Neurologie
Statut Socio-économique et SEP : du risque de développer la maladie à l’excès de mortalité.
Le statut socio-économique n’est pas un facteur de risque indépendant de déclenchement d’une sclérose en plaques (SEP), mais reste un élément important du pronostic.
- Pornpak Khunatorn/istock
Plusieurs études ont fait état d’un lien possible entre le SSE et le risque de SEP (Bjornevik K, Mult Scler 2017; Riise T, Mult Scler 2011; Briggs FB, J Epidemiol community Health 2014; Bjornevik K, Mult Scler 2016; Casetta I, Neuroepidemiology 1994; Kurtzke JF, Neurology 1997).
Néanmoins, de nombreux facteurs confondants sont susceptibles d’avoir biaisé l’association retrouvée.
Lien entre le statut socio-économique (SSE) et le risque de SEP
L’équipe de A.K Hedström a repris les données suédoises et, grâce à la puissance de leur registre national, les analyser au regard de différentes variables potentiellement associées au SSE.
Ainsi, en reprenant les dossiers des 24 729 patients SEP diagnostiqués entre 1990 et 2018 et en associant chaque patient à 5 contrôles appariés sur l’année et l’âge au moment du diagnostic, le sexe, et le lieu de résidence, en utilisant les données sur les habitudes de vie (tabac, alcool, IMC et exposition aux UV) issues de 2 autres études cas-contrôle et en récupérant les informations sur le niveau éducatif et les revenus du foyer, ils ont pu démontrer qu’il n’y avait pas de lien entre le niveau éducatif et le risque de SEP. Les patients avec un niveau de revenus dépassant le quartile supérieur semblaient moins à risque de développer une SEP (OR : 0.86, IC à 95% [0.82-0.90]). Néanmoins ce lien disparaissait après ajustement sur les différents facteurs des habitudes de vie.
Il est intéressant de bénéficier de la puissance des registres nationaux pour mieux préciser le lien (ou l’absence de lien) entre le SSE et le risque de SEP. En effet, si le SSE permet d’identifier des groupes homogènes de patients devant bénéficier d’une prise en charge médicale spécifique, il est important de garder à l’esprit que ce marqueur n’est pas une variable indépendante et que les liens parfois retrouvés peuvent être expliqués par des facteurs confondants comme l’accès à la connaissance médicale ou à un professionnel de santé.
Lien entre SSE et risque de mortalité dans la SEP
Floriane Calocer a utilisé l’index européen de déprivation sociale (EDI) pour évaluer le SSE. Il s’agit d’un indice européen de défavorisation relative qui peut, selon la question de recherche, être utilisé comme un proxy individuel de la défavorisation ou comme une mesure agrégée intégrant dès lors des effets contextuels qui restent à identifier. Il donne une mesure globale de l’environnement socio-économique au niveau du quartier en utilisant dix variables pondérées : faible niveau éducatif, absence de voiture, surpopulation, pas d’accès à un chauffage central, statut de locataire, chômage, nationalité étrangère, emploi non qualifié, mère au foyer avec plus de 6 personnes et famille mono-parentale.
A partir des données de 10 centres participants à l’OFSEP, elle a pu étudier la mortalité liée à la SEP selon l’EDI. 34169 patients diagnostiqués entre 1960 et 2015 ont été analysés dont 30083 (88%) étaient rémittents et 10486 (12%) progressifs, le sexe ratio était de 2.7 pour les formes rémittentes et 1.3 pour les progressives. 1849 patients sont décédés dont 1311 (4.4%) de rémittents et 538 (13.2%) de progressifs. Les patients avec une déprivation sociale plus importante (correspondant à un EDI plus élevé) avaient un taux de mortalité supplémentaire plus important. Ainsi, l’écart de probabilité de survie d’un patient né en 1980, suivi pendant 30 ans pour une maladie rémittente était de 16.6% (IC95%, 10.3-22.9%] pour les hommes et 12.3% (IC95%, 7.6-17.0%]) pour les femmes entre les plus favorisés (EDI=-6) et les moins favorisés (EDI=12).
S’il existe un gradient de SSE dans la mortalité en population générale (Mackenbach JP. Soc Sci Med.2012), il a été pris en compte et son effet mesuré grâce aux analyses de sensibilité objectivant que les différences de mortalité en fonction du score EDI restaient significatives. Nous attendons avec impatience des analyses plus fines avec notamment la prise en compte des comorbidités, du niveau de handicap ou encore des différents traitements.
Ces 2 articles montrent l’intérêt pour les praticiens de prendre en compte le SSE de leur patients afin de leur proposer une prise en charge plus holistique. Ces éléments sont également importants à communiquer aux autorités de santé afin qu’elles puissent mettre en place des stratégies adaptées et ciblées aux populations les plus « fragiles ».
Références :
- Alfredsson L, Hillert J, Olsson T, Hedström AK. Observed associations between indicators of socioeconomic status and risk of multiple sclerosis in Sweden are explained by a few lifestyle-related factors. Eur J Neurol. 2023 Jan 24. doi: 10.1111/ene.15705. Epub ahead of print. PMID: 36692896.
- Wilson S, Calocer F, Rollot F, Fauvernier M, Remontet L, Tron L, Vukusic S, Le Page E, Debouverie M, Ciron J, Ruet A, De Sèze J, Zephir H, Moreau T, Lebrun-Frénay C, Laplaud DA, Clavelou P, Labauge P, Berger E, Pelletier J, Heinzlef O, Thouvenot E, Camdessanché JP, Leray E, Dejardin O, Defer G. Effects of socioeconomic status on excess mortality in patients with multiple sclerosis in France: A retrospective observational cohort study. Lancet Reg Health Eur. 2022 Nov 17;24:100542. doi: 10.1016/j.lanepe.2022.100542. PMID: 36426377; PMCID: PMC9678948.