Pesticides et polluants
Plus de 150 produits chimiques courants sont toxiques pour le microbiote
Des pesticides et autres produits chimiques industriels couramment utilisés sont toxiques pour les bonnes bactéries de notre microbiote intestinal, selon une nouvelle étude de l’université de Cambridge.
- Par Sophie Raffin
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- valio84sl/istock
Agriculture, emballages, vêtements, logements… les substances chimiques industrielles sont partout, et elles ne sont pas forcément sans conséquences pour notre microbiote... et, par effet domino, sur notre santé. Des analyses en laboratoire ont identifié 168 produits chimiques industriels, allant des pesticides aux retardateurs de flamme, qui sont toxiques pour les bonnes bactéries intestinales.
Cette étude, menée par l’université de Cambridge, a été publiée dans la revue Nature Microbiology, le 26 novembre 2025.
Pesticide : 168 produits chimiques toxiques pour les bonnes bactéries intestinales
Dans le cadre de ses travaux, l’équipe a mis au point un modèle d'apprentissage automatique capable de prédire si les produits chimiques industriels - qu'ils soient déjà utilisés ou en cours de développement - peuvent être nocifs pour les bactéries intestinales humaines. Il s’agit d’un point qui ne fait pas partie des évaluations standards de la sécurité chimique actuellement, précisent les chercheurs.
Ils ont ainsi testé en laboratoire l'effet de 1.076 produits sur 22 espèces de bactéries intestinales. Résultat : 168 références se sont révélées toxiques pour le microbiote. Cela comprenait des pesticides comme les herbicides et les insecticides pulvérisés dans les cultures dédiées à l’alimentation (champs, jardin potager…) ou encore les produits chimiques industriels utilisés dans les retardateurs de flamme et pour le plastique.
"Nous avons constaté que de nombreux produits chimiques conçus pour agir uniquement sur un type de cible, par exemple les insectes ou les champignons, affectent également les bactéries intestinales. Nous avons été surpris de constater que certaines de ces substances avaient des effets aussi marqués. Par exemple, on pensait que de nombreux produits chimiques industriels, comme les retardateurs de flamme et les plastifiants – avec lesquels nous sommes régulièrement en contact – n'avaient aucun effet sur les organismes vivants. Or, c'est le cas", explique Dr Indra Roux, chercheuse à l'université de Cambridge et première auteure de l'étude.Les bactéries intestinales exposées aux produits chimiques pourraient devenir résistantes aux antibiotiques
Les scientifiques britanniques ont aussi constaté que pour résister aux polluants chimiques, les bactéries intestinales modifient leur fonctionnement lorsqu'elles sont à leur contact. Certaines deviennent résistantes à des antibiotiques comme la ciprofloxacine. "Si ce phénomène se produit dans l'intestin humain, les infections pourraient devenir plus difficiles à traiter", préviennent-ils dans leur communiqué.
Toutefois, ils reconnaissent qu’ils ont peu d’informations, pour le moment, sur les effets directs des produits chimiques sur le microbiote intestinal. Pour eux, il faudrait étudier les conséquences d’une exposition aux produits chimiques sur les humains en conditions réelles. "Maintenant que nous avons commencé à découvrir ces interactions dans un cadre de laboratoire, il est important de commencer à collecter plus de données d'exposition aux produits chimiques du monde réel, pour voir s'il y a des effets similaires dans nos corps", ajoute le Dr Kiran Patil, auteur principal de l'étude.
Son collègue Dr Stephan Kamrad remarque qu’il faudrait également vérifier de façon plus systématique les effets des pesticides et autres substances chimiques sur le microbiote avant leur utilisation. "Les évaluations de sécurité des nouveaux produits chimiques destinés à l’usage humain doivent garantir qu'ils sont également sans danger pour nos bactéries intestinales, qui pourraient être exposées à ces produits chimiques par le biais de notre nourriture et notre eau." En attendant l'avancée des connaissances sur ce sujet, les chercheurs indiquent que le meilleur moyen de réduire l'exposition aux polluants chimiques est de laver les fruits et les légumes avant de les manger et de ne pas utiliser de pesticides dans le jardin.










