemboliques sont survenus dans le groupe AOD contre 13 dans le groupe AVK, et 44 décès dans le groupe AOD contre 46 dans le groupe AVK. Il n’y a donc pas de différence significative pour le risque thrombo-embolique dans les 2 groupes.
…devant un risque hémorragique augmenté
Selon l’auteur de l'étude, le Dr Linda Joosten (Julius Center for Health Sciences and Primary Care, Université d'Utrecht) : "Le passage d'un traitement par AVK à un AOD chez des patients âgés fragiles atteints de fibrillation auriculaire a été associé à davantage de complications hémorragiques que la poursuite d'un AVK. Ce risque hémorragique plus élevé avec les AOD n'a pas été compensé par un risque plus faible d'événements thromboemboliques."
Il reste donc nécessaire de tenir compte de l’âge et de la fragilité des personnes de plus de 75 ans dans la modification d’un traitement anticoagulant par AVK. Attitude d’ailleurs valable pour n’importe quel traitement des patients dits séniors.








